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HORTICULTURE.


du dix-septième siècle ; nous y remarquons cependant des bosquets dans le style moderne, dessinés avec beaucoup de goût, deux fort belles fontaines et d’autres ornements de sculpture et d’architecture, dignes de la demeure d’un prince éclairé. Puis nous reprenons le chemin de la Hollande proprement dite, et nous ne nous arrêtons qu’aux portos d’Amsterdam. Si du haut d’un de ses principaux édifices nous planons sur cette ville immense, nous avons peine à croire que ses 300 000 habitants tirent les légumes dont ils absorbent de si énormes quantités, de ces tout petits compartiments de verdure qui l’environnent vers le sud. Descendons dans un de ces admirables potagers ; nous ne reverrons les mêmes prodiges de production que dans les marais des environs de Paris. Mais ici, les peines du jardinier hollandais ne sauraient être comparées à celles du maraîcher parisien ; l’arrosoir est inutile en Hollande où les pluies sont toujours surabondantes. L’engrais employé avec profusion dans un sol déjà très riche, est très chargé de matières animales, car le pays abonde en fourrages de toute espèce, tandis que les pailles et les autres ressources pour la litière du bétail y sont généralement rares ; on ne voit pas qu’il en résulte d’altération dans la qualité des légumes. C’est un exemple que, dans notre sol brûlant, très chargé de principes calcaires, nous ne pourrions imiter ; nos jardins veulent au contraire des fumiers où les matières végétales soient en excès et qui laissent un terreau presque tout végétal quand ils sont arrivés au dernier terme de leur décomposition. Nous ne quittons pas Amsterdam sans visiter les serres du jardin botanique, afin d’y saluer de très vieux pieds de caféier, conservés dans ces serres depuis 1690 ; un seul plant provenant des graines de l’un de ces caféiers, fut envoyé d’Amsterdam à Paris en 1714 ; 12 ans plus tard, en 1726, deux plants, provenant des graines de ces caféiers, lurent envoyés à la Martinique ; tous les caféiers de celle colonie descendent de ces deux plants. En avançant vers le sud, nous verrons près de Harlem et de Leyde ces célèbres collections de tulipes, de jacinthes, de renoncules et d’anémones, dont les plus belles n’appartiennent point au commerce ; elles font les délices de quelques riches amateurs. Félicitons-nous de pouvoir sans nous ruiner l’aire l’acquisition de ce que le commerce a de plus rare à nous offrir en ce genre ; il y a 60 ans, un de ces ognons qui nous coûtent quelques francs, nous en eût coûté 2 ou 3 mille. Les registres des recettes publiques de la ville d’Alkmaar font loi qu’en l’année 1637, 120 tulipes ont été vendues au profil de l’hospice des orphelins pour la somme de 9,000 florins, environ 20 mille francs, qui en représentaient au moins 40 de la monnaie actuelle, en raison du prix moyen des denrées ; un seul de ces ognons, nommé le vice-roi, avait été payé 4,203 florins, près de 9,000 francs, qui en vaudraient près de 20,000 de nos jours. Du reste, comme l’avait si victorieusement démontré dans la pratique feu notre habile confrère, M. Tripet, les Hollandais n’ont d’avantage sur nous, quant aux plantes bulbeuses, que par le climat ; c’est le voisinage de la mer qui conserve leurs ognons indéfiniment, tandis que sous notre climat méditerranéen, les mêmes végétaux dégénèrent en quelques années et veulent être maintenus par des rajeunissements continuels qui permettent à nos collections de rivaliser avec celles de Hollande, sauf par la durée.

Nous rencontrons au bord des canaux et des rivières des bateaux chargés de cendres de houille ; elles viennent de Belgique ; Anvers, Gand, Bruxelles, et une foule d’autres villes envoient en Hollande le superflu de leurs cendres dont une partie seulement est employée par l’horticulture et l’agriculture de la Belgique. Cet amendement très excitant, soigneusement débarrassé des scories à demi vitrifiées auxquelles il est toujours mêlé, est pour les jardiniers hollandais un moyen puissant d’activer la végétation.

Les produits forcés sur couches ou dans la serre sont beaucoup plus abondants, toute proportion gardée, en Hollande qu’en France ; le goût des fleurs y est particulièrement l’objet d’un luxe fort élégant. Grâce au talent des horticulteurs, elles y sont en abondance et à des prix assez modérés en toute saison.

Nous arrivons en Belgique par Anvers ; les potagers des environs de celle ville nous offrent tous les produits de ceux de Hollande qui sont semblables à ceux des nôtres. Nous y remarquerons, en outre, de grands carrés de choux rouges ; leur culture est de tout point semblable à celle de nos choux pommés. On en mange une grande partie crus, à la manière de nos salades ; mais, faute d’huile, on les assaisonne avec du beurre fondu mêle de vinaigre. Comme ce mets se mange froid, il faut se hâter de l’avaler avant que le beurre ne se fige ; la salade de chou rouge cru n’est réellement supportable que pour les palais qui en ont l’habitude. Nous goûtons à Gand un légume plus généralement estimé ; c’est la grosse asperge qu’on n’obtient nulle part ailleurs aussi belle et d’aussi bonne qualité. Toutefois, ce n’est pas à Gand même qu’il faut manger l’asperge de Gand, à moins d’être du pays. Pour les consommateurs français, l’asperge n’a toute sa valeur que quand elle a passé au moins un jour hors de terre, et que son extrémité y est devenue verte ou violette ; les Flamands la préfèrent blanche ; ils vont la chercher entre deux terres, avant qu’elle se soit colorée par l’influence du soleil ; elle est alors plus tendre, mais elle a moins de saveur. On suit la même méthode dans toutes les autres provinces belges.

A Bruxelles, nous ne pouvons oublier de goûter les spruyt ou jets de choux, improprement nommés choux de Bruxelles, car les meilleurs croissent aux environs de Malines et de Louvain. L’ordre, la régularité, l’absence de toutes mauvaises herbes, et une succession non inter-