quelquefois voisin ; ce qui a réussi une année
peut échouer dans toutes les autres, et enfin
ce qui a été avantageux dans un temps peut
cesser de l’être sous l’empire des circonstances.
Dans cet état de choses, on doit aisément
comprendre qu’il nous a été impossible de tenir
compte des influences infiniment variables
qui affectent à un degré plus ou moins
éminent le phénomène de la production agricole,
tant sous le rapport des lois de la nature
que sous celui des moyens mécaniques et économiques
qui sont soumis à la volonté de
l’homme, et qu’on se tromperait si on regardait
comme absolus les principes que nous allons
exposer. Ce que nous avons dû tenter
dans une matière aussi compliquée, c’est d’établir
des données moyennes et générales qui
puissent servir de jalons au milieu des routes
innombrables qu’offre l’agriculture dans un
état avancé, en laissant aux agriculteurs à
démêler suivant les localités, les circonstances,
les temps, la sagacité ou la capacité des
individus, ce qui peut être le plus profitable
pour eux, et en leur indiquant toutefois comment
ils doivent s’y prendre pour apprécier
les avantages, les inconvéniens et les obstacles
qui se présentent, ou comment ils peuvent
s’éclairer dans leur marche ou se rendre
compte des succès et des revers dans
toute la série de leurs opérations.
TITRE PREMIER.
de l’entrepreneur d’industrie agricole.
Un entrepreneur d’industrie agricole est un homme qui conçoit, exécute ou fait exécuter une suite d’opérations ou de travaux qui ont pour objet la production agricole.
Pour concevoir, exécuter ou diriger ces opérations, cet entrepreneur doit réunir en lui plusieurs conditions essentielles qui le rendent apte à concourir au phénomène de la production. Ces conditions forment deux catégories bien distinctes ; les unes sont toutes personnelles à l’individu, et forment pour lui ce que les économistes ont appelé son fonds industriel, ses capacités, ses capitaux immatériels ; telles sont ses connaissances théoriques et pratiques, son activité, sa prudence, son amour de l’ordre, etc.; les autres conditions sont relatives à l’état de sa fortune et de ses biens et constituent pour lui ce qui a été désigné sous le nom de fonds d’instrumens d’industrie, valeurs capitales matérielles, etc.; tels sont ses capitaux, ses biens immobiliers et mobiliers, etc. Chacune de ces catégories donne lieu à des considérations particulières, qui vont faire le sujet des deux chapitres suivans.
CHAPITRE 1er. — Du fonds industriel ou des qualités personnelles de l’entrepreneur.
Section 1re. — De l’instruction agricole.
L’agriculture, dit Marshall, même en la restreignant a l’art de gouverner les terres d’une ferme, et lorsqu’on l’envisage dans toutes ses branches et dans leur plus grande étendue, n’est pas seulement le plus important et le plus difficile des arts mécaniques, mais aussi de tous les arts et de toutes les sciences qui sont du domaine de l’homme.
Ces paroles d’un savant agronome doivent faire comprendre qu’on ne peut se flatter d’exercer avec quelque chance de succès une ou plusieurs branches de cet art difficile sans un fonds de connaissances qui ne peuvent s’acquérir que par une éducation ou une instruction agricole.
Nous regardons les connaissances agricoles comme la première et la plus précieuse des qualités personnelles d’un agriculteur, parce que, de tous les hommes c’est lui qui peut en faire les applications les plus immédiates et les plus utiles à l’humanité.
La plupart des hommes, au moins ceux qui sont nés au sein des campagnes et qui y font leur séjour habituel, possèdent déjà un fonds d’instruction agricole, fruit des connaissances générales répandues dans le pays ou qu’ils doivent à leurs réflexions, à leur expérience et à la vue matérielle des objets. Cette instruction est rarement suffisante et elle a besoin d’être développée et perfectionnée par des études spéciales.
Par suite de l’inégalité dans la condition des hommes qui composent une nation, tout le monde ne se trouve pas placé dans une situation favorable pour acquérir l’instruction qui est nécessaire à un agriculteur ou pour en doter ses enfans ; mais tout homme d’un sens droit, d’un esprit juste, et qui a la conscience de sa propre dignité et de ses droits, ne doit négliger aucune occasion de s’instruire et de s’éclairer lui-même, ou de donner à ses enfans une instruction conforme à leur condition.
Le degré d’instruction peut varier avec cette condition, et celui qui est destiné a exploiter un petit héritage et qui borne là son ambition n’a pas besoin de connaissances aussi variées et aussi étendues que celui qui sera un jour appelé à régir lui vaste domaine où se trouveront réunies toutes les branches de l’économie rurale. Toutefois, ce n’est pas d’après ce principe que doit se diriger un homme actif, industrieux et intelligent ; toute humble que soit d’abord sa position dans le monde, il doit savoir qu’avec les qualités qu’il possède déjà et un bon fonds d’instruction agricole il peut parvenir, avec le temps, à étendre beaucoup son héritage ou être appelé à diriger une grande exploitation qui exigera, pour être administrée convenablement, toutes les ressources de la science et de l’industrie. Les exemples de ces succès agricoles ne sont pas rares dans tous les pays.
M. Mathieu de Dombasle, qui a traité le sujet qui nous occupe avec cette rare sagacité