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donner aux agriculteurs une idée

148 ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS À SOIE LIV. IV. des travaux auxquels il faut se livrer pour filer et préparer la soie. § ier. — Du tirage de la soie. 1° Opérations qui précèdent le tirage. Le cocon, tel qu’on le recueille sur les rameaux, après que le ver a terminé son travail, se com- pose à l’extérieur d’une certaine quantité de fils, jetés dans diverses directions, et formant un réseau lâche, mou, transparent, auquel on a donné le nom de bourre, qu’on peut dévider, et qui, lorsqu’il est enlevé, laisse un corps ovoïde, creux, ferme et élas- tique, formé d’un fil continu, peloté régulièrement, dont la longueur varie de 227 à 357 mètres (700 à 1100 pi.). C’est cette partie du cocon, lorsqu’elle est dévidée, qui porte exclusivement le nom de soie. La 1re chose à faire quand on a recueilli les cocons ou quand on les a reçus, c’est de faire périr les chry- salides afin qu’elles ne se transforment pas en pap- illons et ne percent pas le cocon, ce qui lui enlève- rait toute sa valeur. Cette opération, à laquelle on donnelenomd’étouffage,adéjàétédécriteparnous, et nous avons donné (p. 141) les diverses méth- odes qui ont été proposées dans ce but, telles que l’emploi des gaz délétères, de l’eau bouillante, du camphre, de la chaleur des fours, des étuves, etc. Nous n’avons donc plus à nous en occuper ici : Une fois que les chrysalides ont été étouffées, on doit, aussitôt qu’on le peut, dévider les cocons ; mais cette opération étant impossible à exécuter en même temps sur un grand nombre de cocons, sur- tout quand on se livre un peu en grand à l’éduca- tion des vers à soie, il faut alors porter ceux-ci au grenierpourlesfairesécherparfaitement,afinqueles animaux morts qu’ils renferment ne se corrompent pas dans la coque et ne gâtent pas la soie. Avant deprocéder au tirage, il est essentiel de faire une opération qu’on nomme triage, et qui consiste à classer les cocons suivant leurs qualités. Ce triage est d’autant plus nécessaire qu’il sert à séparer les diverses qualités de soie suivant qu’elles sont propres à la fabrication de telle ou telle étoffe ou de telle partie des tissus, il contribue à maintenir la bonne réputation de la soie des magnaneries où il est pratiqué avec soin et bonne foi. Dans le triage, les cocons appelés doupions, c’est-à- dire ceux qui renferment deux chrysalides dans un seulcocon,ceuxqu’onnommechiquesoufalloupes, ou dont les vers sont morts avant d’avoir accompli entièrement leur travail ; les cocons tachés, percés, et en un mot, tous ceux qui diffèrent des autres par des accidents particuliers, sont d’abord mis soign- eusement de côté pour en former une soie à part, ou de la filoselle. Les fileurs soigneux séparent aussi les cocons des divers pays et localités ; car la variété des exposi- tions, l’état du sol, de la culture, de l’atmosphère, le régime, etc., ont une très grande influence sur les qualités de la soie. Par exemple, dans les pays où l’air est pur, sec et un peu raréfié, le cocon est plus grenu et a plus de densité, en même temps que le brin est plus fort. Dans les localités basses, au contraire, le cocon est plus gros, la soie en est plus grossière ; elle est à un titre moins élevé, et a une force relative moins grande. Dans cet état, on lui donne la préférence pour la trame, tandis que la première est plus propre pour la chaîne. On peut mettre ensuite à part les cocons blancs, puis classer les autres suivant leurs couleurs et qualités. Ce triage se fait le plus communément par 3 qual- ités différentes : 1° les cocons fins ou ceux dont le tissu présente une superficie à grains très fins ; 2° les demi-fins, dont le grain est plus lâche et plus gros ; 3° les cocons satinés qui n’ont pas de grain et dont la surface est mollasse et spongieuse. Chacune de ces qualités est jetée dans une manne d’osier par- ticulière. Si on ne procédé pas tout de suite au tirage des cocons, il faut les reporter au grenier sur des clay- ons, les y retourner et visiter tous les 2 ou 3 jours, afin de prévenir la fermentation, et pour empêcher qu’ils ne soient attaqués par les rats ou les insectes. Quand on veut dévider la soie des cocons, on com- menceparlesdébarrasserdelabaveoubourrequi les enveloppe, ce qui se fait de la manière la plus simple, en enlevant à la main cette bourre, jusqu’à ce qu’on parvienne à cette partie du cocon où le fil se trouve peloté régulièrement. 2° Appareil de tirage. Le tirage de la soie, avons-nous dit, consiste à développer le fil du cocon dans toute sa longueur ; or, on ne peut dérouler le peloton qu’en faisant dis- soudre une matière gommeuse qui enduit le fil et collel’uneàl’autrelesdiverszigzagsqu’ilforme. L’eau froide n’ayant pas une action suffisante pour opérer cette dissolution, il faut avoir recours à l’eau élevée à une certaine température. Cette tempéra- ture varie avec l’état des cocons, et on la détermine selon leur âge, leur dureté, leur finesse, la qualité et la destination de la soie. Les cocons, récemment récoltés, dont la gomme n’est pas encore endur- cie, ne demandent pas une eau très chaude, tandis que les vieux cocons creux, secs et serrés, exigent presque de l’eau bouillante. L’eau trop chaude nuit beaucoup à l’éclat de la soie. Le fil du cocon est si délié et offre si peu de résistance ; qu’en cet état il ne pourrait guère être employédanslesarts:onestdoncobligéd’en réunir un certain nombre qu’on tire ensemble. La gomme qui liait les circonvolutions du peloton, ramollie dans le bain d’eau chaude, sert alors à unir les différents brins qu’on file ensemble, et à donner à ce nouveau fil, lorsqu’il est sec, une consistance et une union qu’on ne peut plus altérer, même par l’eau, a moins qu’elle ne soit bouillante. — Non seulement le tirage à l’eau chaude donne aux brins de l’adhérence entre eux, mais par suite du ramol- lissement de la partie gommeuse et des divers frotte- ments combinés que la soie éprouve, celle-ci acqui- ert de la rondeur, de l’égalité et un aspect lisse et

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