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ENGRAIS ET AMENDEMENTS.

de démolir aussitôt les tas pour ne les reconstruire que quand le fumier sera refroidi et séché. Ces accidents, heureusement assez rares, ne peuvent arriver que quand le fumier est amoncelé en trop grandes masses.

§ V. — Fumier d’étable.

Cet engrais est celui que les jardiniers emploient le moins, parce que n’étant jamais aussi actif que celui d’écurie, et n’imprimant pas autant de rapidité à la végétation, il leur est moins avantageux ; il est cependant des terrains où sans cet engrais on ne saurait établir un bon jardinage : tels sont les terrains calcaires, gypseux, sablonneux, manquant de consistance, et susceptibles de s’échauffer au point de rendre toute culture jardinière impossible en dépit des plus larges arrosages. Le fumier d’étable introduit dans ces terrains une grande quantité d’humus qui leur donne du corps et de la vigueur ; il leur faut en outre ajouter dans le même but plusieurs substances qui rentrent dans la classe des amendements (voyez Amendements, p. 17).

La culture en grand de toute espèce de légumes communs s’accommode fort bien du fumier d’étable dans presque tous les terrains ; il n’en est pas de même des productions les plus délicates du jardin potager ; les fraisiers et les melons ont particulièrement besoin de fumier de cheval, ou, à son défaut, de fumier de mouton ; l’engrais provenant des bêtes à cornes ne leur suffirait pas s’il était employé seul.

§ VI. — Fumier de bergerie.

Ce fumier provient des moutons et des chèvres ; on le considère comme un engrais chaud, très susceptible, à défaut de fumier d’écurie, de remédier aux inconvénients du fumier d’étable ; un mélange de ces deux fumiers par parties égales pourra suppléer très convenablement au manque de fumier d’écurie, et produire à peu près les mêmes effets pour toutes les cultures jardinières, à l’exception toutefois des couches à champignons qui ne peuvent réussir qu’avec du fumier de cheval, d’âne ou de mulet ; ces deux derniers, plus rares dans la France centrale, sont les meilleurs pour cette culture. Le fumier de lapin, qui du reste n’existe jamais qu’en petite quantité, jouit des mêmes propriétés que le fumier de bergerie.

§ VII. — Colombine.

Les déjections des pigeons et celles des autres oiseaux de basse-cour sont l’engrais le plus actif dont puisse disposer la culture jardinière. Mêlée à d’autres fumiers à très petite dose, la colombine produit des effets très remarquables, principalement sur les plantes cucurbitacées. Malheureusement la majeure partie de cet engrais, si précieux et déjà si rare par lui-même, se perd par négligence ; dans la plupart des fermes, le colombier et le poulailler, qui devraient être nettoyés une fois ou deux par semaine, le sont à peine deux fois par an, sans parler de ceux qu’on ne nettoie jamais. Nous engageons vivement tout jardinier soigneux de ses intérêts à s’arranger avec les fermiers de son voisinage pour enlever lui-même de temps en temps la colombine qui se perd inaperçue dans la grande culture. La colombine se conserve à l’état pulvérulent ; on l’emploie souvent délayée dans l’eau dont on arrose les plantes lorsqu’on désire hâter leur croissance ; il ne faut en faire usage qu’avec précaution ; beaucoup de plantes ne peuvent la supporter sans mélange ; pour la leur appliquer on l’affaiblit en la mêlant avec de bonne terre de jardin passée à la claie.

§ VIII. — Fumier de porc.

Nous n’avons jamais pu nous rendre compte des motifs pour lesquels les traités de jardinage les plus accrédités conseillent de ne point employer dans la culture jardinière l’engrais de porc, qu’on assure être très froid et capable de faire mourir les plantes. Nous pouvons affirmer, d’après une foule d’expériences faites en France et en Belgique avec cet engrais pur, que c’est un préjugé. Il est peu de jardiniers de profession qui n’élèvent un cochon pour la provision de leur ménage ; ils peuvent en toute sûreté en employer le fumier comme celui d’étable ; nous l’avons toujours trouvé plus actif que le fumier des bêtes à cornes dans les terrains froids et lents à produire. La manière la plus avantageuse de l’utiliser pour le jardinage est de le mêler avec du fumier d’écurie ou de bergerie.

§ IX. — Issues des villes.

Les jardiniers des environs de Paris sont généralement prévenus contre l’emploi des engrais ramassés dans les rues ; il est certain que les boues de Paris, où tant de substances de toute nature sont en décomposition, exhalant une odeur fétide, odeur sui géneris, et des plus révoltantes, peuvent donner lieu de craindre une altération sensible dans la saveur de quelques produits obtenus au moyen de cet engrais dont on connaît d’ailleurs la puissance fertilisante, et dont l’usage est très répandu, soit pour la culture des céréales, soit pour la culture en plein champ des légumes communs ; on ne peut donc blâmer la circonspection des maraîchers à cet égard. Mais les ressources analogues que peut se procurer dans les départements le jardinier placé à proximité d’une ville ou même d’une simple bourgade n’ont pas les mêmes inconvénients. Les jours de marché, par exemple, la place publique d’un bourg ou d’une petite ville est encombrée de débris végétaux ; on peut les utiliser sans crainte ; il n’y a souvent d’autre peine à prendre que celle de les ramasser. Chacun s’en rapportera sur ce point aux circonstances locales et à ses propres observations, et l’on se gardera bien de négliger un moyen d’accroître presque sans frais la fertilité du sol consacré à la culture jardinière, chaque fois qu’on pourra utili-