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chap. 2e.
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DÉPÈCEMENT DES ANIMAUX.

vert les parties internes des animaux chez lesquels la putréfaction s’est manifestée, il est convenable de faire sur ces parties les aspersions de chlorure de chaux[1], ou, à défaut, de fréquens lavages à l’eau de chaux, ou même avec de l’eau simple.

Section II. — Dépècement des animaux.

À cela près d’un fort petit nombre d’exceptions, que nous indiquerons plus loin, tous les animaux morts de maladies ou abattus et saignés[2] doivent être dépecés de la même manière. On coupe le plus près possible de leur racine les crins, et l’on arrache les fers des pieds lorsqu’il y a lieu. L’animal étendu à terre, ou sur une table, est maintenu sur le dos, le ventre tourné vers l’opérateur : celui-ci, à l’aide d’un couteau bien affilé, pratique une incision longitudinale dans toute l’épaisseur de la peau, et même un peu plus avant, depuis le milieu de la mâchoire inférieure, traversant en ligne droite le cou, la poitrine, et le ventre jusqu’à l’anus ; il incise de même la peau des quatre membres dans le sens de leur longueur, en coupant à angle droit la première incision, et s’arrêtant près de chacune des extrémités, où il fait une incision circulaire.

Saisissant alors de la main la moins exercée un des côtés de la peau dans l’incision longitudinale, il la détache successivement sur le ventre, la poitrine, le cou, les jambes, et les parties latérales à l’aide de coupures qui s’insinuent entre la peau et la chair ; on doit avoir le soin surtout, si l’on manque d’habitude et que l’animal soit maigre, de diriger le tranchant de la lame vers la chair, dont on entame toujours quelques portions, afin d’éviter que la peau ne puisse être endommagée.

Dès que toutes les parties ci-dessus indiquées sont écorchées, on retourne l’animal sur le ventre, afin d’achever de le dépouiller. La queue, fendue longitudinalement par la première incision, est développée ; sa partie intérieure, osseuse et charnue, est tranchée aussi loin que possible de sa racine, afin de laisser plus d’étendue à la peau : on continue, comme nous l’avons dit, de séparer celle-ci de toute la région du dos, à laquelle elle adhère encore ; arrivé vers la tête, on tranche les oreilles près de leur insertion, et l’on termine l’opération en dépouillant toute la partie postérieure de la face.

Dans les localités où la proximité des tanneries, mégisseries, maroquineries, etc., permet d’expédier à ces établissemens les peaux toutes fraîches, on laisse sans la dépouiller toute la partie interne de la queue ; les oreilles, et même les lèvres peuvent également être laissées adhérentes à la peau, de peur de l’endommager en les extrayant : les écorcheurs de profession le font à dessein pour rendre la peau plus lourde, parce qu’elle se vend au poids.

Lorsque l’animal a été dépouillé comme nous venons de le dire, on enlève tous les intestins, les viscères de la poitrine et le diaphragme, que l’on dépose non loin de là ; on désarticule les quatre pieds, après avoir relevé les tendons, afin d’éviter de les couper en tranchant le jarret et le genou ; on désarticule ensuite les membres postérieurs (jambes de derrière) en coupant les muscles qui leur correspondent le plus près possible de l’insertion aux os du bassin ; les extrémités antérieures (jambes de devant) sont séparées de même, et l’on s’occupe alors d’enlever toutes les chairs sur ces diverses parties, en mettant à part les plus beaux morceaux lorsqu’ils sont susceptibles de servir d’aliment : les chairs extraites entre les côtes, dans les vertèbres du cou, et dans toutes les parties anfractueuses de la tête, sont en petits lambeaux ou raclures[3].

Extraction de la graisse. — En dépeçant un animal, on doit rechercher la matière grasse sous la peau autour du cœur, des intestins, près des parois internes entre le péritoine et les parties inférieures de l’abdomen, dans l’épaisseur du mésentère et du médiastin, enfin entre les gros muscles : c’est dans ces derniers que sa découverte est plus difficile et exige une certaine habitude pour être enlevée promptement. Nous n’insisterons pas ici sur les usages de la graisse (la conservation des cuirs, le graissage des essieux, la fabrication des savons, etc.), qui sont d’ailleurs la plupart bien connus.

Enlèvement des tendons et leurs usages. — Les tendons sont ces parties fibreuses, résistantes, qui attachent les muscles aux os ; on les connaît généralement, dans la campagne surtout, sous le nom de nerfs : de là viennent ces locutions vulgaires de membres nerveux et celles relatives à divers objets, tels que bois, fers, etc., qui ont du nerf. Ces indications suffisent sans doute pour mettre à la portée de tous ce que l’on désigne par le nom de tendons. — C’est surtout près des extrémités que les tendons, mieux isolés, sont plus faciles à extraire. Pour les enlever, on les tranche au rez de leur point d’attache, en passant la lame du couteau entre eux et l’os, et enlevant avec eux les petits lambeaux de la peau restés adhérens aux pieds, et qui sont propres aux mêmes usages.

On peut généralement les utiliser, soit, lorsqu’ils sont assez longs, en les clouant humectés sur des bois qu’ils relient fortement, soit, desséchés et de toutes dimensions, en les vendant aux fabricans de colle forte, ou en les faisant cuire à l’étouffée, puis les employant, avec le liquide gélatineux qu’ils fournissent ainsi, à rendre les pommes-de-terre ou recoupes plus nutritives pour les

  1. L’eau de javelle, étendue de 2 ou 3 fois son volume d’eau, peut remplacer la solution de chlorure de chaux dans cette application, comme dans beaucoup d’autres.
  2. Lorsque dans un seul endroit on abat et l’on saigne un grand nombre d’animaux, comme dans les clos d’équarrissage et dans les abattoirs, on doit recueillir tout le sang dans des baquets ou autres vases pour le traiter comme nous le dirons plus loin.
  3. Nous verrons plus loin dans le traitement ultérieur des chairs, comment on peut, par une forte cuisson à la vapeur ou dans l’eau, détacher des os toutes les parties qui y sont adhérentes.