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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES ABEILLES.


fortifiés par un petit cordon de cire. Les rayons ont ainsi 11⅓ lignes d’épaisseur. Ils sont destinés : 1o à élever des ouvrières auxquelles ils servent de berceau, 2o à y placer du miel et du pollen. Mais s’il existe dans l’habitation des parties qui ne sont pas propres à la première destination, les ouvrières font des alvéoles qui varient de longueur suivant l’emplacement et qui peuvent avoir jusqu’à un pouce de profondeur. Elles terminent quelques rayons des côtés par des alvéoles de même forme que les 1ers, mais de 6½ lignes de profondeur sur 3½ lignes de diamètre, ce qui réduit un peu la distance entre les rayons qui est généralement de 4 lignes. Ces alvéoles sont destinées à l’éducation des mâles et servent ensuite de magasin.

Les ouvrières laissent au milieu des rayons du centre, pour le passage d’un rayon à l’autre, une ouverture d’environ 1½ pouce à 2 pouces dans laquelle elles construisent des alvéoles qui ont en dedans un pouce de longueur sur 3½ lignes de large ; ces alvéoles sont ovales-oblongs, très-polis dans l’intérieur, et leurs parois ont plus d’une ligne d’épaisseur ; ils sont isolés, verticaux, ont l’ouverture en bas et suspendus de manière à figurer la cupule du gland avec son pédoncule, lorsqu’ils ne sont faits qu’à la moitié de leur longueur, ce qui a toujours lieu jusqu’à la ponte dans ces alvéoles. Ils servent de berceau pour les reines ou mères qui peuvent y développer facilement tous leurs organes.

Les ouvrières concourent en commun à tous ces travaux et s’entr’aident. On en voit en outre qui se mêlent dans leurs rangs uniquement pour leur donner de la nourriture en dégorgeant le miel de leur estomac sur leur trompe.

Indépendamment de ces alvéoles, les ouvrières font quelques travaux accidentels. Si des ennemis plus forts et plus gros les attaquent de temps à autre, elles bouchent l’ouverture de l’habitation et n’y laissent que quelques trous suffisans pour leur entrée et leur sortie. Un gros insecte ou un petit quadrupède vient-il à s’introduire dans l’habitation, elles l’attaquent, le tuent, et ne pouvant le traîner dehors, elles l’enveloppent d’une couche de cire suffisante pour arrêter la putréfaction, ou au moins pour empêcher les miasmes putrides de corrompre l’air de la ruche. Elles s’entendent pour tous ces travaux et se reconnaissent si bien malgré leur grand nombre, qu’une ouvrière étrangère qui entrerait dans l’habitation serait attaquée et tuée sur-le-champ, si elle ne pouvait s’échapper.

Pour se procurer les matériaux et les approvisionnemens nécessaires, des ouvrières sortent, au printemps, depuis l’aurore jusqu’au crépuscule ; mais pendant les chaleurs fortes de l’été, elles restent sédentaires de midi à deux ou trois heures.

[8.1.5]

§ V. — Ponte, incubation, larves, nymphes.

Si la mère abeille est fécondée, elle commence tout de suite sa ponte. Si elle ne l’est pas, elle s’élance dans les airs de 11 à 3 heures, pour rencontrer un mâle. Elle rentre une demi-heure après avec les organes du mâle qui se sont détachés de son corps par l’effort que la femelle a fait pour s’en séparer après la fécondation, opération qui suffit au moins pour un an. Elle commence sa ponte 2 jours après. C’est alors qu’elle devient souveraine de l’habitation. Vierge, les ouvrières ne paraissaient y faire aucune attention ; féconde, elles lui donnent une garde qui l’accompagne partout, et de temps en temps une ouvrière vient lui fournir sa nourriture, qu’elle a l’art de varier, soit pour rendre cette reine plus féconde, soit pour diminuer sa ponte, soit pour la faire cesser. Cette ponte continue en France jusqu’à l’automne, et elle se prolonge même plus tard si, la saison étant belle, les abeilles trouvent du nectar et du pollen. Mais si elles ne pouvaient recueillir que de la miellée, elles arrêteraient la ponte, après avoir consommé leurs provisions de pollen, cette substance leur étant indispensable pour la nourriture de leurs petits.

La mère fait sa ponte en se promenant sur les rayons, en enfonçant son abdomen pour y déposer un œuf dans les alvéoles, après les avoir examinés pour s’assurer qu’ils sont propres. L’incubation ne dure que 3 jours, à raison de la chaleur du centre de l’habitation qui est de 27 à 29° R. (34 à 36° cent.). Il sort de ces œufs un petit ver (fig. 159) sans pieds, blanc, mou et ridé, et roulé sur lui-même : on le nomme larve. Des ouvrières s’empressent de lui apporter une nourriture consistant en une bouillie composée de miel et de pollen dont elles varient les proportions suivant l’âge de cette larve.

La larve prend tout son accroissement en 5 à 6 jours. Alors les ouvrières bouchent l’alvéole avec une couche mince et un peu bombée de cire. La larve renfermée garnit son alvéole d’une toile fine à laquelle elle travaille 36 heures. Trois jours après, elle est métamorphosée en nymphe très-blanche, et 7½ jours ensuite, ou 20 jours après la ponte, en insecte parfait ou abeille ouvrière, époque à laquelle elle sort de l’alvéole après en avoir crevé le couvercle. — Des ouvrières la brossent sur-le-champ, lui donnent de la nourriture et nettoient l’alvéole dont elles ne détachent pas la toile. Il en résulte que ces toiles s’accumulant par des pontes successives dans les alvéoles du centre, ceux-ci diminuent ainsi d’étendue au point d’être réduites de ¼ et même de ⅓, et que les dernières ouvrières élevées dans ces alvéoles sont plus petites que les premières. D’où il suit que, passé la 1re année, les ouvrières varient plus ou moins de taille et de grandeur. — Vingt-quatre à 36 heures après la sortie de l’alvéole, la jeune ouvrière peut se livrer aux mêmes travaux que ses compagnes et aller dans la campagne.

Lorsque la saison continue à être favorable pour la cueillette du nectar et du pollen, le ventre de la mère s’alonge beaucoup et elle commence une ponte d’œufs de mâles. Les ouvrières traitent les larves des mâles avec les mêmes soins que celles des ouvrières. Cependant ces larves mettent 5 jours de plus pour devenir insectes parfaits. La ponte des