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Livre Septième.

ADMINISTRATION RURALE.

INTRODUCTION.

Abandonnée pendant long-temps à l’empire des circonstances et soumise à une routine empirique, l’agriculture, en France, a commencé seulement de nos jours à suivre une marche plus rationnelle et plus en harmonie avec les progrès des sciences et de la civilisation. Mais en améliorant ainsi les méthodes de culture et en portant la lumière dans diverses branches de l’industrie agricole, on n’a pas tardé à s’apercevoir que le perfectionnement des méthodes, et les applications les plus heureuses des faits découverts dans les sciences physiques on naturelles, n’étaient pas les seuls élémens d’un progrès certain et le gage d’un avenir prospère ; que, de plus, il était nécessaire de recueillir tous les faits généraux d’expérience qui se présentaient dans la pratique, de les coordonner, d’en déterminer les rapports, les limites, les conséquences et d’en former un corps de doctrines propres à éclairer la marche de l’agriculteur qui débute dans la carrière, à servir de flambeau à celui qui a vieilli dans l’exercice de cette industrie, et enfin a donner aux opérations de l’un et de l’autre une certitude de succès et une régularité dans la marche qu’elles n’avaient point présenté jusqu’alors. D’un autre côté, les progrès des sciences économiques ont aussi permis de faire d’heureuses applications de leurs théories à la production agricole, et c’est des faits généraux empruntés à l’expérience, des inductions qu’en a tirées le raisonnement et des applications qu’a fournies l’économie politique, qu’est résulté une nouvelle branche des sciences agricoles, qu’on a désignée sous le nom d’administration rurale, d’économie ou d’administration de l’agriculture.

Une administration rurale fondée sur les meilleurs principes est aujourd’hui la seule base solide de toute bonne agriculture. En vain vous adopteriez les systèmes de culture les plus vantes, en vain vous mettriez en pratique les procédés les plus accrédités et ceux qui ont donné les résultats les plus heureux, vous ne pourrez espérer un succès constant si les principes d’une administration sévère, méthodique et régulière ne servent à guider vos pas dans la carrière si fertile en revers que vous parcourez. C’est en effet la science de l’administration agricole qui nous enseigne à l’avance à ne pas compromettre notre fortune dans des entreprises hasardeuses, à connaître les avances de capitaux auxquelles il faudra nous résoudre suivant les besoins, à calculer nos ressources, évaluer les frais d’une opération, apprécier les bénéfices, vérifier les pertes et éviter les mécomptes. C’est elle encore qui nous apprend à raisonner et à conduire à bonne fin toutes nos opérations, à nous livrer avec confiance à des améliorations dont les avantages ou les chances sont prévues à l’avance, à nous assurer des bénéfices industriels à peu près certains, et enfin à nous rendre compte numériquement de toutes les opérations que nous entreprenons ou que nous nous proposons d’entreprendre dans l’exploitation d’un domaine rural quelconque.

Afin de faire mieux sentir l’utilité d’une bonne administration, ajoutons à ce que nous venons de dire quelques considérations générales qui rentrent dans ce sujet.

Pour exercer l’industrie agricole, il faut posséder des capitaux quelquefois considérables. Ces capitaux, qui servent à faire des avances à la production, ne peuvent, par suite de la nature même des opérations agricoles, être avancés et rentrer avec bénéfice plusieurs fois dans l’année, comme cela s’observe dans les industries manufacturières et commerciales ; il faut, la plupart du temps, attendre une année entière pour que le cercle complet de la production agricole ait été parcouru ; ce qui oblige, pour obtenir des profits égaux à ceux qu’on recueille dans les autres industries, à des avances plus fortes de capitaux et pose une limite assez resserrée aux bénéfices qu’on est en droit d’espérer ou d’attendre de l’industrie qui s’applique à la création des produits de l’agriculture.

Par suite du nombre considérable des producteurs, de l’approvisionnement constant et soutenu des marchés, de l’immense concurrence dans la production et le commerce des denrées agricoles, concurrence à laquelle les étrangers sont eux-mêmes appelés à participer sous certaines conditions, ces denrées ont en général un prix qui n’éprouve que de faibles variations, et qui, n’étant pas de beaucoup supérieur aux trais de production, ne laisse à l’agriculteur qu’un bénéfice peu considérable et qu’une prime peu élevée pour l’intérêt des capitaux qu’il avance et pour couvrir des chances souvent très désastreuses.

Quoique les diverses branches de l’économie rurale fassent chaque année quelques progrès et qu’on doive s’empresser d’accueillir et d’appliquer les perfectionnemens qui sont proposés et qu’on croit fondés sur des principes raisonnés et sur l’expérience, cependant l’introduction de nouveaux procédés dans un établissement rural exige tant de prudence, tant de temps consommé en essais et en tâtonne-

agriculture.
tome IV. — 39