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chap. 7e.
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PHENOMENES PHYSIQUES NUISIBLES AUX FORETS.


qu’avec des peines infinies ou des frais considérables.

Au nombre de ces phénomènes nous rangeons le débordement ou la stagnation des eaux, les sables mouvans, les avalanches et les éboulemens.

Les eaux sont stagnantes ou courantes. Les eaux stagnantes nuisent aux forêts, en convertissant le terrain, soit en marécages, soit en terres inondées où les arbres, surtout ceux qui ne sont pas propres à ces sortes de terrains, périssent bientôt, sans qu’il soit possible de repeupler par semis ou plantations. Les eaux stagnantes, en outre, occasionent par leur évaporation des brouillards, du givre, des gelées blanches et des froids qui concourent à la destruction des pousses encore tendres et à celle des jeunes sujets. Nous nous sommes étendus suffisamment dans le premier livre de l’Encyclopédie, page 131, sur le desséchement des terrains marécageux ou inondés, et sur les moyens qu’il faut employer pour les rendre à la culture, pour qu’il soit inutile de revenir sur ce sujet.

Les eaux courantes qui baignent les forêts peuvent, par des crues extraordinaires, dues à des pluies considérables, des ondées, ou à la fonte de neiges, entraîner une partie du sol forestier, ou seulement la couche végétale qui le recouvre, ou les arbres qu’elle porte, couvrir le terrain de sables, de pierres, de débris, faire périr les jeunes sujets par le séjour qu’elles font à la surface, ou par leur conversion en glace, ou les renverser en charriant des glaçons. Les torrens, les violentes pluies d’orage causent des dégâts analogues. Il n’y a qu’un seul moyen de se garantir de ces désastres, c’est par la construction des endiguages ou embanquemens, qui ont fait déjà le sujet d’un article (livre 1er, page 123), auquel nous renvoyons, ou la formation des rigoles d’écoulement, livre V, page 95.

Les sables mouvans sont ceux des dunes ou ceux des plaines de sable. Ces sables, emportés par les vents, peuvent fondre sur les forêts du voisinage et les engloutir. Il faut donc se préserver de leurs ravages. Déjà nous avons fait connaître (livre 1er, page 32-33, livre v, p. 76) les moyens de conquérir de semblables terrains à la culture, et par conséquent d’arrêter leur action désastreuse. Nous croyons, à cet égard, être entré dans des détails suffisans pour l’usage des forestiers, et n’avoir rien à ajouter à ce que nous avons dit.

Les avalanches sont des masses de neiges qui, ne pouvant plus s’arrêter ou rester sur la pente des montagnes, tombent en forme de poussière, ou glissent sur ces pentes en détruisant tout sur leur passage. Pour se préserver des avalanches glissantes, les habitans du Valais enfoncent des troncs de mélèze, là où les avalanches se forment, pour les empêcher de glisser. On peut faire aussi des fossés à angles coupés, ou établir des brise-avalanches à angles aigus avec des pilots, ou en laissant de grands tronçons dans les coupes.

Les éboulemens de terre qui ont lieu dans les montagnes, surtout quand les couches superficielles reposent sur des lits d’argile, quoique très-difficiles à contenir, peuvent parfois être prévenus en détournant les eaux des vallées, en plantant des aunes, des saules, ou liant le terrain par des plantations d’arbres à racines traçantes, en soutenant par des digues ou des pilotis les terrains qui coulent, etc. On emploiera des moyens à peu près analogues contre la formation des crevasses ou des fissures, qui se manifestent quelquefois à la surface du sol.

F. M.

Chapitre viii. — De l’estimation des forêts.

Dans les chapitres précédens, on a présenté d’abord le dénombrement et la description exacte de tous les arbres qui entrent dans la composition de nos forêts ; on a donné ensuite des préceptes sur leur plantation, leur conservation et leur reproduction ; plus loin on a exposé les principes qui doivent présider à la culture, à l’aménagement et à l’exploitation des bois ; en dernier lieu on a fait connaître la nature et l’emploi des produits variés dont ces fonds précieux sont la source, ainsi que les moyens de les garantir des attaques et des dégâts ; actuellement nous avons à traiter de l’estimation des forêts ; en d’autres termes, à ramener l’appréciation de ces propriétés à l’unique point de vue de leur valeur pécuniaire.

L’estimation d’un bois consiste à déterminer la valeur en argent, soit du fonds, soit des produits superficiels de ce fonds. De là, 2 divisions principales dans notre travail. La 1re se rapportera à l’évaluation du sol, et la seconde à l’évaluation de la superficie des bois.

Il serait surabondant de faire ressortir l’utilité de l’art dont nous allons retracer les règles ; personne ne doute que l’estimation des forêts ne soit un anneau essentiel dans la chaîne des travaux confiés à la science du forestier : c’est le corollaire, le complément de sa mission ; tous ses soins habituels tendent en effet à accélérer le développement des produits qui doivent, par la suite, appeler son attention comme estimateur. Ses appréciations, alors, prennent place parmi les plus importantes opérations de l’économie forestière, elles interviennent forcément dans les relations du vendeur et de l’acheteur : leur but est de garantir à l’un qu’il retirera de sa chose le prix le plus élevé possible, et à l’autre qu’il ne la paiera cependant point au-delà d’une véritable et juste valeur.

L’estimation des bois se rattache à des intérêts majeurs dans une foule de circonstances, mais plus particulièrement dans le cas d’attribution de cantonnement à des usagers, ou lorsqu’il s’agit de l’aliénation d’une forêt, d’un partage, d’un échange de bois, en un mot, dans toutes les transactions qui impliquent l’évaluation du fonds même de la propriété, avec l’évaluation de ses produits. Nous rem-