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FABRICATION DES FROMAGES.


égoutter dans la toile, sur la chaudière ou dans un baquet, et lorsqu’il s’est débarrassé en partie de son petit-lait, on le place dans le moule, et on le couvre pour le charger de pierres. Pendant 2 ou 3 et même 5 jours on le change de toile et on le presse fortement ; ensuite on le porte au magasin pour y être salé.

La salaison s’opère comme celle du Gruyères. On applique le sel sur les 2 faces et sur le contour, et on continue cette opération, en retournant les fromages, pendant 30 ou 40 jours. On met ordinairement 2 ou 3 fromages l’un sur l’autre pour faciliter la salaison. Lorsque le fromage a pris tout son sel, on le râcle, on le frotte d’huile d’olives, et on le place isolément sur des tablettes dans un local qui ressemble beaucoup à ce que nous appelons un cellier. Ceux que j’ai vus sont des chambres bâties au rez-de-chaussée, bien enduites sur toutes leurs faces et plafonnées ; elles ont au nord une ouverture fermée par une porte en fer à jour ; et, pour empêcher la chaleur de pénétrer, on les couvre pendant la journée d’un paillasson qu’on enlève le soir, ou qu’on laisse la nuit pendant l’hiver. Ces magasins ne sont ni trop humides ni trop secs, et sont suffisamment aérés. On visite de temps en temps les fromages, on les huile, et on les retourne, en ayant soin de tenir les tablettes très-propres.

La fabrication du Parmesan diffère peu de celle du Gruyères ; seulement la cuisson du premier se fait à une température un peu plus élevée, et la pression est plus forte. Ce fromage est long à s’affiner ; il est plus sec, et sa saveur est différente. On fait aussi du fromage Parmesan demi-gras, c’est-à-dire avec la traite de la veille écrêmée et celle du matin pure ou avec sa crême. Suivant M. Huzard, la première qualité se fabrique avec le lait écrêmé. Les fromages Parmesan sont de la grosseur de ceux de Gruyères, moins larges et plus épais ; leur poids est de 30 kilog. (60 liv.).

§ II. — Fromage de lait de brebis.
23e Fromage de Montpellier.

Dans les 1ers jours d’avril on commence à sevrer les agneaux, qui ont alors près de 4 mois. Le soir, on les sépare de leurs mères, qu’on ne leur rend que le lendemain vers midi, après qu’elles ont été soumises à la mulsion.

C’est avec le lait de cette traite qu’on fabrique ce qu’on appelle les fromageons. On met en présure, et dès que le caillé est formé, on le brise et on le pétrit pour le déposer dans des formes de grès de 16 cent. (6 po.) de diamètre, 27 millim. (1 po.) de profondeur, et percées de trous fins pour l’écoulement du petit lait. Au bout d’un 1/2 quart-d’heure au plus, le fromage affermi est retourné, et on répète cette opération jusqu’à ce qu'il soit assez ferme pour pouvoir le déposer sur de la paille ou du jonc ; on le saupoudre ensuite de sel fin, et on le met en vente.

Quand on veut conserver les fromageons, on les expose sur des claies à l’air frais ; on les retourne soir et matin jusqu’à parfaite dessiccation, et lorsqu’ils ne contiennent plus d’humidité, on les met dans des boîtes qu’on dépose dans un endroit sec. Pour l’usage, on les fait tremper dans une eau légèrement salée jusqu’à ce qu’une épingle enfoncée dans la pâte cesse d’y rester adhérente. C’est le moment de les retirer alors, de les faire égoutter, et de les frotter avec un peu d’eau-de-vie et d’huile. On les empile dans des pots de grès bouchés avec soin. Au bout d’un mois ils sont excellens à manger.

§ III. — Fromage de lait de chèvre.
24e Fromage du Mont-d’Or (Puy-de-Dôme).

Voici les détails intéressans que M. Grognier a donnés sur la fabrication de ces fromages.

On trait les chèvres 3 fois par jour pendant l’été : de grand matin, à midi, et le soir à la nuit. Quand il fait froid, on met en présure le lait tout chaud ; dans l’été, on laisse refroidir pendant une ou 2 heures, suivant la température. La présure se prépare avec des caillettes de chevreau, et tantôt du petit-lait, tantôt du vin blanc, quelquefois du vinaigre. Une cuillerée à bouche de présure de petit-lait suffit pour 15 pots de lait. Le lait ainsi présuré se caille dans l’été au bout d’un quart d’heure, et au bout d’une 1/2 heure en hiver. On le met alors dans des espèces de boites de paille, ou dans des vases de terre percés et troués comme des écumoires. C’est dans ces boites que les fromages prennent leur forme. On les place de manière que le petit-lait puisse s’écouler aisément. C’est au bout de 1/2 heure en été et 2 heures en hiver que l’on sale ces petits fromages ; on les retourne 5 à 6 fois dans la journée, plus souvent l’hiver que l’été. Ils deviennent fermes en 24 heures pendant cette dernière saison, et dans l’autre seulement au bout de 3 ou 4 jours. Quand ils sont raffermis, on les place dans des paniers à claire-voie suspendus au plancher au moyen d’une poulie, et c’est toujours dans un endroit frais qu’on les conserve. On les raffine quelquefois en les humectant avec du vin blanc, les recouvrant d’une pincée de persil, et les mettant entre 2 assiettes. On les expédie ainsi, 10 ou 12 jours après leur fabrication, dans des boites à dragées, pour Lyon et diverses parties de la France.

§ IV. — Fromages de laits mélangés.
25e Fromage du Mont-Cénis (Savoie).

Ce fromage ne se fabrique pas avec du lait de vache seul, on lui associe du lait de brebis et de chèvre. La proportion dans le nombre des animaux, suivant M. Bonafous, à qui nous devons ces détails, n’est pas fixe, mais elle est approximativement de 4 brebis pour une vache, et d’une chèvre pour 10 brebis. Dès que la traite du soir est faite, on coule le lait à travers une passoire en bois (Voy. pag. 6, fig. 13) : on le laisse reposer 12 heures environ dans un lieu frais, et le lendemain on lève la crême et on le réunit avec la traite du matin, mais à laquelle on laisse toute sa crême. Quelquefois même on n’écrême aucune des 2 traites