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Autres moyens de conserver les viandes. Lorsqu’on prépare le charbon de bois en vases clos, c’est-à-dire en soumettant du bois renfermé dans des vases de métal, à l’action du feu, et en recueillant les produits de la distillation, ainsi que nous l’indiquons plus loin, on obtient un produit liquide qu’on a nommé acide pyroligneux et qui est en grande partie composé d’acide acétique, d’hu- iles empyreumatiques et de goudron. Cet acide, surtout par la créosote qu’il contient, possède à un haut degré des propriétés antiseptiques, et est par conséquent éminemment propre à conserver les substances animales. De la viande plongée pendant quelque temps dans l’acide pyroligneux et séchée à l’air libre, ne manifeste plus de tendance à se pour- rir ; elle perd en partie, au bout de quelques jours, l’odeur des huiles empyreumatiques et ressemble à de la chair boucanée ; seulement elle se dessèche davantage, gonfle moins à la cuisson et est moins tendre. M.sanson a proposé d’apprêter en peu de moments la viande qu’on veut conserver, en la plongeant dans une saumure faite avec de la suie brillante, qu’on peut recueillir près du foyer. Les essais qui ont eu lieu à Munich, en 1824, ont con- staté, en effet, qu’un jambon de 8 livres dont la préparation avait duré seulement 8 heures, ouvert au bout de 1 1⁄2 mois, avait été trouvé parfaitement conservé. La saumure se fait en délayant une par- tie de fumée dans 6 parties d’eau froide. Quelques minutes seulement, d’après ce procédé, suffisent pour préparer les petites pièces, telles que langues, saucisses, etc. Il paraît aussi qu’on a par là l’avan- tage sur la fumigation ordinaire de mieux conserver le poids, le volume et le suc des viandes, et de pou- voir faire cette sorte de préparation dans toutes les saisons de l’année ; mais on ne peut nier que par ce moyen de conservation la viande n’acquière une amertume et une âcreté auxquelles il est difficile de s’accoutumer, et qui, même d’après les découvertes de la chimie moderne, pourraient bien avoir une influence dangereuse sur la santé, si on consommait en grande quantité les viandes ainsi préparées. On peut avantageusement employer la dessic- cation à la conservation des viandes, et des essais de cette nature, pour rendre la viande des ani- maux propre à servir aux approvisionnements de la marine et de l’armée, avaient été tentés depuis longtemps ; mais un des procédés les plus simples en ce genre est celui proposé par M. FriChou, et qui consiste à soumettre les viandes à la dessiccation au moyen d’un courant d’air, élevé à une tempéra- ture de 20° à 25°, qui leur enlève l’eau qu’elles con- tiennent. La partie principale de l’appareil que M. FriChou a proposé pour dessécher les viandes, est un conduit horizontal ayant intérieurement 1 m 20 de hauteur, 0m80delargeet10à12mèt.delong.Auplafond, on place une suite de tringles de fer glissant dans des coulisses et portant des crochets pour suspendre les viandes. Celles-ci entrent par une extrémité et sortent par l’autre, en traversant l’appareil dans toute sa longueur, de sorte que l’opération est continue ; les ouvertures sont hermétiquement fermées par des portes. À la partie antérieure on fait arriver un courant d’air au moyen d’un ventilateur ordinaire ou de toute autre machine soufflante ; cet air s’échappe du côté opposé par un tuyau vertical. On porte sa température au degré convenable en le forçant de traverser des tuyaux chauffés par un fourneau extérieur, et on peut augmenter sa puissance siccative, avant d’élever sa température, en le faisant passer dans un espace peu élevé sur du chlorure de calcium (muriate de chaux). Le conduit est construit en briques ou en bois ; les tuyaux à air sont en fonte. Un appareil de ce genre desséchera dans 24 heures, et à peu de frais, un quintal de viande. Les viandes ainsi desséchées doivent être soumises à une pression considérable pour leur faire occuper un plus petit volume ; ensuite on les emballe dans des caisses qu’on peut recouvrir à l’intérieur d’un enduit de charbon. Préparées de cette manière, les viandes de bœuf paraissent bien se conserver ; elles sont compactes, même un peu sonores ; la couleur est noirâtre à la surface et rouge à l’intérieur ; en cet état elles fournissent un aliment très substantiel dont la saveur rappelle celle des saucissons crus. Cuites dans l’eau, elles reprennent seulement une partie de leur volume, et ne diffèrent du bouilli ordinaire qu’en ce qu’elles sont un peu filamenteuses et que la saveur n’en est pas aussi agréable que celle de la viande fraîche. Le bouillon, assure l’inventeur, diffère peu de celui de la viande ordinaire de bœuf, et a presque toute son odeur et sa saveur. Depuis longtemps la Société d’encouragement de Paris avait proposé un prix pour la découverte d’un moyen de conservation des viandes qui tout en desséchant ces substances convenablement, leur permît de reprendre par la coction dans l’eau une souplesse et une saveur analogues à celles du bouilli de ménage, de donner un bouillon sain et agréable,

CHAP.6e AUTRES MOYENS DE CONSERVER LES VIANDES 119 et d’offrir sous toutes les latitudes une nourriture substantielle aux marins. Un grand nombre de concurrents se sont présentés, mais aucun d’eux n’a rempli les conditions du problème, surtout celles relatives au renflement et à la saveur agréable de la chair. Un des concurrents, M. deCheneaux, professeur de chimie à Sorèze, a eu l’idée de faire sécher les pieds de veau, qui se sont parfaitement conservés, et qui, employés sur mer dans les pays les plus chauds du globe, ont donné d’aussi bons résultats que des pieds de veau frais. Ce qui prouve que la conservation des substances gélatineuses offre beaucoup moins de difficulté que celle de la viande ou chair musculaire. M. murLoye a aussi adressé des viandes qui se sont assez bien conservées dans les hautes latitudes, et qui fourni par la cuisson un bouillon limpide de couleur brune, d’un goût assez agréable, mais différant sensiblement de celui du bœuf frais ; la viande bouillie était sèche et dure, se détachant en longs filaments presque sans saveur. Son procédé consiste à saisir la viande par de l’eau bouillante, dans laquelle