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dont le beau lustre est souvent altéré par l’impureté des eaux ou par la chaleur qu’elles éprouvent dans une bassine exposée à feu nu, et dont il était très difficile de régler convenablement la température. La tireuse n’est plus incommodée par la chaleur du foyer et par la vapeur du charbon qui s’en dégage, et la tourneuse, qui n’est plus chargée de l’entretien du feu, peut donner tout son temps et son attention à son travail. Quand on ne fait pas usage de l’appareil Gen- soul, ou bien quand il faut renouveler dans celui-ci l’eau des bassines, on doit avoir l’attention de se servir d’eau pure, légère et douce. Les eaux de riv- ière et de pluie sont les plus convenables pour le tirage. Celles qui sont crues et dures forment avec la gomme une sorte de savon calcaire qui se précipite sur la soie, la rend dure et nuit à la perfection de ce brillant produit. La chaleur de l’eau dans les bassines doit être de 75° de Réaumur pour faire la battue ; mais une fois que les bouts ont été trouvés et croisés, on abaisse cette température à 65° ou 70° au plus, qui est celle à laquelle on doit continuer le tirage. Cette chaleur suffit d’un côté pour ramollir la gomme et pour dérouler le fil, et de l’autre pour lier les brins tirés ensemble et n’en faire qu’un seul fil. Les cocons doubles exigent pour leur dévidage une tempéra- ture plus élevée. 4° Conditions pour un bon tirage. La machine dont on fait usage pour tirer la soie se nomme, avons-nous dit, un tour Les mécaniciens ont inventé plusieurs machines de cette espèce ; mais la plus généralement répandue est celle qui porte le nom de tour de Piémont avec les perfectionne- menys que Vaucanson, Villard, Tabarin et autres ont apportés à sa construction. Avant de décrire cette machine, disons un mot des conditions qu’il faut remplir pour obtenir un bon tirage. La soie est ordinairement dévidée en fils ou bouts composés d’un certain nombre de brins ou fils de cocons réunis, arrondis et agglutinés par la chaleur et les différents frottements auxquels on les soumet. La fileuse file ordinairement 2 de ces bouts à la fois. Tirés à part d’abord, ils sont ensuite croisés entre eux un certain nombre de fois, et enfin écartés et enroulés séparément sur l’asple ou dévidoir du tour. Voici les conditions principales : Le fil doit, autantquepossible,êtreparfaitementégaldanstoute son étendue. Pour cela il faut que la fileuse rattache avec soin les brins cassés, qu’elle fournisse de nou- veaux cocons à mesure qu’il y en a qui sont épuisés par le dévidage. Comme les brins de soie sont plus faibles et plus déliés vers la fin qu’au commence- ment, elle doit, quand les cocons tirent à leur fin, augmenter le fil d’un ou deux nouveaux brins pour lui rendre la force et l’épaisseur qu’il commence à perdre à mesure que le dévidage avance. Soute- nir l’égalité du brin est une des principales qualités d’une bonne fileuse. Lacroisuredesfilsdoitêtreégale,régulièreetsou- tenue. La croisure est d’une nécessité absolue pour unir d’une manière inséparable les brins qui for- ment les fils, pour en détacher une grande quan- tité d’eau qui se dissipe en vapeur, pour que ces fils sèchent plus promptement sur l’asple, et que chacun d’eux ne se colle pas quand on fait monter l’une sur l’autre ses diverses circonvolutions. Par la croisure, les fils acquièrent le nerf et la force néces- saires pour être mis en œuvre et la consistance qui les rend propres à l’usage auquel on les destine. En outre, elle rend les soies nettes, les déterge, les arrondit également comme pourrait le faire une fil- ière, de façon qu’il ne passe ni bouchon, ni bavure, ni aucune inégalité de grosseur, conditions néces- saires pour former de bonnes soies ouvrées et de beaux tissus. Enfin c’est elle qui, par le frottement en hélice qu’elle fait éprouver aux fils, les empêche de se rompre, de s’écorcher et de devenir bourrus. On croise 18 à 23 fois et plus les soies les plus fines, et un plus grand nombre de fois, à proportion de leur grosseur, les soies communes. Les circonvolutions des fils, en se déposant sur l’asple, ne doivent pas se coller les unes aux autres, ce qui rendrait l’opération subséquente du dévidage impossible ou au moins occasionerait un déchet considérable. La soie, en sortant de la bassine, est enduite de sa gomme amollie par la chaleur, et si les divers tours que le fil fait sur l’asple se touchaient dans leur longueur, ils se colleraient, ce qu’en terme de l’art on appelle bouts baisés. On a évité cet incon- vénient dans le tour piémontais et dans tous ceux qu’on a proposés depuis sur son modèle, au moyen d’un mécanisme particulier appelé va-et-vient, que nous expliquerons plus bas, et qui constitue le réglage, c’est-à-dire qui fait enrouler le fil en zig-zag sur l’as- ple, de manière que ce fil se distribue sur une partie de la longueur de cet asple et ne vient se coucher de nouveau sur l’écheveau qu’après un certain nombre de révolutions. Il faut éviter le vitrage ; on donne ce nom à un arrangement vicieux des fils sur l’asple causé par le mouvement trop souvent répété du va-et-vient, qui ne donne pas à ces fils un temps suffisant pour sécher avant qu’on puisse coucher dessus un nou- veau fil. On remédie aisément à ce défaut en modi- fiant le mécanisme. Ainsi, dans les anciens tours du Piémont, le fil ne repassait sur lui-même qu’après 875 révolutions de l’asple ; dans les nouveaux tours, ce nombre ayant paru trop limité, il ne se croise plusainsiqu’après2601révolutions,nombrebien suffisant pour lui donner le temps de sécher. On voit donc que cette disposition des fils facilite le sec- ond dévidage, prévient les ruptures et par suite les nœuds qui rendent les fils inégaux dans leur gros- seur, nuisent à la beauté de l’organsin, au tissage régulier et à la perfection des étoffes. La fileuse doit faire attention qu’il ne se forme pas de mariages. En terme d’art, on donne ce nom à un défaut qui provient souvent de la croisure ou de bourillons qui montent, ou bien de ce qu’un des fils étant plus fort que l’autre, le fait casser et l’en- traîneavecluisurlemêmeécheveau,cequiforme