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chap. ier
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COAGULATION OU FORMATION DU CAILLÉ.


cas et plus dans le second. L’éprouvette marque de 4 1/2 à 5° dans le lait naturel. Si on y mêle de l’eau, elle marque 3 3/4 à 4° suivant la proportion d’eau : si le lait est écrêmé, elle indique 5 1/4. Ainsi du lait dans lequel l’éprouvette monte plus haut que 5 est écrêmé ; si elle descend plus bas que 4, il est mélangé d’eau. Dans le cas où l’on aurait écrêmé et ajouté de l’eau, l’épreuve par le lactomètre à tube est le seul moyen de reconnaître la fraude. Ce lactomètre à tube, dans les fruitières de la Suisse où on en fait usage de la manière suivante, est un cylindre étroit de verre blanc, soutenu par un pied qui a 27 millim. (1 po.) de diamètre et 22 à 27 centim. (8 à 10 po.) de hauteur. On colle a l’extérieur de ce cylindre une bande de papier blanc, on verse le lait, et au bout de 12 heures on fait sur le papier 2 traces qui indiquent très-exactement l’épaisseur de la couche de crême montée à la surface ; on vide le lait, on lave le vase, et on y remet une quantité égale de lait du même troupeau dont la traite a été faite en présence de commissaires ; on place le vase dans le même lieu, à la même température, et au bout de 12 heures on observe ce second lait : la différence de l’épaisseur de la couche de crême indique s’il y a eu falsification du premier lait suspect.

Art. iii. — Préceptes généraux pour la fabrication des fromages.

La saison la plus convenable pour faire les fromages est depuis le commencement de mai jusqu’à la fin de septembre, et dans les années favorables jusqu’au mois de novembre et pendant tout le temps que les vaches peuvent rester au pâturage. Dans quelques laiteries importantes on fabrique toute l’année lorsqu’on nourrit un grand nombre de vaches et que les provisions sont suffisantes pour fournir une nourriture convenable. Le fromage fait en hiver passe pour être d’une qualité inférieure, il exige plus de temps pour passer et devenir bon à être livré à la consommation ; cependant on peut faire aussi de bons fromages en hiver, en apportant tous les soins nécessaires à sa fabrication.

§ 1er. — 1re opération — Coagulation ou formation du caillé.
De la présure.

Le caillé peut se former en abandonnant le lait à lui-même, pendant un certain temps, à une température de 15 à 18° cent., ou bien en l’exposant à la chaleur d’un foyer ; mais on peut aussi séparer la matière caséeuse du sérum au moyen d’un grand nombre de corps de nature très-différente qui accélèrent cette opération. — Les acides de toute espèce, dit Chaptal, opèrent promptement la coagulation du lait écrêmé ; elle a lieu plus ou moins vite suivant la force des acides ; mais si on les emploie à forte dose, le petit-lait et la matière caséeuse en conservent la saveur, ce qui nuit à leur qualité. — Les sels avec excès d’acide, tels que la crême de tartre, le sel d’oseille, produisent le même effet, mais la coagulation n’est complète qu’autant que le lait est presque bouillant lorsqu’on y jette ces sels. — La gomme arabique en poudre, l’amidon, le sucre, etc., bouillis avec le lait, séparent le caillé en quelques minutes. — L’alcool précipite très-promptement la matière caséeuse sous la forme de molécules divisées qui se déposent dans le fond des vases. — Les plantes éminemment acides et les fleurs de quelques végétaux, telles que celles de l’artichaut, du chardon, caillent le lait. Leur vertu est très-puissante sur le lait chaud ; — mais la substance qui est le plus généralement employée, c’est la portion de lait caillé qu’on trouve dans l’estomac des jeunes veaux qu’on égorge avant qu’ils soient sevrés, et cet estomac lui-même. L’usage qu’on fait de cette substance lui a fait donner le nom de présure.

En Suisse, on prend un estomac frais ou caillette de veau qu’on vide du lait caillé qu’il contient, on le sale légèrement à l’intérieur, on le souffle, et on le fait sécher à une température modérée. Quelques jours avant de s’en servir, on le coupe en morceaux et on le jette dans 1 litre de petit-lait, ou d’eau tiède dans laquelle on a mis un peu de sel. Deux jours après, on peut se servir du liquide comme présure ; elle se conserve plusieurs semaines dans des vases fermés déposés dans un lieu frais. Seulement, après 4 à 5 jours, il faut avoir soin d’enlever les morceaux de caillette qui feraient fermenter la présure, et donneraient au fromage un goût désagréable.

Dans quelques autres endroits on hache très-menu la caillette, on y ajoute quelques cuillerées de crême et du sel, de manière à en faire une bouillie qu’on met dans une vessie et qu’on fait sécher. La veille du jour où l’on doit s’en servir, on en délaie une quantité suffisante dans l’eau chaude. — En Lombardie, l’estomac vidé, salé et séché, est coupé très-menu, mêlé à du sel et à du poivre en poudre, et le tout transformé en une bouillie épaisse avec du petit-lait ou de l’eau. Quand on veut s’en servir, on en met dans un linge qu’on plonge et qu’on promène dans le lait chauffé. — Dans le Limbourg, on ne vide pas l’estomac, on le sèche seulement un peu et on le remplit d’eau tiède et d’une poignée de sel ; après 24 heures, on filtre le liquide qui a séjourné dans l’estomac, et on s’en sert comme de présure. D’autres enfin font macérer pendant 24 heures et plus l’estomac frais dans une saumure.

3° Suivant Marshal, il faut prendre l’estomac d’un veau aussitôt après qu’il a été tué. On retire tout le lait caillé qui est dedans, on lave le sac à plusieurs eaux froides, ensuite on le sale en dedans et en dehors de manière à ce qu’il reste imprégné d’une couche de sel ; on le met dans une terrine ou pot de grès, il reste 2 ou 3 jours. Au bout de ce temps on ôte la poche de la terrine et on la suspend pendant 2 ou 3 autres jours pour qu’elle sèche ; après cela elle est salée de nouveau, et lorsqu’elle a bien pris le sel, on la coupe, et on la fait sécher sur des planches. Elle peut alors se conserver dans un lieu sec, ou bien être déposée dans une terrine, seule ou avec une forte saumure, en la couvrant d’un morceau de parchemin piqué avec une forte épingle. Pour faire usage de cette prépara-