Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
liv. iv.
Arts agricoles : éducation des abeilles.

Pour faire la récolte du miel dans cet appareil on enlève la boîte octogone qui recouvre la cloche en verre, on passe entre celle-ci et la planche mobile qui recouvre le pavillon central un fil de métal pour détruire l’adhérence qui existe entre ces 2 parties, puis on glisse une feuille de fer-blanc sous la cloche et on l’enlève. On transvase le produit, on replace la cloche sur le pavillon et on tire la feuille de fer-blanc pour rétablir la communication. Il faut faire attention dans cette opération de ne pas enlever la reine dans la cloche, et s’il en était ainsi, ce qu’on reconnaît facilement à l’agitation des abeilles qui viennent se grouper sur cette cloche il faudrait replacer celle-ci et attendre un autre moment favorable et un beau jour pour faire la récolte. Quand on a opéré avec succès on place doucement la cloche à l’ombre, à 12 ou 15 mètres de la ruche, en la couvrant d’une étoffe noire et la soulevant un peu pour permettre la sortie des abeilles qui ne tardent pas à l’abandonner et à retourner à la ruche-mère.

On en agit de même quand on veut récolter le miel des boîtes latérales ; seulement il faut, la nuit qui précède cette récolte, ouvrir en entier les portes F qui ferment les faux tiroirs, pour que les abeilles, frappées par le froid, émigrent dans le pavillon du milieu où la température est plus élevée.

Un des points les plus curieux de la nouvelle méthode de M. Nutt est l’emploi de la ventilation et du thermomètre dans le gouvernement des abeilles. Cet habile apiculteur avait remarqué, ainsi que beaucoup d’autres observateurs l’avaient fait avant lui, que les abeilles, surtout dans les temps chauds, agitaient continuellement leurs ailes sans changer de place et avec vivacité pour rafraîchir l’intérieur de la ruche et y opérer une douce ventilation. L’abbé Della-Rocca, afin de prévenir l’élévation de température qui a lieu quelquefois dans les ruches, soit par suite de la chaleur de l’air intérieur, soit par l’accumulation de la population, avait conseillé de procurer cette ventilation en pratiquant dans la ruche quelques ouvertures pour aérer les abeilles, mais il ignorait le parti avantageux qu’on peut retirer d’une ventilation bien entendue et c’est ce que M. Nutt paraît avoir observé avec soin et mis à profit. Afin de régler la température dans l’intérieur de la ruche, M. Nutt se sert d’un thermomètre qu’il suspend dans le tuyau de fer-blanc perforé M (fig. 176) ; ce tuyau est placé sur l’ouverture Z pratiquée au sommet des boîtes latérales et s’appuie, au moyen de la plaque carrée qui le surmonte, sur la gorge pratiquée sur cette ouverture. Le tout est recouvert du tampon X qui est mobile, de manière qu’en le soulevant on puisse lire le degré marqué par le thermomètre. La règle générale est de ne pas laisser la température intérieure de la ruche tomber au-dessous de 20° C. (16° R.) et monter au-delà de 25 à 30° C. (20 à 24° R.), qui est celle qui convient le mieux aux abeilles. Dès que cette dernière est dépassée, il faut ventiler en ouvrant le couvercle X ; il s’établit alors un courant d’air qui entre par les faux tiroirs, traverse la ruche et vient sortir par l’ouverture supérieure des boîtes. En hiver, où les abeilles doivent être engourdies, une température même assez basse ne leur est pas nuisible ; il ne faut pas craindre de placer la ruche dans un lieu sec, tranquille et d’une température constamment froide.

Voici maintenant les avantages que procure une ventilation ménagée avec soin, suivant les expériences de M. Nutt.

L’air est renouvelé dans l’intérieur de la ruche et la chaleur y est modérée ; les abeilles en sont plus vives et plus actives, et ne sont pas obligées d’employer leur temps à battre des ailes ou forcées de passer en dehors de la ruche, en grappes ou en boules, pendant 20 à 30 jours de la plus belle saison, le temps que, dans le nouveau mode, elles emploient en travaux utiles et productifs pour l’homme.

L’essaimage ayant lieu, suivant la plupart des observateurs, par suite de la haute température qu’une population abondante produit au sein de la ruche, on prévient aussi par la ventilation la fuite des essaims, surtout quand on augmente en même temps l’étendue de la demeure des abeilles.

En donnant de l’air frais à la ruche par les boîtes latérales, on contraint la reine à demeurer constamment dans le pavillon central, où elle continue à procréer et où se trouve la température la plus favorable à la ponte et à l’éducation des larves. Les autres travaux de la ruche n’exigeant pas une température aussi élevée, les abeilles ne déposent dans la cloche et dans les boîtes latérales que du miel et pas de pollen qui, étant destiné à la nourriture du couvain, est transporté par elles dans la boîte du milieu ; ce qui donne un produit de meilleure qualité et fort abondant.

M. Nutt qui, dans son ouvrage, a donné un journal assez exact de ses observations sur l’effet de la température et le produit dans les ruches de son invention, fait connaître qu’en 1826 un seul essaim d’abeilles lui a donné en plusieurs récoltes le produit énorme de 296 livres anglaises (134 kilog.) de miel, savoir : le 27 mai, une cloche de 12 livres et une boîte de 42 livres ; le 9 juin, une boîte, 56 livres ; le 10 juin, une cloche, 14 livres ; le 12 juin, une boîte, 60 livres ; le 13, une boîte, 52 livres ; et en juillet une boîte, 60 livres ; en tout 296 livres. Mais il n’a pas fait connaître quelle était approximativement la population de son rucher, la qualité et l’abondance du nectar qu’on trouve dans le canton où il était placé, élémens qui auraient permis d’établir avec plus d’exactitude le surcroît de produit uniquement dû à sa ruche et à sa méthode de gouvernement des abeilles, ainsi que les avantages qu’elles présentent l’une et l’autre sur celles déjà en usage. Dans tous les cas cette méthode mérite qu’on l’essaie en France, en faisant usage du même appareil, afin de confirmer ou d’apprécier avec certitude les succès qu’elle a présentés entre les mains de l’inventeur.

F. M.
fin du titre premier