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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


un couteau de bois émoussé ou une cuillère, pour découvrir et enlever les poils, les débris de linge ou autres impuretés qu’il pourrait contenir.

Le beurre n’acquiert toute la saveur qu’il doit avoir suivant sa qualité, en été, que quelques heures après qu’il a été battu ; et en hiver, le lendemain seulement.

§ VII. — Coloration du beurre.

Pour donner au beurre cette riche couleur jaune qui distingue les produits de printemps et d’été et ceux de bonne qualité, on fait usage de plusieurs substances.

La fleur de souci. Dans le pays de Bray, lorsque les fleurs sont cueillies, on les entasse dans un grand pot de grès, on les foule, on ferme le pot, qu’on dépose dans la cave pour laisser macérer. Quelques mois après toutes ces feuilles sont converties en un suc épais qu’on passe à travers un linge, et qui conserve la couleur de la fleur. Une petite quantité de ce suc, dont l’expérience apprend bientôt à connaître la proportion, est délayée dans un peu de crème, et c’est ce mélange qu’on ajoute au reste de la crème lorsqu’on verse celle-ci dans la baratte. En Hollande, on suit un procédé à peu près semblable pour colorer le beurre.

Le rocou (Bixa orellana) bouilli dans l’eau, et qu’on nomme aussi arnotto d’Espagne, est également employé en France, et surtout dans le Holstein, pour donner au beurre une belle couleur jaune. Dans ce dernier pays on en met le soir, avant de faire le beurre, la grosseur d’un pois dans 15 kilog. (30 liv.) de crème.

Le jus de carottes est encore d’un usage fréquent ; seulement il demande à être ajouté en plus grande quantité.

Le safran (stigmates du Crocus sativus), dont il faut une très-petite quantité, est délayé d’abord dans l’eau chaude filtrée à travers un linge, puis ajouté à la crème.

Les baies d’alkekenge ou Coqueret officinal (Physalis alkekengi), le fruit de l’asperge, le suc des mûres, la racine d’orcanette (Lithospermum tinctorium Lin., Anchusa tinctoria Lam.), sont aussi employés à cet usage, et sont ajoutés en plus ou moins grande quantité, suivant la nature du beurre qu’on travaille, la teinte qu’on veut obtenir, la saison, la quantité de beurre, etc. L’habitude apprend bientôt à doser convenablement la matière colorante pour atteindre dans tous les cas la couleur désirée. Généralement on en emploie si peu, qu’elle ne communique jamais au beurre de mauvais goût.

§ VIII. — Méthodes diverses de faire le beurre.

On ne fait pas partout le beurre de la même manière, et nous allons faire connaître en peu de mots les procédés les plus répandus.

Battre le lait frais. Ce procédé, qui est celui qu’on suit pour la fabrication du beurre de la Prévalaye, dans les environs de Rennes, et dans d’autres localités, donne un beurre très-fin et excellent, mais moins abondant, et se conservant frais plus difficilement. Dans des essais faits en Saxe, on a trouvé que 22 lit. 476 (24 pintes) de lait frais avaient fourni, après 1 heure 10 minutes de battage, 613 grammes seulement (1 liv. 4 onces) de beurre, tandis que, de la même quantité de lait gardé 24 heures, et toutes les autres conditions étant les mêmes, on obtenait 3 lit. 75 (4 pintes) de crème, qui avaient donné au bout d’une heure 5 minutes de battage, 998 gram. (2 liv.) de beurre. L’expérience a aussi appris que le beurre ainsi fabriqué se prend plus difficilement en masse, que les vaisseaux doivent être fort grands, et que le mouvement ou le battage doivent avoir une plus grande vitesse ; que cette opération étant plus laborieuse et plus longue, rend avantageux l’emploi des machines et des animaux.

Battre la crême seule. C’est le procédé le plus usité et celui dont nous avons fait connaître tous les détails.

Battre la crême et le caillé. Cette méthode, employée dans quelques parties du nord de l’Allemagne, dans les provinces hollandaises au sud de Rotterdam, en Belgique et dans plusieurs comtés d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, est désavantageuse par la masse de matière qu’il faut battre, et parce qu’on n’a pas prouvé jusqu’ici qu’elle donnât une plus grande quantité de beurre. Ce beurre d’ailleurs est certainement inférieur à celui qu’on fabrique par la méthode ordinaire.

Dans la Campine, suivant M. Schwerz, le lait fraîchement tiré est passé à travers un tamis de crin et versé dans des jattes qu’on porte dans de petits celliers destinés à cet usage, et où le lait reste de 12 à 24 heures pour se refroidir. Ce lait est ensuite versé dans un tonneau debout et ouvert par le haut. En hiver on se dispense de faire refroidir le lait, et on le verse directement dans le tonneau, où il reste jusqu’à ce qu’il soit devenu aigre, et que le doigt pressé dessus trouve de la résistance, ce qui parfois ne se produit dans cette dernière saison qu’au bout de plusieurs semaines. Arrivé à ce point, on fait l’essai du lait en refoulant la crême au fond avec la main, plongeant les doigts dans le lait qui est au-dessous, et en en mettant quelques gouttes dans le creux de la main. Si le lait s’y prend en masse après quelques instans, il est propre à être battu et à faire le beurre ; on le jette alors dans la baratte avec 1/18e environ d’eau chaude.

L’opération du battage, qui est assez pénible, dure 2 heures dans la baratte à pompe et 1 heure seulement dans la baratte brabançonne. Pour hâter la formation du beurre, on verse de temps à autre dans le vaisseau, mais en petite quantité, de l’eau tiède en hiver et de l’eau froide en été. Dans la 1re  saison, quand le lait tarde trop à s’aigrir au point nécessaire pour le battre, on place dans le tonneau une cruche remplie d’eau chaude. — En Écosse, surtout dans les environs de Glasgow, le lait est abandonné dans des vases sans qu’on y touche, et toujours couvert jusqu’à ce que la masse entière se soit aigrie et coagulée. On veille avec soin à ce qu’aucune portion du coagulum ne soit brisée avant d’être mise dans la baratte, car sans cette précaution la fermentation putride commencerait sans qu’il fût possible de l’arrêter. C’est