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TITRE DEUXIÈME. — produits des végétaux.


CHAPITRE IX. — de la fabrication des vins.

Section 1re . — Du vin et de sa nature.

Sous la dénomination de vins prise dans l’acception la plus stricte de ce mot, on comprend les boissons ou liqueurs obtenues par la fermentation du moût ou suc de raisins. Les chimistes modernes ont généralisé cette expression et comprennent dans la classe des vins toute liqueur sucrée qui a subi la fermentation vineuse. Cette extension scientifique a jeté de la confusion dans la classification des vins et donné à la fraude des moyens nouveaux pour altérer les qualités des vins proprement dits, et les faire déchoir de leur ancienne réputation. Elle a contribué à donner une nouvelle direction au goût des consommateurs et par conséquent à nuire aux intérêts du commerce qui fait la principale richesse des contrées viticoles de nos départemens.

Le but que je me propose dans ce résumé, est d’exposer tous les faits avérés par la pratique et d’en tirer des règles générales applicables à chaque localité, au moyen de taies calculées d’après la composition élémentaire du moût du suc exprimé du raisin. Je donnerai aussi la description et l’usage des instrumens qui doivent former le laboratoire de l’œnologue ou œnotechnicien fabricant de vin. On verra dans ce travail ce qui a été fait et on jugera par-là qu’il reste encore beaucoup à faire pour compléter l’art de la vinification.

Section II. — Division ou distinction générale des vins.

Il existe un très grand nombre de variétés de vins qui diffèrent entre eux par la couleur, le bouquet ou parfum, la saveur et la consistance.

Couleur. Les vins sont en général blancs ou rouges, suivant qu’ils proviennent de raisins blancs ou noirs. L’intensité de couleur varie ; les uns sont rosés, pelure d’ognon, les autres d’un rouge vif ; quelques-uns, nommés teinturiers, sont même d’un rouge brun foncé, et sont employés aujourd’hui en grande quantité pour colorer des mélanges de vins rouges et blancs. Paris est sans doute le lieu où il se fait la plus grande consommation de ces derniers vins.

Saveur et consistance. Les vins sont liquoreux ou secs. Les vins liquoreux et doux sont ceux dans lesquels le suc n’a pas été décomposé complètement ; ils sont plus ou moins forts et spiritueux ; tels sont les vins de Frontignan, Lunel, Rivesaltes, Condrieux, etc. ; ces vins en outre ont en général une saveur particulière due aux raisins d’où ils proviennent et qui sont de la classe des raisins muscats, et plus de consistance que les autres vins. Les vins secs sont ceux dans lesquels tout le sucre a disparu. Cette classe, divisée par Julien en vins secs proprement dits et en vins moelleux, comprend un grand nombre de variétés de liquides, depuis les vins fins ou de choix jusqu’aux vins les plus communs.

Les vins mousseux, sont des liquides ordinairement blancs, dont la fermentation a été incomplète et qui ont retenu en combinaison de l’acide carbonique lequel, en se dégageant, donne naissance à une mousse blanche qui s’élève sur le vin en produisant une sorte d’ébullition ou effervescence qui fait le principal mérite des vins de Champagne et de ceux qu’on traite par des procédés analogues.

Telles sont les trois qualités principales qui résultent du travail par la fermentation. Dans le commerce on distingue les vins par le nom du pays et du clos de vigne qui les produit ; ainsi on dit vins de Bourgogne, de Champagne, de Bordeaux, du Midi, du clos Vougeot, de Château-Laffitte, d’Arbois, etc.

Les qualités du raisin, et par conséquent celles des vins, dépendent de plusieurs circonstances dont il est important de tenir compte, telles que la nature du sol et du sous-sol, le climat, l’exposition, le mode de culture, la variété ou espèce de cépage, et la marche des saisons aux époques qui ont la plus grande influence sur la formation et la maturité du fruit. Il est peu de pays où ces observations aient été faites avec soin et la statistique œnologique de l’arrondissement de Beaune par le docteur Morelot est, à notre avis, un travail qui mérite une attention particulière sous ce rapport. Il serait à désirer que ce savant archéologue et viticole ait des imitateurs, surtout dans nos vignobles les plus renommés ; on parviendrait ainsi à se procurer pour chaque localité des renseignemens certains sur l'influence des circonstances favorables à la production. J’aurais encore voulu trouver dans cet intéressant ouvrage des analyses quantitatives des sucs de raisins de diverses qualités. Ce sont des renseignemens de la plus haute importance quand on compare les différens vins, ainsi que l’influence des causes locales ou accidentelles et des méthodes de vinification.

Les opérations principales pour la confection des vins sont : la récolte des raisins ou vendange, — l’égrappage, — le foulage, — la mise en cuve ou cuvage, — la cuvaison ou marche de la fermentation, — le décuvage, — le pressurage, — l’entonnaison, — la mise en cave et les soins à prendre jusqu’à ce que le vin soit refroidi et jusqu’au premier soutirage. À cette époque le vin est fait, mais il n’est pas encore prêt à boire ; il exige pour se parfaire et se conserver d’autres opérations non moins importantes que les premières.

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