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chap. 1er
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EMPLOI DES RÉSIDUS DU LAITAGE.


n’offre aucune difficulté que les fermiers ne puissent surmonter ; mais les établissemens les plus importans. ceux que nous recommandons surtout aux montagnards, sont les fruitières, ou associations pour la fabrication du lait. Celui qui possède un trop petit nombre de vaches participe à tous les avantages de la fabrication en grand des fromages. Plus d’un pays a besoin de cette branche d’industrie pour faire sortir les habitans des campagnes de la misère et de l’état de malpropreté dans lesquels ils végètent.

Rien ne s’oppose donc à ce que chaque nation cherche à s’affranchir de l’étranger pour cette denrée, et dans peu sans doute chacune pourra soutenir la concurrence. C’est principalement sur la fabrication des fromages de Hollande, de Chester et de Parmesan, que nous nous plaisons, avec la Société royale et centrale d’agriculture, à attirer l’attention des fermiers. Ceux qui suivront les préceptes qui ont été exposés dans ce précis seront certains de réussir, au moyen de quelques tâtonnemens, qui leur donneront par la suite ce tact, cette habitude que, dans cette industrie comme dans toute autre, on ne peut obtenir que par une pratique raisonnée. Que l’habitant des campagnes ne perde pas de vue les préceptes suivans, qui renferment tout le secret de la fabrication des fromages.

Fabrication, autant que possible, en grandes masses, parce que le fromage a une qualité moyenne et marchande, qu’il est sujet à moins d’accidens, qu’il se dessèche moins vite, et se corrompt plus difficilement. — Emploi d’un lait de bonne qualité, et sans altération. — Usage d’une présure non altérée et d’une force constante, autant que possible. — Coagulation du lait à une température de 27° à 29° cent. (23 à 24 R.), selon la saison, avec une dose de présure convenable, ni trop forte, ni trop faible. — Division exacte du caillé avec les précautions nécessaires, soit pour un fromage à froid, soit pour le fromage cuit. — Séparation, aussi complète que possible, du petit-lait, au moyen d’une pression graduée, et plus forte sur la fin. — Salaison du fromage, après sa pression et sa dessiccation, avec du sel pur et sec. — Soins attentifs dans le magasin pour faire passer le fromage et le faire arriver à point. — Surveillance de tous les jours. — Et par-dessus tout, la plus grande propreté de tous les vases et ustensiles, et de l’opérateur lui-même.

Masson-Four.

Section. iv. — Emploi des résidus du laitage.

Les divers résidus qu’on obtient dans les laiteries sont du lait écrêmé, du lait de beurre, du petit-lait et des eaux de lavage

1o Le lait écrêmé peut être débité dans les environs ou à la ville, employé à la ferme pour la nourriture des serviteurs, ou bien servir à celle des veaux ou des porcs, ou bien enfin converti en fromage maigre ou en serai. En Flandre, près des grandes villes, le lait aigre, battu en masse et dont on a extrait le beurre, est vendu aux blanchisseurs.

2o Le lait de beurre sert, avec les assaisonnemens convenables, à faire de la soupe aux gens de la ferme ; on l’ajoute quelquefois au lait écrêmé pour l’employer dans la fabrication du pain ou celle du serai ; ou bien on en humecte le son, les grains, etc., qu’on donne aux oiseaux de basse-cour. On le distribue aussi aux porcs avec le précédent.

3o Le petit-lait, après qu’on en a extrait le beurre et le serai, qu’on nomme cuite, sert de boisson, comme on le voit dans plusieurs montagnes de la Suisse, ou en médecine, surtout dans les affections de poitrine et les maladies inflammatoires. On en fait encore l’aisy ou petit-lait aigri, qui sert à séparer le serai. On l’emploie pour préparer et délayer la présure, laver les ustensiles dans quelques cas de la fabrication du fromage, pour faire un vinaigre faible employé dans les usages culinaires dans quelques pays ; pour le blanchiment des toiles fines de lin, pour la nourriture des cochons, enfin pour obtenir par son évaporation le sucre de lait impur du commerce.

4o Les eaux de lavage des ustensiles et du beurre ne sont bonnes qu’à être données aux cochons.

Section. v. — Des fruitières ou associations rurales pour la fabrication du lait.

Les habitans des parties montueuses de la Suisse ont imaginé et perfectionné des espèces de sociétés entre cultivateurs qui s’associent pour apporter, tous les jours, dans une laiterie commune le lait produit par leurs troupeaux, et faire transformer ce lait en beurre, fromage et serai. Ces sociétés, qui sont connues sous le nom de Fruitières, ont été également établies dans les villages de la plaine, et se sont introduites en France dans quelques cantons voisins de la Suisse, où elles se sont promptement multipliées.

Dans les Fruitières suisses, suivant M. C. Lullin, à qui nous empruntons ces détails, chaque associé apporte soir et matin son lait à la laiterie commune. Le fruitier le mesure, et tient note de la livraison sur un bâton fendu en deux, dont une moitié reste à la fruiterie, et l’autre est emporté par l’associé. A la fin du mesurage de la seconde traite, le fruitier additionne les livraisons de chaque associé ; celui qui a livré le plus de lait a le produit en fromage de la fabrication de ces 2 traites. On additionne toutes les livraisons ; on soustrait de cette somme le lait fourni par celui qui a eu le produit, et il doit le reste à la société. Chaque jour le lait qu’il apporte est reçu en déduction de sa dette, et lorsqu’il a payé cette dette il redevient créancier de la société. Sa créance s’augmente tous les jours de chacune de ses livraisons, et le jour où sa créance est plus forte que celle d’aucun des autres associés, il a de nouveau le produit de la fruitière, et ainsi de suite ; chaque associé étant alternativement débiteur et créancier de la société, et celle-ci cheminant, en payant chaque jour son plus gros créancier.

Ce mode de comptabilité simple et commode, et qui a été adopté après avoir successivement employé sans succès différentes

agr.
t. III. — 8.