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livre viii.
HORTICULTURE.


tionné en fait de procédés applicables à cette branche essentielle de l’horticulture. Avant de traiter en détail des diverses parties de la culture maraîchère, donnons une idée de ses principes généraux, principes qui sont de véritables lois pour tout bon jardinier. Le plus important de tous, c’est la prodigalité en fait d’engrais et d’arrosages ; le potager a rarement trop d’eau ; il n’a jamais assez de fumier. C’est en suivant cette règle invariable que des terrains stériles en eux-mêmes, et qui partout ailleurs n’auraient été jugés dignes d’aucune espèce de culture, sont devenus avec le temps les marais les plus productifs des environs de Paris ; c’est une expérience que la création de nouvelles cultures maraîchères confirme chaque année.

Le second principe, non moins important, c’est de ne pas s’entêter à continuer une culture qui ne prospère pas. Ainsi le maraîcher, même quand il ne cultive pas de primeurs, a toujours sur couches sourdes ou sur plate-bande exposée au midi, du plant tout prêt pour remplacer celui qui, selon l’expression reçue, ne travaille pas bien. Il y a en effet, pour qui n’épargne pas sa peine, plus de profit à sacrifier tout de suite une planche de légumes atteints par la gelée, la grêle, les insectes, ou qui languissent pour une cause quelconque, qu’à s’obstiner à vouloir la rétablir, pour n’en obtenir que des produits de qualité inférieure.

La prévoyance est la qualité la plus nécessaire au maraîcher dans sa culture ; aucun accident ne doit le prendre au dépourvu ; aucun revers de température ne doit l’empêcher de remplacer une récolte détruite ou détériorée, par une autre que ses soins amèneront à bien.

Le maraîcher sait choisir le moment précis qui convient pour chaque partie de son travail ; il prend ses dispositions de manière à pouvoir faire chaque chose en son temps. C’est ainsi que, pour les salades, par exemple, il combine les semis de manière à ce que les repiquages tombent dans un moment où toute autre besogne peut être laissée pour celle-là ; en un mot, il fait en sorte que ce qui ne peut attendre se fasse d’urgence, sans pourtant laisser en souffrance aucune autre partie de son travail. Le maraîcher ne prend jamais un terrain trop étendu relativement à ses facultés. On ne compte guère par hectares dans la culture maraîchère ; un marais de 66 ares (deux arpents de Paris) est déjà d’une grande étendue ; il n’exige pas moins de 12 à 15 mille francs pour être mis complètement en valeur et rendre tout ce qu’il est susceptible de produire. Mais il est presque sans exemple que le maraîcher s’embarque dans une opération qu’il ne pourrait mener à bien ; si les fonds lui manquent, il aime mieux n’avoir point de verre, c’est-à-dire se passer de cloches et de châssis, hors du simple nécessaire, s’abstenir de toute culture forcée, et se borner à la culture naturelle, mais pouvoir la conduire dans toute sa perfection.

Tout ce que nous avons à dire sur la culture des légumes est emprunté aux excellentes pratiques usitées dans les marais des environs de Paris. Nous indiquerons séparément les cultures qui, sous des climats différents, exigent d’autres procédés. L’exposé complet de la culture maraîchère exige seulement deux divisions : la première comprend les cultures naturelles, qui font arriver les récoltes à l’époque voulue par la nature ; la seconde comprend les cultures forcées ayant pour but d’activer la végétation de manière à faire devancer aux produits l’époque naturelle de leur maturité.


CHAPITRE 1er . — Cultures naturelles.

Section 1re . — Légumes proprement dits.

Dans le sens rigoureux du mot légume, les naturalistes comprennent seulement la forme particulière de quelques fructifications dont les pois et les haricots sont les types les plus connus ; les plantes qui les produisent sont pour cette raison nommées par les botanistes plantes légumineuses. Selon son acception ordinaire, le mot légume désigne toute espèce de plante de jardin propre à la nourriture de l’homme, soit en totalité, soit en partie ; c’est dans le second sens que nous employons cette expression.

Afin d’éviter la confusion entre des cultures très différentes, nous indiquons séparément la culture des légumes proprement dits, et la culture des plantes potagères dont la racine seule est comestible, et que par ce motif nous désignons sous le nom de légumes-racines.

Quant à la place que nous avons assignée à chaque plante en particulier, nous avons constamment donné la priorité aux plus importantes comme aliments, sans avoir égard aux classifications de la science.

§ 1er . — Choux.

Le chou est le légume européen par excellence ; tous les autres sont modernes en comparaison de celui-là. On sait que Rome se passa de médecins durant quatre siècles ; le chou fut pendant cette longue période le médicament universel, et il ne paraît pas qu’il mourût alors plus de malades que quand les médecins et les pharmaciens pullulèrent dans la capitale du monde. Les nombreuses variétés de légumes dont l’horticulture s’est successivement enrichie n’ont rien fait perdre au chou de son importance ; l’abondance, le bas prix et surtout la rare salubrité de ses produits lui méritent encore le premier rang dans nos potagers.

A. — Travaux préparatoires.

Tous les terrains conviennent au chou ; Il n’y a guère que dans le sable siliceux pur qu’il refuse de croitre ; à l’aide d’une grande abondance de fumier, certaines terres sablonneuses peuvent même produire d’excellents choux d’arrière-saison. Le succès de celle culture sera certain dans le sot le plus sablonneux possible, si l’on peut l’amender avec de l’argile ou de la boue