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Les crins longs, tels que ceux de la queue des chevaux dits à tous crins, doivent être mis à part comme ayant beaucoup plus de valeur que les crins courts ; ces derniers ne servent qu’à filer des cordes, à rembourrer des coussins, meubles de siège, selles de chevaux, etc., tandis que les premiers s’emploient dans la confection des étoffes de luxe dont le prix est assez élevé : la fabrication des étoffes de crin acquiert beaucoup d’extension, et déjà la matière première lui manque en France. Si les habitants des campagnes préféraient faire usage des crins plutôt que de les vendre, il leur serait très facile de les filer, soit par eux-mêmes ou par des gens du métier, en cordes d’une grande solidité, très durables lors même qu’elles sont exposées aux intempéries des saisons ; sous ce rapport, les cordes de crin sont très convenables pour étendre le linge, auquel, d’ailleurs, elles ne communiquent pas de traces brunes, comme cela arrive avec les cordes de chanvre altérées par l’humidité. S’ils voulaient préparer le crin pour rembourrer quelques meubles, ils l’exposeraient à la vapeur de l’eau bouillante en tresses, qui, après le refroidissement, conservent les formes ondulées, utiles pour le rendre élastique.

Les soies de cochon, que l’on extrait, en quelques endroits, après l’échaudage de ces animaux, peuvent être assimilées aux crins courts et vendus comme tels aux bourreliers et fabricants de meubles ou aux apprêteurs de crins.

La bourre, ou poils de diverses peaux, enlevée à l’aide d’une macération dans l’eau de chaux, sert à la sellerie grossière et à fabriquer les feutres pour doublage des vaisseaux ; mais cette matière de peu de valeur ne peut guère être obtenue que chez les tanneurs : il en est de même des déchets des peaux tondues. Au reste, beaucoup de peaux de petits animaux, n’ayant de prix qu’en raison de leurs poils, et les autres pouvant être vendues sans en être débarrassées, il convient, en général, aux gens des campagnes que toutes les peaux qu’ils pourront se procurer en dépouillant les animaux morts soient conservées avec leurs poils, comme nous le verrons plus loin.

Fers, clous. — Les bœufs, chevaux, ânes, mulets sont souvent munis de fers plus ou moins usés lorsqu’ils meurent ou sont abattus. Les vieux fers qui ne peuvent être forgés seuls sont encore très utiles aux forgerons ; on les chauffe fortement trois ou quatre à la fois, on les soude en les corroyant ensemble au marteau, et les fers neufs, ainsi que les autres ouvrages de forge qui en résultent, sont fibreux, d’excellente qualité, et aucunement sujets à casser. Ce fer corroyé est très propre au service de la grosserie (ferremens de charronnage), en raison de sa grande ténacité. Les clous arrachés des pieds de ces animaux s’emploient utilement, sous le nom de rapointés, pour hérisser les pièces de bois qui doivent être recouvertes de plâtre ou de mortier ; on s’en sert dans plusieurs provinces, et surtout en Auvergne, pour ferrer les sabots et rendre cette chaussure plus durable ; ils peuvent servir à fixer les loques, au moyen desquelles on palisse les arbres à fruit le long des murailles et à quelques autres usages des clous à tête.

Cornes, sabots, ergots, onglons, etc. — Tous ces produits des animaux sont formés d’une même substance : aussi ont-ils plusieurs usages communs ; leur couleur et leurs dimensions les font seules différer d’utilité dans quelques emplois. Le premier soin à prendre après les avoir rassemblés est donc de les assortir suivant ces caractères physiques. Ainsi, on mettra ensemble tous ceux de ces objets qui offriront à peu près la même nuance et la même grandeur ; ceux qui, étant à la fois le moins colorés et les plus grands, n’ayant d’ailleurs aucune sorte de défectuosité, auront la plus grande valeur ; réciproquement, les plus petits et les plus colorés, comme ceux qui offriront des déchirures, des trous, des entailles ou des formes trop irrégulières, ne pourront se vendre qu’à un prix moindre ; toutefois, parmi les plus grands, on mettra à part ceux qui seront sans défaut, et on réunira en un seul lot tous les défectueux ; les cornes et les sabots peu colorés, mais difformes, seront aussi mis de côté ; enfin, on réunira tous les petits ergots et les rognures ou fragments de très petites dimensions.

Tous les sabots, cornes, onglons entiers se vendent aux aplatisseurs, qui les préparent pour la fabrication des peignes et autres objets en corne ; ceux qui sont défectueux ne sont propres qu’à la préparation de la poudre et râpure de corne blonde ou brune ; enfin, les déchets, menus fragments et petits ergots s’emploient par les fabricants de prussiate de potasse : il est probable qu’on trouvera moyen de les employer dans la tabletterie, et qu’alors il sera utile de les assortir suivant leur nuance.

La préparation de la poudre et de la râpure de corne est si simple et si facile, que les habitants des campagnes ne peuvent manquer de s’y livrer avec fruit : il suffit, en effet, de saisir l’objet qu’on veut diviser ainsi, entre les mâchoires d’un étau, sous le valet d’un établi, ou même entre deux morceaux de bois serrés par une corde, puis d’user la corne ainsi maintenue, à l’aide d’une forte râpe ; la râpure ou corne divisée est recueillie, et lorsque l’on en a amassé une certaine quantité, on peut la vendre aux tabletiers : il conviendrait de la tamiser préalablement, afin de donner plus de valeur à la poudre plus fine, et de tirer ainsi un parti plus avantageux de la totalité. On doit éviter avec soin de répandre de l’huile ou des matières grasses sur cette poudre, et même d’y mêler tout autre corps étranger, qui, pouvant s’opposer à son agglomération, la rendrait impropre à la fabrication d’objets en corne fondue.

Quant aux fragmens de cornes, de sabots et d’ongles, trop peu volumineux pour être employés entiers ou réduits en râpures, on parviendra facilement à tirer parti de ces débris en les nettoyant à l’eau froide, les divisant grossièrement à l’aide d’un hachoir, couperet ou couteau, les mêlant avec un quart de leur volume de râpure de cornes, passant le tout dans de l’eau bouillante ou de la lessive faible pendant une ou deux heures, puis les maintenant comprimés pendant