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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


gâteau, et de l’autre les 3 pièces qui composent le moule. Ces 3 pièces sont 1° la fescelle (fig. 48 A) ou fond, petite boite cylindrique, dont le fond, un peu plus élevé au centre, a 5 trous, un au centre, les quatre autres près du contour ; 2° la feuille (fig. 48 B), cercle de bois de hêtre, dont les extrémités ne sont pas assemblées ; 3° la guirlande (fig. 48 C), portion de cône évidé qui se place sur la feuille et termine le moule par le haut (fig. 48 D).

Fig. 48.

Le vacher prend un morceau de tomme qu’il pétrit dans la fescelle, après y avoir jeté une poignée de sel. Il achève de remplir la capacité de cette fescelle de tomme salée et réduite en pâte qu’il comprime exactement ; il couvre d’une légère couche de sel ; ensuite il engage dans la fescelle le bord inférieur de la feuille, la remplit et sale avec le même soin ; enfin il place la guirlande, la remplit jusqu’au bord de pâte qu’il comprime et couvre de sel. Il recouvre le tout d’un morceau de toile et transporte sous la presse (fig. 49). Le petit-lait salé qui en découle sert pour humecter les fromages au magasin.

On laisse le fromage en presse pendant 24 heures ; on le retourne ensuite dans le moule, et on l’y laisse encore quelques jours sous la presse en le retournant, afin que le sel pénètre partout ; on le retire enfin de la presse, on le porte à la cave, où il est retourné tous les jours, humecté avec du petit-lait, salé ensuite, essuyé, nettoyé, et séché dans un endroit frais et aéré.

Fig. 49.

La presse en usage en Auvergne (fig. 49) se compose d’une table soutenue par 4 pieds ; une rigole circulaire environne l’endroit où se place le fromage. La planche supérieure et mobile, chargée de grosses pierres, est établie sur 2 montans placés à une extrémité ; on la soulève de l’autre, à l’aide d’un levier ; on l’arrête par le moyen d’une cheville qui se place dans les trous d’un 3e montant, fixé à l’autre extrémité. On met le fromage dans le milieu de la table, on abaisse dessus, en ôtant la cheville, la planche supérieure chargée de pierres ou d’un bloc de basalte ou de granite, du poids d’environ 300 kilog. Le fromage se resserre et se comprime par le rapprochement de la fescelle et de la guirlande qui entrent dans la feuille, et le petit-lait s’écoule par les trous de la fescelle et les intervalles des 3 pieds. — Le bon fromage d’Auvergne ne se fabrique que sur les montagnes de Salers ; celui qu’on prépare dans les autres lieux du Cantal est d’une qualité moins bonne.

IV. Des fromages cuits à pâte plus ou moins dure et pressée.
20e Fromage de Bresse.

On fait chauffer, jusqu’au point d’entrer en ébullition, 10 à 12 litres de lait, avec lequel on mélange, sur le feu, une pincée de safran incorporé et amalgamé préalablement avec 30 grammes (1 once) de fromage ; on retire le chaudron du feu, et on introduit la présure. Le caillé étant formé, on le brise et on le pétrit pour en séparer le sérum. Cette opération doit se faire à une chaleur modérée. Ce caillé est alors enlevé et égoutté dans une toile propre, mis en presse pendant quelques heures sous une planche chargée d’un poids de 25 kilog. (50 liv.), puis moulé et pressé de nouveau, et porté ensuite à la cave sur des planches, où au bout de 5 jours et de 6 au plus tard commence la salaison. On donne dans cette opération au fromage tout le sel qu’il peut prendre. Trois jours après la 1re salaison il est débarrassé de la toile qui l’enveloppait, pour achever de le saler sur toutes les faces, en ayant le soin de le retourner tous les jours pendant un mois dans la toile où il a été replacé chaque fois. Comme il se forme très-promptement une espèce de moisissure blanche à sa surface, il faut le nettoyer de temps en temps avant d’y remettre du sel. Après qu’il a été bien salé et bien nettoyé, ce fromage est déposé dans une chambre où on le sèche en le retournant tous les jours. Lorsqu’il est suffisamment sec, on le ratisse avec le dos d’un couteau ; on le retourne encore de temps à autre pour qu’il ne moisisse pas, et on continue de le ratisser pour en tenir la peau sèche et nette. Ce n’est guère qu’au bout de 7 à 8 mois que le fromage de Bresse, ainsi conduit, est parvenu à sa perfection.

21e Fromage de Gruyères.

La fabrication de cette espèce de fromage a lieu surtout en Suisse, dans le canton de Fribourg, et dans nos départemens des Vosges, du Jura et de l’Ain, où se trouvent des pâturages analogues à ceux de la Suisse. Elle pourrait, si les procédés en étaient plus répandus, être pratiquée dans une foule de localités, surtout si on introduisait en même temps ces associations connues sous le nom de laiteries banales ou fruitières, auxquelles cette fabrication en Suisse a donné naissance. Nous la regardons, au reste, comme assez importante pour entrer, d’après les agronomes les plus instruits, dans des détails plus étendus, sur tous les procédés tels qu’ils sont pratiqués dans la Suisse.