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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


pour préparer des fromages plus gras, d’un goût plus exquis, mais d’une conservation plus difficile. Si la température est froide on verse le lait du soir dans une chaudière, et à l’aide d’un feu modéré on le réchauffe jusqu’à 25° C.; on met alors en présure, dont la dose peut varier suivant diverses circonstances. La proportion la plus ordinaire est d’une cuillerée à bouche pour 50 lit. de lait. La présure étant bien mêlée au lait en agitant dans tous les sens, avec une petite fourche en bois, ou une branche de sapin, on recouvre le baquet d’une toile, et on laisse reposer 2 heures environ pour que le sérum se sépare de la matière caséeuse. Si la fraîcheur de l’air ralentit trop long-temps l’action de la présure, on expose le lait à une douce chaleur. Lorsque le caillé a la consistance nécessaire, l’ouvrière décante le petit-lait, plonge ses mains au fond du baquet, rassemble le caillé, le rompt en aussi petits morceaux que possible, par le mouvement continuel, vif et pressé de ses bras ; elle agite et soulève la masse, la brasse fortement, l’exprime et la pétrit jusqu’à ce qu’elle n’adhère plus aux parois du baquet. Après cette opération, qui n’exige pas moins d’une heure, elle fait écouler le petit-lait en inclinant doucement le baquet.

On retire alors la pâte du baquet et on la divise en 2 parties égales : l’une est aussitôt immergée dans du petit-lait pour être réunie à la moitié de la pâte du jour suivant, et ainsi de suite, on réserve toujours une moitié de la pâte pour le lendemain ; l’autre partie, que l’on enveloppe d’une toile légère, est déposée dans un cercle de fer mince, ou dans un cerceau flexible qu’on ouvre ou rétrécit à volonté, afin de l’introduire dans un moule de bois, dont le fond mobile est percé de trous. On recouvre le moule avec un plateau.de la même forme, et d’un diamètre un peu plus grand, et on laisse égoutter 24 heures sur un baquet. Le jour suivant on enlève le plateau et le cercle, on défait la toile, on en remet une autre, on renverse le fromage, on le replace dans le cercle rétréci, et on soumet à une pression plus forte, en plaçant le tout sous une presse (fig. 52) qui achève d’exprimer le petit-lait. Le fromage y reste pendant 3 jours et quelquefois 5 ou 6 dans les jours froids. Durant cet intervalle on le retourne tous les matins, en augmentant progressivement la pression à chaque pressée.

Fig. 52.

Lorsque le fromage a acquis le degré de siccité convenable, on le transporte à la cave pour le saler et le mûrir. La quantité de sel varie selon l’exposition et la température locale, ou suivant le degré d’humidité que le fromage a retenu. La dose moyenne est de 2 ½ kilogram. par fromage du poids de 12 à 14 kilog.; on prend de préférence du sel gris, et après l’avoir broyé, on saupoudre les fromages en frottant leur surface avec la main. Tous les 2 jours pendant environ 2 mois, on répète cette opération en les retournant chaque fois. Pour mûrir ces fromages, on les dépose sur un lit de paille étendue à terre, que l’on renouvelle de temps en temps. On a soin de les retourner chaque jour en les changeant de face. Le fromage éprouve alors une espèce de fermentation lente et se persillé intérieurement. Le temps nécessaire à cette maturation varie de 3 à 4 mois. La forme des fromages est celle d’un pain cylindrique, d’environ 33 cent. de diamètre, sur 12 à 14 cent. de hauteur ; leur poids diffère, quand ils sont mûrs, de 10 à 12 kilog.

26e Fromage de Sassenage (Isère).

Le fromage de Sassenage se fabrique avec un mélange de lait de vache, de brebis et de chèvre ; on coule ces laits dans un chaudron qu’on place sur le feu ; lorsque le mélange commence à monter, on retire le chaudron du feu, on verse le tout dans un baquet. Le lendemain on écrême ce lait, auquel on ajoute autant de nouveau lait qu’on enlève de crême ; on introduit la présure, en ayant soin d’agiter la masse jusqu’à ce que le caillé soit bien formé ; quand la coagulation est terminée, on divise le caillé pour en séparer le petit-lait ; on décante ce petit-lait, et le caillé est porté dans un moule percé de trous, et de la grandeur qu’on veut donner au fromage ; trois heures après on retourne le fromage, ce qui se fait en le renversant doucement dans un moule de même dimension. Lorsque ce fromage est assez ferme, il est salé d’abord d’un côté, ensuite de l’autre, puis autour. Quand il a reçu suffisamment de sel, on le place sur des tablettes très-propres, où il est retourné matin et soir, en le changeant de place, et en évitant de le remettre sur une planche humide. Cette opération est continuée jusqu’à ce que les fromages soient bien secs ; puis on les pose sur de la paille pour les affiner ; là ils sont retournés de temps en temps et visités pour enlever les moisissures et les vers qui auraient pu s’y développer.

27e Fromage de Roquefort (Aveyron).

Ce fromage, qui se fait dans le village dont il porte le nom, doit son excellente qualité à la disposition naturelle des caves dans lesquelles on le dépose pour son affinage, et en partie, d’après les observations de M. Girou de Buzareingues, à la méthode usitée dans le pays pour traire les brebis. On exprime le lait avec force, et lorsqu’on ne peut plus en obtenir par la pression, on frappe sans ménagement les mamelles du revers de la main, répétant cette opération à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’on n’obtienne plus rien. Ceux qui sont témoins pour la 1re  fois de cette vigoureuse mulsion, en sont alarmés pour la santé des brebis, qui n’en reçoit cependant aucun dommage.

Le Roquefort se fait avec un mélange de lait de brebis et de chèvre ; le 1er  lui donne plus de consistance et une meilleure qualité, le second lui communique de la blancheur.