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AVANT-PROPOS.


des fleurs. Nous avons vu chaque année à Marseille, à l’époque des processions qui se succèdent pendant quinze jours, les fleurs les plus communes se payer pour ainsi dire au poids de l’or ; il n’y en avait pas sur le marché la dixième partie de ce qu’on en aurait pu débiter avec avantage. C’est donc répondre à un besoin réel et vivement senti des populations rurales, que de placer sous leurs yeux, à la suite de l’ouvrage le plus complet et le plus avancé sur l’agriculture, l’exposé des procédés de l’horticulture qui peuvent si facilement augmenter leur aisance, en même temps qu’ils influent par un enchaînement naturel sur l’amélioration du régime alimentaire des populations urbaines ; c’est par conséquent à cette partie de l’horticulture si éminemment utile que nous avons consacré le plus d’espace et donné les plus larges développements. En traitant de la culture des plantes d’ornement, nous avons eu également égard à la position du plus grand nombre de nos lecteurs. Le goût de l’horticulture est en progrès parmi nous ; le nombre des propriétaires riches qui s’adonnent à la culture des végétaux exotiques augmente rapidement ; les orangeries et les serres sont multipliées de tous côtés avec la plus louable émulation. Néanmoins, une statistique exacte de nos richesses horticoles nous montrerait plus d’orangeries que de serres, plus de serres tempérées que de serres chaudes ; parmi les plantes qu’elles renferment, les plus rares, celles dont le prix est le plus élevé, s’y trouveraient à peine par exception ; nous y verrions au contraire les jardins ornés seulement d’un parterre devenir presque aussi nombreux que les habitations rurales ; nous appelons de tous nos vœux le jour où chaque chaumière en France aura sa plate-bande de fleurs. Que l’on compare l’état moral des populations parmi lesquelles le chef de famille consacre habituellement à l’ivrognerie le jour du repos, avec celles où, au sortir de l’église du village, il donne le reste de son dimanche à ses fleurs, sa plus douce passion, source d’échanges de bons offices avec ses voisins ; il y a là tout un puissant système de civilisation pour les campagnes ; nous pourrions citer dans les plus âpres régions de la France des curés de campagne qui, prêchant d’exemple, ont opposé, avec le succès le plus éclatant, le jardin au cabaret. Puissions-nous avoir à nous féliciter d’avoir, nous aussi, contribué à propager ce goût si naturel, si parfaitement en harmonie avec la vie habituelle du peuple des campagnes, cette source de plaisir qui tend à rendre les paysans à la fois meilleurs et plus heureux ! Ainsi, sans négliger aucune partie de l’horticulture, nous avons particulièrement insisté sur celles qui touchent le plus intimement aux intérêts du plus grand nombre de nos lecteurs, sur les objets qui nous ont paru de nature à concourir au but commun de toutes les branches de l’agriculture : améliorer la condition matérielle et morale du peuple des campagnes.

C’est dans le même esprit que nous avons consacré un long chapitre aux jardins paysagers, cet ornement privilégié des châteaux. La campagne doit devenir le séjour habituel des grands propriétaires ; ceux qui possèdent le sol doivent vivre au milieu de ceux qui l’exploitent afin d’apprendre à s’aimer les uns les autres, en travaillant ensemble à tirer de la terre, selon la parole de Dieu, tous les trésors promis à l’union de la force et de l’intelligence.