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MOULAGE ET TRANSPORT DES BEURRES.


la surface une écume qu’on enlève, et les impuretés se précipitent au fond du chaudron. On augmente encore insensiblement le feu jusqu’à ce que le beurre bouille, toujours en écumant, et en remuant pour empêcher que les matières précipitées ne brûlent au fond. L’opération est terminée lorsqu’il ne s’élève plus d’écume et que le liquide est transparent. Alors on le sale, on le laisse se refroidir dans le chaudron jusqu’à ce qu’on puisse y tenir le doigt, puis on le décante doucement, jusqu’au dépôt, dans des pots qu’on a fait chauffer ou des barils qu’on couvre avec soin et qu’on porte à la cave.

En Angleterre on suit une méthode préférable en mettant le beurre dans un chaudron placé lui-même dans une chaudière contenant de l’eau (bain-marie) qu’on chauffe jusqu’à ce que ce beurre entre en fusion. On le maintient en cet état, pour que le dépôt se forme ; on le laisse alors refroidir, et quand il est devenu opaque on en sépare la partie épurée qu’on sale et qu’on embarille comme le beurre ordinaire. Suivant Anderson ce beurre peut se conserver doux et sans sel, en y ajoutant seulement 1 once de miel par livre de beurre, et en incorporant soigneusement les deux substances. Ce mélange dit-il, a un goût agréable et se conserve plusieurs années sans rancir.

M. Thénard a recommandé la méthode usitée chez les Tatares, et qui consiste à faire fondre le beurre au bain-marie, à une chaleur qui ne soit pas au-dessus de 82° cent., à laisser le dépôt se rassembler, et, lorsque le liquide est transparent, à le décanter ou le passer à travers une toile et le faire refroidir de suite dans de l’eau de fontaine très-fraîche. Le beurre ainsi traité se conserve, dit-on, frais pendant 6 mois et plus.

§ XI. — Altérations du beurre.

Le beurre est un corps si délicat qu’il n’est pas rare de lui voir contracter diverses altérations dont il est difficile souvent de se rendre compte, mais auxquelles, dans tous les cas, on ne peut remédier sans lui enlever encore quelques-unes des autres propriétés qui le distinguent. Voici les principales :

Beurre rance. La rancidité est due à une préparation malpropre, à la présence de matières étrangères, au contact prolongé de l’air, à un délaitage imparfait, à la vétusté, etc. Toutes les recettes proposées pour la combattre sont à peu près impuissantes.

Beurre amer. Le beurre contracte de l’amertume quand il est fabriqué avec du lait ou de la crème amère,de la crème trop vieille et qui a éprouvé un commencement de décomposition, et, selon Thaer, quand on donne du sel en trop grande quantité aux vaches, qu’on leur fait manger de la farine, ou qu’on les nourrit seulement de pommes-de-terre crues ou de paille.

Beurre à goût désagréable. Ce goût est attribué à des causes très-diverses. Au nombre de celles qui sont les plus connues on place un hallage trop précipité et trop violent, un lait qui lui-même à un goût désagréable parce que les vaches ont mangé des feuilles sèches, des turneps, des fannes de pommes-de-terre, des herbes des prairies fumées avec des matières animales ou des excrémens, etc. Quand la crème est restée trop long-temps sur le lait, on obtient aussi souvent un beurre d’une saveur peu agréable.

Beurre mou, visqueux, huileux, spongieux. Un battage à une température trop élevée, un mode incomplet et malpropre de fabrication, un délaitage mal fait, un pétrissage trop prolongé, ou des manipulations trop fréquentes avec les mains, etc., sont les causes les plus ordinaires de ces altérations.

Beurre pale. C’est un défaut qui est dû souvent à la saison, à la mauvaise qualité des pâturages, à la nature des alimens des vaches, à la température trop élevée dans le hallage, ou au peu de soin qu’on a mis à purifier le beurre par des lavages ou un pétrissage soigné.

Beurre fromageux. Il est toujours de qualité inférieure et dénote une fabrication imparfaite.

Beurre sec. On l’attribue encore aux causes précédentes, et à ce que la crème s’est dégagée avec trop de lenteur sur le lait par suite d’une température trop basse.

Beurre à saveur de graisse. Les beurres d’hiver, ceux faits avec de la crème levée sur du lait aigre, qui ont été battus avec trop de force ou à une haute température, sont sujets à cette altération.

§ XII. — Moulage et transport des beurres.

Chaque pays a sa manière de mouler ses beurres. Le plus ordinairement les beurres frais communs sont moulés en cylindres de 2 pouces de diamètre sur plusieurs pouces de longueur, qui pèsent une livre ou deux livres, ou bien en pains au moyen de moules ou de formes très-variés dont ils reçoivent des marques, empreintes ou ornemens arbitraires.

Les beurres fins sont au contraire moulés en mottes de grosseurs variées et de différens poids qu’on forme à la main, au battoir, ou dans des jattes, terrines ou moules appropriés à cet usage. En Hollande, on donne surtout au beurre d’herbe ou de printemps mille formes diverses, telles que celles de moutons, de pyramides, de bouquets de fleurs, etc.

Le transport des beurres se fait facilement, quand ils sont salés, dans des pots de grès dont la grandeur varie de 1/4 ou 1/2 liv. jusqu’à 40 livres, ou dans des tinettes, baquets, barils qui en contiennent depuis 50 jusqu’à 400 livres et au-delà. Le beurre le plus cher et le meilleur de la Prévalaye, est emballé dans des corbeilles, paniers ou petites mannes sans anse, carrés ou oblongs, revêtus en dedans d’un morceau de toile fine ou de mousseline recouvert de sel de Guérande. Quant aux beurres frais communs, on les entoure de feuilles de choux, de bette blanche, de vignes, ou d’arroche des jardins (bonne-dame, Atriplex hortensis). Les mottes de beurres fins sont enveloppées d’une mousseline, ou d’une toile fine, lessivée, rincée et humide qu’on peut recouvrir de feuilles de choux, ou de plantes grasses, pour conserver la fraîcheur.