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titre iii.
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JARDIN FRUITIER.


construction, elles renferment des arbres vigoureux, chargés d’excellents fruits.

On commence à chauffer la serre à forcer le pêcher vers le 13 février ; si cependant on pratique cette culture en grand, dans plusieurs serres séparées, celles qui contiennent les pêchers les plus précoces peuvent commencer un mois plus tôt à recevoir la chaleur artificielle. La température est maintenue pendant quelques jours à 10 degrés, pour être portée successivement à 15 degrés. Quand les arbres sont en pleine fleur, on commence à introduire un peu de vapeur dans la serre, opération qu’on renouvelle de temps en temps, jusqu’à ce que le fruit soit bien formé ; si la serre n’est point chauffée par la vapeur, on se contente d’arroser fréquemment le feuillage des arbres avec de l’eau dégourdie, que la température de la serre ne tarde pas à convertir en vapeur. Lorsque, par accident, l’air de la serre se trouve tout à coup tellement sec que les arbres puissent en souffrir, ce dont on est averti par l’hygromètre, on fait promptement rougir une pelle, ou le premier morceau de fer qu’on peut avoir sous la main, et l’on produit instantanément, en versant de l’eau dessus par petites portions, autant de vapeur que l’état de l’atmosphère de la serre en exige.

Quand le noyau est formé dans le fruit, il est temps de porter la température de la serre à 15 degrés ; on peut dès lors donner de l’air chaque fois que le temps est favorable. A partir de la fin d’avril, il ne faut plus que très peu de feu, pendant le jour, dans la serre à forcer les pêchers ; on chauffe le soir, pour maintenir une bonne température durant la nuit, et le matin avant que le soleil se fasse sentir.

Les pêchers forcés dans la serre sont fort sujets aux attaques du blanc ou meunier, quand on néglige de leur donner de l’air et qu’on n’a pas soin de maintenir dans la serre la plus rigoureuse propreté.

Nous ferons observer aux jardiniers français combien ils ont tort de négliger, dans les serres à forcer, la culture des arbres à fruit des régions tropicales. En Angleterre, une serre à forcer le pêcher, gouvernée comme nous venons de l’indiquer, sans autres soins que ceux qu’exige la culture forcée du pêcher, donne en même temps des fruits de jambos, ceux de diverses passiflores, des bananes, des mangues, des goyaves, et vingt autres variétés de fruits connus à peine de nom de nos jardiniers ; ces fruits, nous le répétons, ne .sont pas plus difficiles à obtenir que les pêches forcées ; il ne serait pas non plus fort difficile d’y accoutumer les consommateurs, si nous savions, comme les jardiniers anglais, faire venir ces fruits presque aussi bons que dans leur pays natal.

C. — Cerisiers.

La serre à forcer les cerisiers ne diffère de la serre a forcer le pêcher que parce que le devant est occupé par des dressoirs sur lesquels on place plusieurs rangées de pots contenant des fraisiers dont on force les fruits en même temps que les cerises. Les cerisiers sont palissés sur le mur du fond ; on commence à les chauffer au mois de janvier ; ils n’exigent pas une température aussi élevée que celle que réclament les pêchers. Quand le fruit approche de sa maturité, on maintient l’atmosphère de la serre à la température de 18 degrés, le plus également possible. La cerise royale anglaise est celle qu’on préfère pour forcer. Ses fruits paraissent sur la table des riches, conjointement avec les fraises forcées, du 1er  mars à la fin d’avril.

D. — Figues.

Ce fruit n’est pas assez recherché en France pour qu’on lui consacre une serre à forcer ; il n’en est pas de même en Angleterre, où le jardin royal de Kew contient une serre de seize mètres de long, exclusivement remplie de figuiers forcés. La végétation des figuiers dans ces serres est conduite de manière à les placer autant que possible dans les conditions de température de leur pays natal ; par ce moyen, on obtient une première récolte au printemps et une seconde à l’automne. Le figuier ne se taille point ; la température de la serre à forcer le figuier est celle de la serre à forcer le pêcher. On se contente le plus souvent de placer dans la serre de la vigne ou dans celle des pêchers quelques figuiers, ordinairement dans des pots. La figue blanche et la petite ligue de Marseille sont celles que les Anglais forcent de préférence. Patrick Neill assure que les figuiers forcés dans la serre de Kew peuvent produire dans les bonnes années, pour les desserts des tables de la cour, 50 paniers de figues au printemps, et 150 à l’automne ; quoiqu’il ne désigne pas la grandeur des paniers, ce chiffre de 200 paniers, pour une serre de seize mètres de long, indique une production très abondante.


TITRE IV. — Culture des végétaux comestibles.

Le voyageur qui voit pour la première fois les jardins potagers des environs de Paris, quand même il serait totalement étranger au jardinage, ne peut s’empêcher d’admirer la rare perfection de leurs cultures ; ce sont en effet, sous tous les rapports, des jardins modèles. Ayant été originairement établis sur des marais desséchés, ils en ont conservé le nom ; là point de routine, point de préjugés ; un procédé nouveau est-il reconnu avantageux dans la pratique ? on l’adopte tout aussitôt ; une plante cultivée peut-elle être remplacée par une autre variété meilleure ? on ne balance point à l’abandonner. Le mot culture maraîchère exprime donc ce que l’on connaît en France, nous pourrions dire en Europe, de plus perfec-