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titre iii.
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JARDIN FRUITIER.


mille qui loue à ces conditions deux hectares de jardins vit dans l’aisance et fait des économies qui lui donnent la perspective assurée d’être propriétaire à son tour, et lui permettent de voir arriver sans effroi la vieillesse ; c’est plus que ne peuvent promettre et tenir à l’artisan laborieux des villes la plupart des professions industrielles.

Section V. — Treilles à la Thomery.

§ 1er . — Construction des murs.

La distribution générale d’un enclos destiné à la culture des treilles à la Thomery, est la même que celle d’un jardin à la Montreuil ; les murs intérieurs y sont de même disposés en lignes parallèles entre elles, à 12 mètres les uns des autres ; la direction de ces lignes est celle qui donne l’exposition la plus favorable, sans égard à la direction des murs de clôture ; les contreforts usités à Montreuil, comme brise-vents, ne sont point en usage à Thomery. Dans la plupart des enclos on adopte, comme à Montreuil, la direction du nord au sud, faisant face à l’est et à l’ouest, pour pouvoir utiliser les deux côtés de l’espalier ; mais les jardiniers qui tiennent à donner à leurs produits toute la perfection dont ils sont susceptibles, construisent leurs murs intérieurs de l’est à l’ouest, faisant face au sud et au nord ; le meilleur chasselas est toujours celui qui se récolte à l’exposition du plein midi. Par cette distribution on prend une des surfaces de l’espalier pour la culture de la vigne ; le côté du nord peut néanmoins être garni de poiriers et de pommiers.

Les murs destinés à recevoir les treilles en espaliers n’ont pas plus de 2m,15 de hauteur ; les murs de clôture ont 2m,70. Les chaperons sont en tuile ; ils ont une saillie de 0m,30 do chaque côté du mur. Le plâtre étant moins commun à Thomery qu’à Montreuil, ces murs sont crépis avec un mortier de chaux et blanchis avec un lait de chaux lorsque le crépissage est soc ; on a soin de renouveler ce badigeonnage aussi souvent qu’il est nécessaire ; le crépissage est entretenu avec des soins minutieux. Nous avons décrit le treillage le mieux adapté au palissage des treilles à la Thomery (voir pag. 111, fig. 258).

A Montreuil, les arbres devant être plantés au pied du mur d’espalier, il faut nécessairement que la construction du mur précède la plantation ; à Thomery, la vigne étant plantée en avant du mur, on la laisse végéter pendant trois ans avant de s’occuper d’élever les murailles qui doivent la soutenir ; on épargne ainsi les intérêts d’un capital important qu’il serait inutile de débourser au moment où l’on plante la vigne ; on ne construit les murs que quand la vigne arrive à la place que le mur doit occuper.

§ II. — Contre-espaliers.

L’intervalle de 12 mètres d’un mur à l’autre reçoit plusieurs rangées de contre-espaliers ; la première rangée s’établit à 2 mètres de l’espalier ; les autres se suivent en lignes parallèles, à 2m,50 de distance les unes des autres. Ces contre-espaliers sont ordinairement formés d’un simple treillage en tout semblable à celui de l’espalier, maintenu par des piquets de distance en distance. La promptitude avec laquelle ces treillages se détériorent et les frais continuels qu’entraîne leur renouvellement, ont engagé depuis quelques années les jardiniers de Thomery à leur substituer des montants en fer, soudés dans des grès de forme prismatique ; ces montants percés de trous, supportent des fils de fer disposés comme le montre la fig. 297 ; quoique rétablissement d’un contre espalier ainsi construit coûte le double du prix d’un treillage en bois, sa durée et sa solidité le rendent réellement économique ; il offre d’ailleurs pour la conduite des cordons de vigne les mêmes facilités que le contre-espalier en treillage. Quelquefois, mais rarement, la première rangée de contre-espalier la plus rapprochée de l’espalier est un mur véritable, en maçonnerie très légère de 0m,20 d’épaisseur tout au plus et de 1m,16 de hauteur ; cette hauteur doit être considérée comme un maximum qui ne pourrait être dépassé sans nuire à l’espalier. Les contre-espaliers ainsi construits admettent deux rangs de cordons de vigne dont les produits peuvent être égaux à ceux de l’espalier ; le chaperon du contre-espalier est à un seul versant.

L’intervalle entre les lignes de contre-espaliers est rempli par des rangées de ceps de vigne cultivés isolément, comme dans les vignobles. Il résulte de ce système de culture trois qualités de chasselas ; le meilleur est le produit des espaliers ; les contre-espaliers donnent le raisin de seconde qualité ; les ceps isolés donnent la troisième qualité. Les jardiniers qui comprennent le mieux leurs intérêts ne mêlent pas ces trois sortes de chasselas ; ils les vendent séparément ; le plus grand nombre garnit le fond des paniers avec le raisin de troisième qualité.

§ III. — Soins généraux.

Les détails dans lesquels nous sommes entrés en traitant de la conduite et de la taille de la vigne à la Thomery (voir p. 110) nous laissent peu de chose à ajouter ; néanmoins ce sujet est d’une telle importance, il est si rare de rencontrer du bon chasselas hors des communes voisines de Fontainebleau, que nous croyons ne devoir rien omettre de ce qui peut aider nos lecteurs à obtenir les mêmes résultats.

Ainsi que nous l’avons conseillé pour le pêcher, nous insistons sur la nécessité de dégarnir la treille à l’époque du premier palissage, en ne lui conservant qu’une quantité de raisin en proportion avec sa force et son étendue ; les grappes conservées gagnent en qualité plus que l’équivalent des grappes sacrifiées. Lorsque le raisin approche de sa maturité, il faut écarter ou retrancher les feuilles qui s’opposent à l’action directe des rayons solaires sur les grappes ;