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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE.


20° il est obligé de travailler nu, et, presque toujours, son corps, lorsqu’il pétrit, est couvert de sueur. Qui n’a pas entendu, en passant le soir auprès d’une boulangerie, ces gémissemens du pétrisseur ? cette espèce de cri de souffrance, accompagnement obligé des efforts qu’il est obligé de faire pour élever et battre la pâte ? On plaint l’homme condamné chaque nuit à d’aussi durs travaux ; peut-être rejetterait-on le pain qui lui a coûté tant de peines, si l’on pensait à quelles impuretés le pétrissage à bras d’homme condamne la fabrication du pain. L’humanité, la propreté si nécessaire dans la préparation des alimens, recommandent donc à la fois l’usage des pétrins mécaniques. Cependant, nous le disons à regret, jusqu’ici la boulangerie de Paris, qui est certainement la boulangerie la plus avancée de France, n’a pas adopté les pétrins qui lui ont été offerts. Dans ce refus, nous faisons bien la part des préjugés, des habitudes et surtout de la crainte de mécontenter la classe des ouvriers boulangers ; mais il faut reconnaître aussi que la plupart des pétrins qui ont été essayés ne présentaient pas d’avantages sur le travail ordinaire, quant aux frais de manutention, et laissaient aussi beaucoup à désirer sur la qualité de l’ouvrage. La difficulté, à Paris, consiste, dit-on, à faire mécaniquement des pâtes propres au pain à grigne, des pâtes qui se fendent nettement et proprement. Pour des pains d’autres façons, le travail des pétrins réussit mieux. Cependant, nous ne croyons pas cette difficulté invincible, et pour la meilleure condition du garçon boulanger comme pour la satisfaction et la santé du consommateur, nous espérons que la boulangerie n’aura plus bientôt que des pétrisseurs mécaniques.

§ 1er . — Pétrin Fontaine.

Parmi les pétrins dont on se sert aujourd’hui, nous devons distinguer le pétrin fontaine.

Voici le compte qu’en a rendu l’Echo des halles et marchés dans son numéro du 8 mars 1835.

« M. Fontaine, boulanger, rue de Charonne, faisait depuis long-temps des recherches et des expériences sur un pétrin mécanique de son invention. Cette persévérance, aidée d’une connaissance parfaite de la panification, l’a conduit à des résultats qui nous ont paru des plus simples et des plus avantageux. M. Fontaine se sert exclusivement de ce pétrin mécanique, et en a fourni un à M. Tissier, boulanger, rue Saint-Martin, n° 59, qui a supprimé aussi tout autre pétrin. C’est chez ce dernier que nous l’avons vu fonctionner.

« Qu’on se figure (fig. 507) un tonneau parfaitement cylindrique, long de 3 pi. 1/2 et suspendu sur un fort châssis de bois. Dans toute la longueur de ce cylindre, une portion mou bile, qui s’ouvre pour l’introduction de la farine et de l’eau, se ferme hermétiquement pendant l’opération du pétrissage. A l’intérieur, 2 compartimens de chacun 21 po. ; c’est là que les levains sont disposés. La quantité d’eau nécessaire étant coulée et la farine ajoutée, on ferme hermétiquement et très facilement la portion qui forme porte. Alors, un seul homme, au moyen d’une manivelle armée de 2 pignons de diamètres inégaux, met le pétrin en mouvement. La rotation est de 4 tours par minute ; 15 minutes, par conséquent 60 tours suffisent pour terminer le pétrissage.

Fig. 507.

« Nous avons mis nous-mêmes la main à la manivelle de ce pétrin ; il nous a semblé exiger moins de force que ceux que nous avions vus jusqu’alors. La charge de toute la pétrissée pèse il est vrai sur les tourillons ; mais, une fois en mouvement, le cylindre, qui n’a pas moins de 34 po. de diamètre, forme volant et entraîne par lui-même et régularise la rotation. L’homme fait environ 40 tours de manivelle par minute. C’est surtout vers la fin de la pétrissée, au moment où la pâte prenait toute sa consistance, que les pétrins mécaniques, qui sont venus avant celui de M. Fontaine, exigeaient le plus de force, au point que ce n’était pas trop de 2 hommes pour achever l’ouvrage. Le pétrin Fontaine, au contraire, n’offre aucune différence sous ce rapport ; au commencement et à la fin, la pâte se manipulant d’elle-même dans l’intérieur du cylindre, pendant que ce cylindre tourne sur lui-même, peu importe qu’elle soit à l’état liquide ou à l’état solide, le poids ne varie pas.

« Pour bien concevoir le maniement intérieur de la pâte, il faut savoir que 2 barres transversales se placent dans chaque compartiment avant de pétrir. Ces barres sont en bois mi-plat de 2 po. de large. La 1re , mise immédiatement au-dessus du levain, est disposée de manière à former une pente assez rapide ; la 2e ne se place que lorsque l’eau et la farine nécessaires sont ajoutées ; sa disposition est horizontale et n’est pas déclive comme celle de la 11re . L’office de ces barres est de traverser la pâte pendant qu’elle tourne avec le cylindre dans lequel elle est enfermée, et, au moyen de la déclivité de l’une de ces barres, la pâte ne peut pas couler sans être atteinte. Ces barres, inertes par elles-mêmes, font à travers l’eau et la farine qui les rencontrent l’effet des bras de l’homme.

« Le pétrissage que nous avons vu était excellent, et, sous ce rapport, le pétrin Fontaine nous parait un des meilleurs dont on se soit servi jusqu’ici. Il offre aussi un avantage que ne présentent ni le pétrin Selligue,