Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/131

Cette page n’a pas encore été corrigée
titre iii.
119
TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS.


comme les yeux voisins de l’œil terminal, il grossit peu a peu, prenant tous les ans une ou deux feuilles de plus que l’année précédente, feuilles dont la base du bouton tout formé conserve la trace. L’œil qui doit fleurir au bout d’un an ne porte pas moins de cinq feuilles ; le plus souvent, il en porte sept.

Les bourses (fig. 267) sont des productions fruitières qui naissent à la place d’un bouton, soit qu’il ait porté fruit, soit qu’il se soit seulement ouvert en fleurs stériles ; elles se couvrent d’yeux, qui, selon le cours naturel de leur végétation, se changent tous, au bout d’un temps plus ou moins long, en boutons à fruit : les yeux dont se chargent les bourses sont dus aux feuilles qui les ont nourris dans leurs aisselles. Les bourses ne naissent que sur une branche qui a montré ses premières fleurs.

Les lambourdes (fig. 268) sont des branches à fruit qui naissent sur des bourses, soit naturellement, soit par suite d’une taille ayant pour but de provoquer leur développement ; elles dépassent rarement la longueur de 0m,50 et n’atteignent quelquefois pas celle de 0m,05 ; elles se couvrent d’yeux à fruit sur toute leur longueur ; elles peuvent néanmoins être provoquées, par la taille, à fournir des rameaux en cas de besoin.

Les dards (fig. 269) doivent leur nom à la forme pointue et presque épineuse de l’œil qui les termine ; cet œil devient toujours un œil à fruit ; il ne saurait par conséquent s’allonger. Il se présente quelquefois, dès la première année, sous la forme d’un bouton arrondi (fig. 270), qui fleurit au bout d’un an ou deux. Le dard du poirier est dépourvu de rides circulaires à sa base, parce qu’il n’a point été protégé, comme la bourse, par des feuilles tombées successivement ; il ne se développe jamais que sur un rameau ; il ne dépasse point la longueur de 0m,07 ; il n’a le plus souvent pas plus de 20 à 25 millimètres de long.

Fig. 271.

Les brindilles (fig. 271) diffèrent des lambourdes en ce qu’elles sont toujours plus minces, plus grêles et moins garnies d’yeux dans leur longueur ; elles naissent, non pas comme les lambourdes, sur les bourses, mais sur les rameaux qui n’ont point subi de retranchement à la taille. Quand leur naissance n’a point été provoquée, elles n’offrent point de rides à la base ; elles en ont au contraire un bourrelet bien marqué, lorsque, disposées dans l’origine à devenir des boutons à fruit, la taille du rameau qui les porte a fait refluer la sève vers elles et leur a permis de se prolonger ; dans ce dernier cas, elles sont toujours plus productives que les brindilles développées spontanément ; leurs yeux à fruit mettent moins de temps à se former.

Telles sont les productions fruitières du poirier : les plus précieuses sont, sans contredit, les bourses, quelquefois réunies en assez grand nombre ; elles présentent alors l’aspect représenté fig. 272. Les arbres qui contiennent le plus grand nombre de productions fruitières de ce genre ne sont pourtant pas toujours les plus fertiles ; souvent un arbre, près de sa fin, se couvre d’une multitude de bourses ainsi groupées, dont les boutons fleurissent, mais ne portent point de fruit ; pour que les fleurs nouent, que le fruit tienne et qu’il puisse arriver à parfaite maturité, il faut qu’un certain nombre de lambourdes parmi les bourses, et de brindilles parmi les rameaux, attirent sur les boutons à fleur la sève, faute de laquelle la floraison est toujours stérile.

Fig. 272.

§ III. — Taille.

Le but de la taille se montre à nous maintenant clair et distinct ; il s’agit de forcer les rameaux à se couvrir de productions fruitières sur toute leur étendue, de maintenir parmi ces productions assez de lambourdes et de brindilles pour attirer la sève vers les fleurs et le fruit, afin de prolonger les rameaux, méthodiquement, prudemment, ayant soin qu’ils croissent en grosseur en même temps qu’en longueur, et que la sève ne se perde pas à produire une confusion de branches inutiles.

La taille du poirier peut être considérée indépendamment de la forme à donner à l’arbre, objet dont nous parlerons plus bas. Les principes de la taille s’appliquent à toutes les formes qu’on peut donner au poirier, soit en espalier, soit en plein-vent. Si nous nous reportons au rameau de trois ans représenté (fig. 265), tel que la nature l’a fait croître sans le secours de la taille, nous remarquons d’abord combien les productions destinées à porter fruit y sont rares et peu développées ; la faute en est au prolongement excessif du bourgeon terminal et au développement trop rapide des bourgeons latéraux immédiatement au-dessous de la naissance de chaque section ; ces pousses ont fait l’office de branches gourmandes ; elles n’ont presque rien laissé pour les yeux à fruit. Si chaque pousse eût été contenue par une taille raisonnée, et que le bourgeon terminal eût été raccourci à 0m,10 ou 0m,15 de son point de départ, tous les yeux situés au-dessous en auraient profité ; à fa vérité, les yeux les plus voisins de la taille, plus favorisés que les autres, auraient eu plus de pente à s’emporter ; mais, arrêtés par des pincements donnés a propos, ils auraient formé la base de branches