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chap. 9e.
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DE LA VENDANGE.


seaux soutient le raisin de la main gauche et le coupe de la droite ; il le dépose ensuite dans un petit panier en osier qu’on nomme vendangereau ; si les raisins sont bien mûrs, on recommande de placer le panier dessous le cep, pour ne rien perdre. Dans le pays où les raisins n’ont pas assez de fermeté pour se maintenir en entier et où l’on peut craindre que le jus ne s’écoule en pure perte, au lieu de vendangereau, on se sert d’une petite teille de forme ronde ou ovale (tom. III, p. 5, fig. 3 et 4), faite en sapin ou autre bois léger ; dans la première il existe une douve plus longue avec un trou pour saisir le vase et faciliter le transport ; dans la seconde on laisse deux douves pareilles vis-à-vis l’une de l’autre, dans lesquelles on passe une ficelle ou petite corde qui sert d’anse. On peut y adapter aussi une anse en osier ou autre bois flexible.

Lorsque les vendangeurs sont introduits devant la vigne, on les range sur une même ligne, faisant face aux ceps, et chacun d’eux s’avance droit devant lui, coupant tout ce qui se présente, jusqu’au bout de la pièce de vigne, où chacun retourne dans le même ordre, pour revenir au point où il est parti, si cela est nécessaire. Lorsque les paniers ou les seaux sont pleins, des porteurs, qu’on nomme vide-paniers, versent les raisins dans des grands paniers ou des hottes en bois qui sont placés derrière les vendangeurs et près des sentiers. Lorsque les vignes sont autour de la maison ou cuverie, les raisins sont portés dans ce bâtiment par les hommes qui les chargent sur leurs épaules, s’ils sont en paniers, ou les portent sur leur dos, au moyen de bretelles, s’ils sont déposés dans des hottes ou tendelins. Lorsque les vignes sont éloignées, on vide les paniers dans un cuvier de forme ovale, arrangé sur une voiture ou charrette, et qu’on nomme balonge. Ces voitures, attelées d’un ou deux chevaux, suivant la capacité de la balonge, transportent le raisin au pressoir, bâtiment plus ou moins spacieux où sont placées les cuves. Quelquefois on place les paniers sur des charrettes, et on les empile les uns sur les autres. Mais de tous ces moyens de transport, le meilleur est celui à dos d’homme ou bien à dos de mulet, quoiqu’ils ne soient pas toujours praticables. Les balonges et les hottes sont bonnes pour les raisins qui ne donnent que des vins communs, tandis que, pour les vins fins, les vins blancs mousseux, faits avec les raisins noirs, on ne saurait prendre trop de précautions pour qu’ils arrivent intacts de la vigne à leur destination.

M. Bouscaren a proposé, pour transporter la vendange, l’emploi d’une toile forte qui, relevée devant, derrière et sur les côtés, se place sur une charrette comme un hamac de matelot ; elle est fixée par des ficelles ou petites cordes à des têtières ou ridelles qui sont elles-mêmes fortement maintenues sur la charrette et bridées de manière à ce qu’elles ne puissent pas se rapprocher. Au-dessous de la toile on établit un bon lit de paille pour que le fond n’éprouve aucun frottement ; cette toile ainsi disposée devient raide et imperméable à l’eau, en ayant soin de l’arroser plusieurs fois deux jours avant de s’en servir. Depuis trois ans, une semblable toile remplace avec avantage, chez M. Bouscaren, une cuve en bois et coûte moitié moins ; elle ne fuit pas, elle est moins pesante qu’un vase en bois, et avec son secours, 2 mules portent 10 hectolitres de vendange. Cette méthode de transport me paraît digne de fixer l’attention de ceux qui fabriquent des vins de primeur, et qui ont intérêt à ce que les raisins arrivent dans un étal intact à la cuverie. Cette toile réunit, à l’avantage d’une longue durée, celui de se conserver d’une année à l’autre sans se détériorer ni prendre de mauvais goût, comme les vaisseaux qui demandent tous les ans de nouvelles réparations. On pourrait garnir avec cette toile les paniers à vendange et des tombereaux suspendus dans le genre des seaux à incendie, et on remarquait a l’exposition de l’industrie française en 1834 des seaux en toile à voiles, fabriqués à la mécanique par M. Guérin, qui, remplis de liquide, n’en laissent pas échapper une seule goutte et qui seraient encore propres à la récolte de la vendange. Mais dans tous les cas on doit mettre la plus stricte économie dans l’achat de ces sortes d’ustensiles, et les dépenses de ce genre qui sont un peu élevées ne conviennent guère qu’à de riches propriétaires ou à ceux qui fournissent des vins de prix. Le revenu de la vigne est si éventuel dans le centre et dans le Nord de la France qu’on ne doit pas s’étonner que les petits propriétaires abandonnent la culture du plant fin et préfèrent la quantité à la qualité Les accidens et les maladies auxquels la vigne est sujette, la rareté des bonnes années, la concurrence des vins du Midi, enfin le manque de débouchés ont porté un préjudice notable au commerce des vins fins de Bourgogne, Champagne, Bordeaux, etc.

§ IV. — Epoque de la vendange, triage et autres soins.

La vendange se fait du 8 au 20 septembre dans le Médoc, les départemens de l’Hérault, des Bouches-du-Rhône et dans presque tout le midi ; dans ceux de l’Indre et de la Loire, de Loir-et-Cher, du Loiret, de la Marne, de la Côte-d’Or, de Saône-et-Loire, de l’Yonne et les autres départemens, sauf quelques exceptions que je ferai connaître en passant en revue les diverses qualités de nos vins, on commence la récolte du 20 au 30 septembre dans les années précoces, et plus ou moins avant dans le mois d’octobre si l’année est tardive. Ainsi il y a peu de différence entre le Nord et le Midi, ce qui ne doit pas étonner si on considère que dans le Midi la végétation de la vigne est suspendue par la sécheresse et les grandes chaleurs de l’été, et qu’elle ne reprend d’activité qu’aux premières pluies, ou lorsque les nuits devenant plus longues, les rosées sont plus abondantes ; en revanche, dans le Midi, les raisins ont presque toujours atteint leur maturité et les beaux jours que l’on peut encore espérer, permettent d’attendre le moment le plus favorable à cette opération. Dans le centre et le Nord surtout, on est forcé de cueillir avant la maturité complète, parce qu’on a déjà des nuits froides et qu’on peut craindre les pluies continuelles et les gelées, qui nuisent surtout aux raisins qui sont encore verts. Le meilleur remède à cet incon-