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conservation de la forêt, on assemble des hommes, des femmes et des enfans, et, moyennant un salaire médiocre, on recherche, avec leur secours sous la mousse, au pied des arbres, et on détruit les œufs, les larves, les chenilles et les insectes parfaits qu’on peut recueillir ; on enlève les rameaux, les écorces, les jeunes sujets chargés de ces animaux, de leurs chrysalides, de leurs cocons ou de leurs œufs, et on les brûle. Une légère prime accordée pour la chasse des insectes sert de stimulant et permet d’en détruire ainsi un grand nombre.

Quand les insectes se sont multipliés au-delà de toute expression, ces moyens sont malheureusement trop bornés pour empêcher leurs ravages, mais on n’en doit pas moins les mettre en usage pour atténuer autant que possible les dommages qu’ils causent à nos forêts, et pour détruire leurs chrysalides et leurs œufs, et empêcher le retour de semblables dégâts.

La nature vient souvent à notre secours, pour nous délivrer de ce terrible fléau. C’est ainsi que l’humidité, le froid, et surtout les fortes gelées, au moment où les insectes sont près d’éclore, ou à celui de leur naissance, lors de leurs premiers développemens, ou même à un âge plus avancé, les font périr par milliers ; que les pluies froides de printemps, les pluies d’orages, les giboulées, anéantissent souvent des générations entières. La grande chaleur fait quelquefois dessécher les chenilles ; les vents violens, en les précipitant des arbres, offrent souvent aussi a l’homme l’occasion de les détruire, et aux animaux la facilité de les dévorer.

Ces derniers sont les agens les plus puissans que la nature emploie pour limiter le nombre des insectes. Parmi les mammifères qui les dévorent, surtout à l’état de larves, nous avons déjà cité le porc ; nous y ajouterons le renard, le blaireau, la martre, le putois, le hérisson, la musaraigne, l’écureuil, la taupe, la belette, les chauve-souris, etc. Les oiseaux sont ceux qui font la plus grande consommation d’insectes à tous les états de transformation ; aussi les réglemens forestiers défendent-ils de détruire les aires ou nids de ces animaux. On distingue sous ce rapport plusieurs oiseaux nocturnes, la pie-grièche commune, l’écorcheur, le pic-vert, le coucou, le rollier commun, le torcol, la huppe, le grimpereau, les merles, les mésanges, l’étourneau, les hirondelles, le rossignol, la fauvette, le pinson, les moineaux, le corbeau, la corneille, le freux, les pies, etc. On doit par conséquent favoriser la multiplication de ceux de ces oiseaux qui ne dévorent pas en même temps les semences ou ne détruisent pas le gibier. Quelques reptiles, tels que les lézards, les grenouilles, les couleuvres, en font aussi leur proie.

Les insectes eux-mêmes comptent parmi leurs tribus plusieurs espèces qui sont des ennemis redoutables pour ceux qui vivent sur les arbres de nos forêts ; ils les détruisent, soit à l’état de larve, soit sous celui de chrysalide ou d’insecte parfait. De ce nombre sont, parmi les coléoptères, les cicindèles, plusieurs espèces de carabes, de staphylins, de coccinelles ; parmi les névroptères, les larves d’hémérobes détruisent un grand nombre de pucerons ; les hyménoptères sont ceux qui en font la plus grande consommation, et parmi eux il faut distinguer les ichneumons, qui placent leurs œufs dans le corps même des chenilles, lesquelles servent ensuite d’aliment à leur future famille ; les sphex, qui tuent divers insectes ou leurs larves pour servir de nourritures à leur petits ; les fourmis qui détruisent les larves ou les insectes qu’elles peuvent atteindre ; les guêpes qui renferment dans leurs nids des chenilles ou d’autres larves ; enfin il n’est pas jusqu’à certains diptères ou mouches qui ne fassent une chasse active aux pucerons et à de petites larves.

Section iii. — Plantes nuisibles aux forêts.


Certaines plantes nuisent aux forêts, surtout quand elles s’y multiplient outre mesure : lo parce qu’elles couvrent une partie ou la totalité de la surface du sol, et s’opposent ainsi au repeuplement ; 2o parce qu’elles s’emparent du terrain à la surface, le soustraient aux influences atmosphériques, et l’épuisent de ses sucs nourriciers ; 3o parce qu’elles étouffent les jeunes plants ; 4o parce qu’elles s’opposent à la culture du sol que le réseau compacte de leurs racines ne permet pas de remuer sans de grands efforts et avec des frais considérables ; 5o enfin, parce qu’elles vivent en parasites aux dépens des arbres.


Le nombre des plantes nuisibles aux forêts est très-grand ; mais toutes ne présentent pas, suivant les circonstances ou les localités, les mêmes inconvéniens. Nous placerons parmi ces plantes quelques arbustes et végétaux ligneux, tels que le genêt commun (spartium scoparia, L.), dont les racines pénètrent fort avant dans le sol : cet arbuste se reproduit avec beaucoup d’énergie, et est très-difficile à extirper ; la ronce du mont Ida ou framboisier (rubus Idœus, L.) : elle se multiplie également avec une extrême facilité et étouffe les jeunes plants ; la ronce des haies ou frutescence (R.fruticosus, L.), dont tout le monde connaît la prompte multiplication et les envahissemens ; la ronce à fruit bleu (rubus cœsius, L.), qu’on trouve plus rarement que la précédente dans les forêts ; la clématite des haies, herbe aux gueux (clematis vitalba, L.) : elle s’élève à 15 à 20 pieds de hauteur, et nuit plutôt à la croissance des arbres adultes qu’à celle des jeunes sujets ; le lierre grimpant (hedera hélix, L.) : comme toutes les plantes grimpantes et sarmenteuses, il serre les branches, y forme des bourrelets qui arrêtent le développement des arbres qui le portent, et vit en partie à leurs dépens ; la bruyère commune (erica vulgaris, L.), dont les racines pénètrent fort avant dans le sol et empêchent celles des arbres de croître et de s’étendre ; l’airelle myrtille (vaccinium myrtillus, L.), arbuste rampant qui fait beaucoup de tort aux plantations ; l’airelle ponctuée (vaccinium vitis Idœa, L.), qui s’empare du sol et en exclut tous les autres végétaux ligneux ; le houx commun (ilex aquifolium, L.), qui forme parfois des massifs ou les autres arbres ne peuvent prospérer. Toutes ces plantes doivent être extirpées quand elles portent préjudice au développement des bois ou traitée