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ALTÉRATIONS DU LAIT.


étudié ce singulier phénomène ; mais malgré les recherches de Parmentier et Deyeux, de Chabert, Bremer, Germain et Hermbstaedt, il est encore difficile d’assigner d’une manière précise les véritables causes de sa production. Voici les plus probables. Certaines plantes, telles que l’Esparcette (Hedysarum onobrychis), la Buglosse (Anchusa officinalis), la Prêle des champs (Equisetum arvense), la Mercuriale vivace et annuelle (Mercurialis perennis et annua), la Renouée des oiseaux (Polygonum aviculare), le Sarrazin (Polygonum fagopyrum) et autres, qui contiennent une matière colorante bleue, se rencontrent communément dans les champs et les prairies, et qui, dans l’état de santé ordinaire des vaches, ne produisent aucun changement dans le lait, peuvent, sous certaines conditions, communiquer à ce liquide une couleur bleue. Ces conditions sont : le pâturage dans des champs moissonnés et sur des herbes dures et coriaces ; — une exposition prolongée des vaches aux ardeurs du soleil, aux vents froids et autres intempéries des saisons ;— la fatigue, la mauvaise nourriture, un régime hygiénique mal dirigé, et beaucoup d’autres causes sans doute qui paraissent avoir une influence très-marquée sur les organes de la digestion. Pour faire disparaître le lait bleu, il faut, quoique la vache ne paraisse pas indisposée, relever l’énergie de ses organes en lui administrant chaque jour une poignée de sel dans une pinte d’eau, ou une pinte d’une décoction d’une forte poignée de Rhue et de Sabine. dans lesquelles on délaie, avec un jaune d’œuf, un gros d’assa fœtida ; — changer la nature des alimens, et en donner de plus délicats ; — veiller avec plus de soin au régime de ces animaux et a leur bonne tenue ; — les saigner si cela est nécessaire, etc.

Lait piqué, ou lait sur lequel on remarque un assez grand nombre de points qui peuvent différer dans leur nature. Tantôt ces points sont bleus, et peuvent être dus aux mêmes causes que le lait bleu ; tantôt ce sont des petites taches de moisissure. Dans tous les cas, on est porté à considérer l’apparition de ces points comme due à la température trop élevée de la laiterie, à sa malpropreté et à celle des vases qui reçoivent le lait.

Lait jaune. On présume que cette couleur est produite par le Souci des marais (Caltha palustris), par le safran, etc., mangés par les vaches.

L’odeur du lait éprouve souvent de graves altérations. Dans l’état ordinaire, cette odeur est douce et fade. Elle est vive et aromatique quand les vaches ont mangé des plantes de la famille des labiées, dont les huiles essentielles passent dans le lait ; — désagréable, quand ces animaux ont mangé des crucifères, quand ils courent et s’échauffent, ou quand on les fait passer brusquement de la nourriture verte à la nourriture sèche, etc. La saveur du lait est peut-être le caractère qui est soumis au plus grand nombre d’altérations. Voici les principales :

Lait à saveur désagréable. On sait généralement que le choux, surtout les feuilles avariées, les turneps, les fannes de pomme-de-terre, les oignons, l’ail, les poireaux, les cosses de pois verts, le trèfle blanc (Trifolium repens), la luzerne et les herbes des prairies artificielles, les renoncules, toutes les plantes âcres, les fourrages de mauvaise qualité, etc., communiquent souvent au lait une saveur peu agréable. Les fleurs de châtaignier, dont les vaches sont très-avides, donnent, ainsi qu’on l’a observé aux environs de Rennes, où se fabrique le beurre de la Prévalaye, au lait et au beurre un goût détestable. Un peu de sel commun, administré aux vaches, fait parfois disparaître le mauvais goût. En Angleterre, pour enlever la saveur désagréable que les turneps qui sont administrés journellement aux vaches donnent an lait, ou y ajoute 10 à 12 grammes (2 à 3 gros) de salpêtre délayé dans de l’eau bouillante pour 9 à 10 litres (10 à 11 pintes) de lait au moment où on verse celui-ci dans les terrines. Nous avons déjà dit que le lait des vaches en chaleur ou de celles qui sont prêtes à vêler a également un goût peu flatteur.

Lait amer. Ce lait est souvent confondu avec le précédent. On a remarqué cependant que les vaches qui mangent beaucoup de paille d’avoine donnent un lait constamment amer, et qu’il en est de même de la paille d’orge et de seigle, quoiqu’à un moindre degré. Les marrons d’Inde, l’absinthe, les feuilles d’artichaut, le laitron des Alpes (Sonchus alpinus), les feuilles des arbres lorsqu’elles tombent dans l’arrière-saison, donnent aussi au lait une saveur amère. Il en est de même pour les chèvres qui mangent les pousses du sureau.

Lait alliacé. Cette sorte de lait est due aux plantes à odeur d’ail, et qui sont très-nombreuses.

Lait sans goût. On prétend qu’il est. fourni par les vaches qui mangent de la Prèle fluviale (Equisetum fluviatile.)

Lait à goût acide. On assure que les feuilles de vigne fraîches donnent à ce liquide un léger goût acide qui n’est pas sans agrément.

Lait salé. Ce lait, selon Twamley, est ordinaire chez les vaches qui n’ont pas porté pendant la saison précédente. Le premier lait extrait est le plus salé ; le goût diminue jusque vers le milieu de la traite, où il disparaît entièrement.

Les autres altérations du lait peuvent être réunies sous la classification suivante :

Lait non coagulable. On a avancé que ce lait était produit par l’ingestion des gousses de pois verts et celle des menthes.

Lait promptement coagulable. Dans ce lait, la matière caséeuse se coagule si promptement, qu’on ne peut recueillir à sa surface qu’une quantité très-légère d’une crème fluide et sans consistance. Cette altération parait produite par un temps orageux, une température trop élevée, des vases de bois dont les pores sont imprégnés de lait qui a tourné à l’état aigre ou acide, ou enfin par la négligence des soins de propreté dans la laiterie, où il s’élève, à la moindre agitation, une grande quantité de particules imperceptibles et très-légères de lait aigri ou de matières fermentescibles qui se déposent sur le lait frais, et le font promptement passer à

agriculture.
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