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CONDITIONS POUR FABRIQUER LE BON BEURRE.


le beurre sont la couleur, l’odeur, la consistance et la faculté de se conserver.

La couleur du bon beurre est le jaune riche ; c’est généralement celle du beurre fourni pendant le printemps par les vaches en bonne santé, nourries dans de bons pâturages, et qui a été fabriqué avec soin. Néanmoins cet indice n’est pas décisif, puisqu’on peut colorer le beurre artificiellement, et qu’il est des pays, des saisons ou des animaux qui donnent du beurre pâle de très-bonne qualité.

L’odeur du beurre doit être douce, agréable, légèrement aromatique. Tout beurre qui exhale une odeur forte est mal fait, altéré ou de qualité inférieure.

La saveur de beurre frais est douce, agréable, onctueuse, délicate et fraîche. C’est la qualité la plus variable, puisqu’elle change avec les localités, les saisons, l’animal et beaucoup d’autres causes ; mais c’est aussi celle qu’on doit le plus rechercher. Un beurre qui a un goût désagréable quelconque est rarement de bonne qualité.

La consistance est souvent un indice de bonne fabrication. Les beurres spongieux, mous, huileux, ou ceux qui sont durs ou compactes, ont été fabriqués dans des circonstances défavorables ou par de mauvais procédés. Le bon beurre est d’une consistance moyenne, d’un aspect mat ; il a la pâte fine et se tranche nettement en lames minces.

La faculté de se conserver long-temps frais est une des plus précieuses, et elle est due la plupart du temps à l’observation rigoureuse des bons principes de fabrication. Les causes qui influent sur les qualités et la nature du beurre sont si variées qu’on ne peut espérer de les reconnaître toutes ; celles qui paraissent jouer un rôle plus marqué sont les suivantes :

Les vaches. Chaque race de vaches, chaque animal, et la même vache dans des circonstances, dans des états ou des situations variables, donne des beurres de différentes qualités. Il faut faire choix des races et des individus reconnus pour donner à la fois des produits abondans et délicats, et avoir l’attention de les maintenir toujours en bon état et de leur prodiguer tous les soins convenables.

Les pâturages et la nourriture exercent une grande influence sur la bonté du beurre quand ils sont riches, de bonne qualité et abondans, mais toujours avec la condition que ce produit sera fabriqué avec toutes les précautions convenables. On peut presque partout et avec des pâturages médiocres faire de fort bon beurre, quand on y met le soin nécessaire. Néanmoins, toutes les autres conditions étant égales, le beurre des bons pâturages, celui des prairies naturelles, du lait des vaches nourries de spergule, ou de feuille de maïs, ou avec des carottes, etc., sera toujours supérieur en saveur et en délicatesse à tous les autres.

Le climat et la saison. Le climat le plus favorable à la santé des vaches est aussi celui sous lequel on fait le meilleur beurre. Ainsi les pays un peu humides et littoraux, tels que le Danemark, le Holstein, la Hollande, la Belgique, la Flandre, la Normandie, la Bretagne, l’Angleterre et l’Irlande, produisent les beurres les plus renommés. — Quant à la saison, le beurre de printemps ou de mai est le plus riche, le plus aromatique et le meilleur. Ainsi le beurre de la Prévalaye, pendant les mois de février, mars et avril, a un goût exquis de noisette ; il est moins fin et privé de cette fleur qui le rend si agréable, dans les autres saisons. Le beurre d’été ou de juillet et d’août est mou et huileux, celui d’automne ou de septembre et d’octobre n’a pas une couleur aussi agréable, mais il est ferme et peut se conserver long-temps.

La qualité du lait et de la crême. Tout ce qui peut altérer la nature ou la délicatesse du lait ou de la crême, et dont nous avons fait connaître les causes à l’article de la laiterie à lait, page 16, influe de même sur le beurre. Ainsi il est difficile de préparer du beurre d’une saveur fine et délicate avec du lait qui a un goût désagréable, ou qui est altéré, ou bien encore avec des crêmes rances ou moisies.

Le mode de fabrication. La préparation des beurres d’après des principes raisonnes et avec tous les soins convenables, est la condition la plus décisive et la plus importante pour leur bonne qualité. Le mauvais beurre est dû à l’ignorance et à la malpropreté. Les beurres du pays de Bray, de la Bretagne, de la Hollande, du Holstein, ne doivent en grande partie leur supériorité qu’à la manière attentive, propre et soigneuse avec laquelle on dirige leur fabrication.

§ IV. — Conditions pour la fabrication du bon beurre.

On ne peut espérer de faire des beurres fins qu’en observant d’abord avec une rigoureuse ponctualité toutes les règles prescrites précédemment pour la conduite et la bonne direction de la laiterie, puis ensuite celles que nous ferons connaître ci-après relativement aux procédés matériels de fabrication ; mais il est en outre quelques autres principes qui méritent une sérieuse attention.

D’abord on fera usage le moins possible de la crême levée sur du lait altéré, battu par un transport prolongé, ou sur celui des vaches faibles, malades, en chaleur, sur le point de mettre bas, ou qui viennent de vêler ; ensuite on donnera la préférence à la crême recueillie naturellement à une température de 10° à 12° ; à celle provenant de lait arrive à sa perfection, c’est-à-dire au moins au 4e mois après le vêlage ; à celle fournie par le lait dans la 2e période de la traite, ou celle qui aura monté la 1re à la surface et qui est la plus abondante et la plus délicate.

On enlèvera la crême sur le lait pendant qu’il est encore doux. Des expériences exactes et positives faites depuis peu ont prouvé qu’on retirait une quantité un peu plus grande de beurre de la crême levée sur du lait aigre, mais que cette augmentation est peu considérable et ne compense pas la perte qu’on fait sous le rapport de la qualité du beurre. Dans la fabrication des beurres de Gournay, on a reconnu depuis long temps que la crême de lait aigre donnait constamment des beurres médiocres, et gras, qui ne peuvent être conservés long-temps frais et ne sont nullement propres aux salaisons.