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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.

en la renouvelant même au besoin, puis on récure fortement partout avec la brosse ; on vide la lessive, on passe et on frotte le vase plusieurs fois dans de l’eau bouillante ; on répète cette opération dans l’eau fraîche, on égoutte, essuie, sèche au soleil et à l’air, et on n’en fait usage que 24 heures après. Au reste, les vases de bois conservent bien le lait ; seulement il s’y refroidit un peu moins vite que dans la terre. Ils ont en outre le mérite d’être peu fragiles et de soustraire en grande partie le lait à l’action des courans électriques qui hâtent sa coagulation.

La terre. Les terrines en terre commune sont très-employées et très-propres à déposer et à conserver le lait. Les meilleures terrines sont d’une pâte compacte, fine, polie, bien cuite et qui ne se laisse pas pénétrer par le lait. Quand la pâte en est légère et poreuse, on les recouvre d’un vernis ; mais il faut éviter avec soin que ce vernis soit à base de plomb, parce que le lait aigri en dissout toujours une petite portion qui peut rendre les produits dangereux pour la santé des consommateurs. On fait d’excellentes terrines et pots à crême avec la poterie dite de grès, surtout avec celle qui est recouverte d’un enduit vitreux salifère et qu’on fabrique près de Briare, à Martin-Camp près Neufchâtel en Bray (Seine-Inférieure), à Sartpoterie (Nord), à Moulet près Charolle (Saône-et-Loire), etc. — En général, les vases de terre sont très-fragiles et, malgré leur bon marché, finissent, quand on en casse beaucoup, par devenir d’un entretien dispendieux. On a essayé avec quelque succès de les doubler en bois pour les rendre plus durables. Les vases de grès ont un autre inconvénient ; c’est de casser très-aisément quand on les plonge dans l’eau bouillante ou quand on en verse dedans sans précaution. On a essayé l’usage des vases de verre, de faïence et de porcelaine, qui sont très-bons, mais trop chers et trop fragiles pour les laiteries ordinaires. La terre de pipe n’est pas d’un emploi avantageux.

Le fer-blanc on fer étamé est très-bon pour faire des terrines, des rafraichissoirs, des vases à transporter le lait, qui s’y refroidit et conserve très-bien, mais qu’il ne faut pas toutefois y laisser séjourner jusqu’à ce qu’il s’aigrisse. Seulement, quand on fait usage de ces vases, il faut avoir l’attention de les remplacer ou de les faire étamer dès que l’étain en a été enlevé, et de les construire de forme hémisphérique au fond, parce que c’est dans les angles et dans les coins que le fer se découvre et se rouille plus aisément, et qu’on a remarqué que la rouille formait une combinaison qui altère à un haut degré le goût et la qualité des produits de la laiterie.

Le marbre, employé dans quelques laiteries de luxe de l’Angleterre et de la Hollande, est d’un prix trop élevé et d’un poids incommode ; il conserve bien le lait, qui toutefois l’attaque et le dissout quand il s’aigrit.

L’ardoise est très-employée dans le centre de l’Angleterre et fournit des terrines qui rafraîchissent et conservent assez bien le lait. La forme angulaire qu’on est obligé de donner aux vases de cette substance, et la jonction imparfaite des pièces assemblées, ne permettent pas de les nettoyer convenablement et laissent souvent filtrer le liquide.

Le plomb, dont on se sert dans le Cheshire en Angleterre, doit être soigneusement banni d’une laiterie, par suite de la facilité avec laquelle le lait aigri l’attaque et le dissout en formant avec lui des combinaisons très-vénéneuses.

La fonte douce étamée et polie a joui longtemps en Angleterre et jouit encore en Écosse d’une grande réputation. Les vases qu’on en fabrique refroidissent promptement le lait, et donnent, dit-on, une plus grande quantité de crême d’un poids égal de lait. Ils sont solides, ne se cassent pas même en tombant d’une grande hauteur, d’un prix modéré, d’une longue durée, faciles à rétablir par un étamage peu coûteux, et fort aisément maintenus propres en les frottant avec de la craie délayée dans l’eau et un tampon de laine ou d’étoupes.

L’étain est employé surtout dans le Gloucester, pour contenir le lait et la crême, et faire les écrémoires. Les ménagères de ce pays assurent que les vases en étain font monter une très-forte proportion de crême.

Le cuivre et le laiton sont les matériaux les plus dangereux dont on puisse faire usage pour déposer le lait. C’est tout au plus si on doit s’en servir pour le transport momentané de ce liquide. Cependant on fait un fréquent emploi du laiton et du cuivre dans les laiteries de la Hollande ; mais il faut, pour qu’il n’y ait nul danger, avoir contracté, comme dans ce pays, l’habitude de la propreté la plus rigoureuse et la plus attentive. Dans le Lodésan on fait aussi usage de vases de cuivre poli et étamé, dont le fond est arrondi pour faciliter le nettoiement qui se répète fréquemment.

Le zinc, employé depuis long-temps en Amérique et dans le Devonshire, paraît appelé en Angleterre à remplacer tous les autres matériaux. Des expériences, qui paraissent décisives, ont constaté jusqu’ici que les vases de zinc donnent une quantité de crême plus considérable que tous les autres. Seulement, jusqu’à ce qu’on ait rassemblé plus de faits précis sur l’emploi de ce métal, il faudra user avec précaution du lait qui aura séjourné long-temps dans ces vases, et ne donner qu’aux animaux le petit-lait qu’on y recueillera, parce que ces produits, qui attaquent évidemment le métal, pourraient bien avoir des propriétés astringentes et émétiques, qui à la longue nuiraient à la santé.

IV. La capacité des vases varie d’une laiterie à l’autre, et suivant les pays. Nous avons déjà fait connaître cette capacité pour plusieurs d’entre eux ; nous ajouterons seulement que les vaisseaux trop grands sont incommodes, et s’ils sont fragiles, qu’ils sont proportionnellement plus dispendieux que les petits. Ceux-ci, à leur tour, établis sur des dimensions rétrécies, sont affectés trop rapidement par les variations de température, et ne donnent pas à la crême le temps nécessaire pour se former. La capacité la plus favorable pour les terrines est celle de 12 à 15 litres, produit moyen d’une bonne vache.

V. Le nombre des vases est également variable dans les divers pays, et dépend d’ailleurs du nombre des vaches et de l’impor-