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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


l’état de coagulation, avant que la crême ait eu le temps de se séparer.

Lait filant ou glutineux. Il a de l’analogie avec le précédent, et est dû sans doute à la même cause, c’est-à-dire à l’insalubrité et à la malpropreté de la laiterie. La grassette commune (Pinguicula vulgaris), dit M. Berzelius, épaissit tellement le lait quand il passe à l’aigre, qu’il en devient filant, et cette propriété se communique au lait frais avec lequel on le mêle ensuite. Les vases en bois dans lesquels on a gardé ce lait pendant quelque temps conservent toujours la propriété de le rendre filant, et il est difficile de les en dépouiller, à moins de les démonter. Dans quelques provinces de la Suède ce lait est employé comme aliment.

Lait purgatif. Plusieurs euphorbes, la gratiole, etc., donnent au lait des propriétés médicamenteuses.

Lait qui ne donne pas de beurre. Le premier lait des vaches qui viennent de mettre bas, celui des animaux vieux, épuisés, attaqués de quelque maladie organique, est ordinairement séreux et presque dépourvu de matière butireuse. Plusieurs autres causes, encore inconnues, peuvent aussi concourir à produire cette anomalie.

On a peu étudié ces diverses altérations du lait, et les détails dans lesquels nous sommes entrés sont fort incomplets. Il est cependant probable qu’en suivant attentivement leur apparition, leur marche et leur développement, et en faisant des expériences comparatives, on arriverait à une foule d’applications utiles dans le gouvernement des vaches laitières, et aux travaux de la laiterie.

§ IX. — Falsification du lait.

Les principales falsifications qu’on fait ordinairement subir au lait sont de l’alonger avec de l’eau ordinaire, et de le dépouiller en partie de sa crême. Quiconque a la moindre habitude du lait frais, comme aliment, ne peut pas se méprendre en faisant, simultanément pour l’essai, usage de l’aspect, de l’odorat et du goût, sur la nature d’un lait qui a été ainsi falsifié. Le lait étendu d’eau a une consistance moindre et un aspect bleuâtre ; son odeur est presque nulle et sa saveur fade. Le lait dépouillé de crême, c’est-à-dire de son élément sapide, n’a plus rien qui flatte le goût.

Nous ne passerons pas ici en revue toutes les autres falsifications inventées par la cupidité des laitiers qui approvisionnent les grandes villes, pour augmenter la quantité de leur marchandise, et masquer ensuite leur fraude, parce que ces moyens doivent répugner à un honnête cultivateur ; qu’ils sont d’ailleurs rarement mis en usage dans les campagnes, et que les procédés chimiques propres à faire découvrir ces fraudes sont souvent très-compliqués. Mais nous recommanderons, toutes les fois qu’on achètera du lait en abondance, ou régulièrement dans certaines saisons, de l’essayer fréquemment au lactomètre ; la quantité de crême qu’il fournira ainsi étant la véritable mesure de sa valeur vénale et de sa pureté. Il suffit de se rappeler que du lait pur de bonne qualité, provenant d’animaux sains, et réunissant toutes les conditions désirables, doit contenir environ 12 à 15 pour cent de son volume en crême pure et de bonne qualité au lactomètre que nous avons décrit (fig. 18, p. 9) ; que la diminution du volume de la crême est proportionnelle à la quantité de lait enlevé et remplacé par de l’eau ; c’est-à-dire que si on a ajouté au lait moitié eau, le lactomètre n’indiquera plus que 6 à 7 pour cent de crême, et que si l’on a ajouté les trois quarts, l’échelle ne marquera plus en crême que 3 ou 4 pour cent du volume du liquide essayé.

Section ii. — Laiterie à beurre.

La laiterie où se fabrique le beurre, lorsqu’on veut opérer en grand, doit être composée de quatre pièces : 1° une laiterie à lait, voûtée, dans laquelle on dépose et on fait crêmer le lait ; 2° un lavoir ou échaudoir pour le lavage et récurage des ustensiles et des vases ; 3° une salle où l’on bat le beurre ; 4° une autre salle où l’on conserve le beurre après qu’il a été fabriqué.

La construction de la laiterie à beurre est basée sur les mêmes principes que celle de la laiterie proprement dite, que nous avons fait connaître en détail et sur laquelle nous ne reviendrons plus.

Les soins généraux pour sa bonne direction sont également les mêmes, c’est-à-dire qu’on doit y régler avec la même intelligence et la même activité tout ce qui concerne la ventilation, la propreté des salles, celle des vases, outils et ustensiles, les lavages, etc. Quant à la température, il est fort avantageux de la maintenir aussi à 10° ou 12° dans la chambre où l’on bat ordinairement le beurre, par des motifs que les principes raisonnés de la fabrication du bon beurre nous permettront plus loin d’apprécier ; mais, dans la petite pièce où l’on conserve le beurre frais jusqu’à sa vente ou sa consommation, ou ne saurait entretenir une température trop basse ; c’est une condition rigoureuse pour la conservation de ce produit dans toute sa fraîcheur.

Dans quelques pays on bat le beurre dans le lavoir et on le conserve dans la laiterie à lait, ce qui n’exige que deux pièces ; dans d’autres, on a une laiterie, un lavoir et une salle à battre le beurre ; mais ces dispositions qui paraissent économiques, et qui peuvent l’être en effet dans les petits ménages ruraux, cessent d’être avantageuses dans les grandes exploitations, et surtout dans celles où l’on veut produire des beurres extrêmement fins et de première qualité.

§ 1er. — Du beurre.

Le beurre est un corps de nature grasse ou huileuse qui, sous la forme de globules, est en suspension dans le lait, et qui s’élève à sa surface en vertu de sa moindre densité, entraînant avec lui du sérum et de la matière caséeuse, avec lesquels il forme la crême. Le beurre commence à fondre à 20 à 24° du thermomètre centigrade.

Le beurre se sépare de la crême par le battage, opération qui a pour but de favoriser