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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.

La jeune crême est la seule propre à faire du beurre extrêmement fin, et c’est à son emploi que la Normandie, la Bretagne, la Hollande, etc., doivent l’excellence de leurs beurres. On doit battre tous les jours quand cela est possible, quoique la crème très-récente exige plus de travail pour être convertie en beurre ; et généralement dans les temps chauds la crème ne doit pas rester plus de 24 heures, et en hiver plus de 2 à 3 jours par une température modérée, sans être battue.

On doit fabriquer une grande quantité de beurre à la fois, comme cela se pratique dans la Normandie, la Flandre et la Frise, etc., parce qu’on a observé dans ces pays que le beurre se forme mieux et est de meilleure qualité quand on agit sur des masses.

§ V. — Battage du beurre.

L’opération du battage, qui a pour but d’obtenir la réunion des molécules du beurre, n’est pas aussi simple qu’elle le paraît d’abord et ne réussit bien que sous certaines conditions, relatives à la saison, à la température et au mode d’opérer.

L’époque du jour qu’on devrait préférer pour le battage, est, pendant l’été, le matin de bonne heure ou le soir, et en hiver ou pendant les temps froids, vers le milieu du jour.

La température la plus favorable pour battre le beurre est de 11° à 12° du thermomètre cent. C’est celle à laquelle on obtient un produit ferme, d’un goût agréable, d’une bonne qualité et en plus grande quantité. Cette quantité se maintient à peu près la même jusqu’à 15°, mais la consistance diminue progressivement. À 16° la quantité diminue. À 18° le beurre est mou, spongieux, et sa quantité a diminué de 9 à 10 pour cent sur celle obtenue à la 1re température. Enfin à 21°, il a diminué de 16 pour cent, est de qualité inférieure pour le goût et l’aspect, et aucun lavage ne peut en faire sortir complètement le lait de beurre. La température propice de 11° à 12° doit être celle de la crême avant de la battre, ou de la laiterie, parce qu’il a été démontré que l’opération du battage du beurre et sa formation élevaient de 2°, c’est-à-dire portait jusqu’à 14° la température de la crème.

Pour obtenir artificiellement la température nécessaire à la bonne séparation du beurre, ou fait usage de divers moyens lorsqu’on n’a pas pu maintenir la laiterie à 10° ou 12° du thermomètre.

En été et aux époques les plus chaudes de l’année, on bat le beurre dans le moment le plus frais de la journée et dans la partie la plus froide de l’habitation ; ou bien on jette dans la baratte 15 à 20 litres d’eau fraiche qu’on laisse séjourner une heure, puis qu’on vide avant d’y verser la crème. Pendant le battage on plonge la baratte à la profondeur de 33 à 40 cent. (12 à 15 po.) dans un baquet contenant de l’eau fraîche. On applique des linges mouillés sur la baratte, ou enfin on jette un petit morceau de glace dans le vase. Quelquefois il suffit de tremper de temps à autre la batte-beurre dans l’eau fraîche. En Hollande on plonge, avant de verser dans la baratte, le vase qui contient la crême dans le koelback, grand réservoir d’eau fraîche de 6 pi. de longueur, 3 de large et 2 de profondeur, construit en brique ou en pierres au milieu de la laiterie et alimenté d’eau par une pompe.

En hiver et pendant le temps des gelées, on accélère la formation du beurre en enveloppant la baratte avec un linge ou une couverture chaude, ou bien avec une serviette trempée dans l’eau tiède ; en ajoutant à la crème un peu de lait chaud ; en plongeant la baratte dans un bain d’eau tiède, ou en laissant séjourner une demi-heure de l’eau chaude dans ce vase ; enfin en approchant la baratte à quelque distance du foyer. En Hollande on ajoute un peu d’eau chaude à la crème froide. Aux environs de Rennes, où se fabrique l’excellent beurre de la Prévalaye, on introduit un vase rempli d’eau chaude dans la baratte. Dans tous les cas on ne doit faire usage de ces moyens qu’avec précaution et sobriété, parce qu’ils tendent tous plus ou moins à diminuer la finesse et les bonnes qualités du beurre.

Pour verser la crème dans la baratte, on place sur celle-ci un canevas ou un tamis très-propre sur lequel on jette la crème, qu’on fait passer, pour la diviser et la nettoyer, au travers des mailles au moyen de la pression si cela est nécessaire.

En général, il ne faut pas remplir les barattes au-delà de la moitié de ce qu’elles peuvent contenir.

Le battage doit se faire par un mouvement modéré, égal, uniforme et continué sans interruption. Si le mouvement n’a pas de régularité, si on le ralentit, si on l’arrête, le beurre recule, comme on dit en Angleterre, c’est-à-dire qu’il se redissout dans le babeurre. Au contraire, si le mouvement est violent ou trop accéléré, le beurre acquiert une saveur désagréable, et perd, surtout en été, sous le rapport de la couleur, du goût et de la consistance. Pour opérer régulièrement il faut dès que la batte-beurre a été introduite et que le vase est fermé, élever et abaisser alternativement le bâton en faisant frapper légèrement la batte ou rondelle au fond de la baratte, de manière qu’à chaque coup de va et vient elle soulève 2 fois, en descendant et en montant, la totalité de la crème. Le battage dans l’été doit être fort lent et régulier, autrement on diviserait et on remettrait en suspension les globules de beurre qui dans cette saison sont souvent à l’état liquide. En hiver il peut être plus vif et plus soutenu. On doit aussi l’accélérer un peu quand la quantité de crème est considérable ou quand elle est très-nouvelle.

Le moment où le beurre se forme, ou, comme on le dit, la crême tourne, est variable et dépend d’un grand nombre de circonstances. On reconnaît que le travail marche bien au son que rend le battage. D’abord ce son est grave, sourd et profond, ensuite il devient fort, sec et plus éclatant : c’est le signe que le beurre commence à se former. On continue néanmoins le travail avec le même soin, et bientôt on s’aperçoit qu’on peut mouvoir le bâton avec plus de facilité. Si à cette époque on ouvrait la baratte, on verrait sur les parois une foule de globules jaunâtres huileux qui