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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE.


troduit dans la pâte, et non pas au degré de fermentation du levain, comme quelques auteurs l’ont indiqué à tort.

Le levain jeune est plus long-temps à imprimer à la pâte le degré de fermentation convenable. Lorsque la direction de l’ouvrage le permet, l’emploi du levain jeune est favorable à la blancheur et à la qualité du pain.

Le levain vieux est celui qui a passé son apprêt, c’es-à-dire dont la fermentation est trop avancée. Il faut éviter de l’employer dans cet état ; il gâterait tout l’ouvrage. Nous indiquerons plus loin le moyen de le raccommoder, chose du reste assez difficile.

Le moyen d’avoir de bon pain, ce serait d’employer de forts levains jeunes ; mais les garçons boulangers se gardent bien, quand ils le peuvent, d’en agir ainsi, parce que ce serait pour eux un surcroît de besogne.

§ II. — De la levure.

Quelques boulangers emploient la levure de Mère comme auxiliaire à la fermentation , dans ce cas, ils ajoutent au levain de tout point une livre environ de levure ; (à Paris la levure ne s’emploie que sèche) puis, à chaque fournée, on en introduit de la même manière environ une demi-livre.

Au surplus, les diverses méthodes d’employer la levure dépendent beaucoup de la quantité de fournées que fait le boulanger, et de l’heure a laquelle il doit commencer à pétrir. Ceux qui ne cuisent, à Paris, que 5 à 6 fournées ne se servent pas généralement de levure. Nous devons dire, d’ailleurs, que l’usage de la levure est aujourd’hui presque entièrement abandonné à Paris, parce que la qualité en a été très souvent falsifiée, et qu’alors elle ne produisait plus l’effet sur lequel on devait compter. C’est précisément dans l’hiver que l’emploi de la levure serait le plus utile, et c’est à cette époque que les brasseurs en font le moins , et que, pour en fournir en quantité suffisante, ils y introduisent différentes substances , telle que la fécule de pomme de terre, par exemple, qui en neutralisent plus ou moins les effets.

Quelques boulangers ont aussi un genre de travail qu’on appelle travail sur levure, voici en quoi il consiste : A la dernière fournée, on garde un morceau de pâte de 10 à 15 livres, suivant l’importance de la cuisson. Vers une heure, c’est-à-dire à l’heure où les autres boulangers font les seconds levains, ceux qui travaillent sur levure font leur premier levain ; ils versent la quantité d’eau et de farine nécessaires pour le rendre deux fois plus fort que le chef. Ils y ajoutent une quantité proportionnelle de levure, pour achever la fermentation, de manière que, 2 heures après, on puisse procéder au levain de tout point, qui est le double du précédent, et auquel on ajoute la quantité de levure nécessaire pour pouvoir commencer à pétrir une heure après ; à chaque fournée ensuite, on ajoute une nouvelle quantité de levure proportionnée.

Cette méthode de fabrication a pour résultat de donner du pain plus léger, un peu plus blanc, plus bouffant ; mais le pain a besoin d’être mangé tendre. Il ne conserve pas sa saveur le lendemain, et, sous ce rapport, il ne convient pas dans les quartiers habités par les ouvriers, ou par des consommateurs qui par économie ne mangent que du pain de la veille.

On cite, d’ailleurs, fort peu de boulangers à Paris qui travaillent de cette manière.

Section IV — Du pétrissage.

Lorsque le levain de tout point est prêt, on procède au pétrissage. Cette opération peut se diviser en quatre temps, qu’en termes de boulangerie l’on désigne sous les noms de : 1° délayer ; 2° fraser ; 3° contre-fraser ; 4° découper et battre.

§ 1er . — Délayure.

Cette opération doit se faire promptement ; voici comme on y procède :

Le levain étant en fontaine, on verse dessus toute l’eau destinée à la fabrication de la pâte ; alors, avec les deux mains ouvertes, on presse la masse jusqu’à ce qu’elle soit bien divisée et bien dissoute. Il faut avoir soin que cette dissolution soit bien égale , et qu’il ne reste aucuns grumeaux.

§ II. — Frase.

Quand le levain est ainsi bien délayé, on tire dans cette délayure la moitié environ de la quantité de farine qui doit composer la pétrissée. On la mêle avec promptitude et sans retirer les mains du mélange, et cela jusqu’à ce que toute cette farine soit absorbée, bien séchée, bien mangée comme disent les boulangers. Ensuite on tire encore les deux tiers de la farine restante, que l’on a soin de travailler comme les premières fois de manière à la bien serrer ; puis on tire enfin le tiers restant pour finir la pâte et la rendre bien égale.

C’est de la frase bien faite que dépend le bon pétrissage.

§ III. — Contre-frase.

Lorsque la pâte a reçu assez de farine et que la frase est bien desséchée, on ratisse exactement le pétrin pour réunir toutes les pâtes et en former une seule masse, puis on contre-frase ; cette opération consiste à relever la pâte de droite à gauche, à la tête du pétrin, en la retournant en gros pâtons.

Ensuite, on découpe la pâte en dessous et en dessus et on lui donne le tour en la jetant par pâtons à l’extrémité droite du pétrin, puis on la reprend de même pour la reporter à gauche.

Le boulanger curieux de son ouvrage donne un troisième tour et bat sa pâte ; c’est fourrer les deux mains dans la pâte, l’empoigner, la soulever, la plier sur elle-même, puis la tirer et la laisser tomber avec effort. On jette les parties de la pâte battue sur celles qui le sont déjà, cette opération est favorable au développement de la pâte, en y facilitant l’introduction de l’air.

Quand cette opération est terminée, on ratisse encore exactement son pétrin, puis on relire la moitié de toute la pâte, et on la met