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peut faire des débris des animaux morts. L’industrie qui nous occupe ayant à sa disposition, quand elle est exploitée en grand, une grande quantité de ces débris, on doit chercher à en tirer le meilleur parti possible en suivant les règles que nous avons pre- scrites à cet égard. Nous ajouterons seulement ici qu’il est quelques parties des animaux, telles que le cœur et le foie, qu’on ne comprend pas ordinaire- ment dans les approvisionnements de l’armée ou de la marine, qui pourraient de même être salées et vendues aux pauvres gens ; que le fiel peut être recueilli pour être envoyé aux dégraisseurs, ou pour entrer dans la fabrication de quelques compositions employées par les peintres à l’aquarelle ou en min- iature, ou les enlumineurs ; que la vessie est souvent vendue avec profit pour préparer ces poches dans lesquelles on conserve le tabac à fumer ; qu’enfin les os calcinés à blanc et pulvérisés, entrant aujourd’hui dans la composition de poteries façon anglaise, peu- vent être vendus avec quelque avantage aux fabri- ques où l’on prépare ces sortes de vases, etc. seCTion ii. — Du boucanage des viandes. On donne le nom de boucanage à l’art de fumer la viande, c’est-à-dire de la rendre propre à être con- servée en l’exposant pendant un certain temps à l’influence de la fumée du bois en combustion. Nous n’entrerons pas ici dans des détails scienti- fiques sur les principes très variés qui entrent dans lacompositiondelafuméedeboisencombustionou de la suie, ni sur la nature de ceux de ces principes auxquels ces corps doivent la faculté de conserver les substances animales. Nous dirons seulement que cette faculté est due probablement à l’acide pyrol- igneux, à l’acide carbonique, ainsi qu’à quelques substances empyreumatiques, entre autres à une huile récemment découverte et qu’on a nommée créosote, qui se forment pendant la combustion, et qui, en se déposant sur les corps exposés au courant de la fumée, pénètrent leur substance, et par leurs propriétés antiseptiques, leur odeur et leur goût, les mettent en état de résister à la décomposition et à l’abri de l’attaque des insectes. La viande fumée de Hambourg jouit d’une haute réputation, et nulle part on ne la fume aussi bien. C’est le procédé usité dans cette ville et ses environs que nous allons d’abord décrire, en prenant pour guide M. C. marTFeLT qui l’a observé avec soin, et comme étant à la fois le plus convenable et le plus économique. C’est ordinairement parmi les bœufs les plus gras du Jutland et du Holsteiu, parmi ceux qui sont vieux sans être d’un âge trop avancé, qu’on choisit les animaux dont la chair doit être fumée. Ce choix contribue beaucoup au succès du boucanage. On tue les bœufs et en fume la viande dans les derni- ers mois de l’année. La salaison a lieu dans la cave même de la maison. On se sert de sel de bonne qualité, mais qui n’est pas trop fort, car la viande qui a été fumée, recevant ainsi un second préser- vatif contre la putréfaction, n’a pas besoin d’un sel trop énergique qui lui enlève toujours une grande partie de sa saveur. Pour conserver autant que pos- sible une belle couleur rouge à la viande salée, on la saupoudre après cette opération avec une certaine quantité de nitre ; ensuite on la laisse huit ou dix jours dans cet état. Les foyers où l’on produit la fumée sont placés dans les caves où se fait la salaison ; mais la chambre où l’on rassemble cette fumée est au 4e étage ; ces foyers sont au nombre de deux, parce qu’un seul ne serait pas suffisant pour fournir la fumée nécessaire Quand la chambre est complètement remplie de viandes. Les deux tuyaux, ou conduits de chem- inée, se rendent dans cette chambre chacun d’un côté opposé, et débouchent l’un vis-à-vis de l’autre. Au-dessus de celle-ci, il existe une autre chambre faite en planches, laquelle reçoit la fumée par une ouverture pratiquée au plafond de la précédente. Dans la 1re chambre, la fumée est plus que tiède, sans être très chaude ; dans la 2e, elle n’est que tiède et presque froide. Les morceaux de viande salée sont suspendus à une distance de six pouces les uns des autres, rapprochés le plus possible de l’ori- fice des conduits, le côté vif ou saignant de la chair tourné vers cet orifice. À l’aide de bouchons ou de registres, on peut à volonté augmenter ou diminuer le volume de la fumée introduite dans la chambre. On pratique 2 trous au mur, un vis-à-vis de chaque orifice de cheminée, et l’autre au plafond. C’est par ces trous que passe le superflu de la fumée. Cettedispositiontientlafuméeencirculation,etla viande en reçoit de nouvelle à chaque instant, sans que la même, chargée d’humidité ou dénaturée par un trop long séjour, touche pour ainsi dire la viande plus d’une fois. Le plancher supérieur n’est élevé au-dessus de l’inférieur que de 5 pieds 1⁄2, et la gran- deur du local est calculée sur la quantité de viande qu’on veut y boucaner. On entretient la fumée nuit et jour au même degré de chaleur, et l’on calcule le temps que la

CHAP.6e DU BOUCANAGE DES VIANDES 115 viande doit y rester exposée, d’après la grosseur et l’épaisseur des morceaux, en sorte que quelques- uns ont besoin de 5 à 6 semaines, d’autres seule- ment de 4. Les variations de température apportent aussi quelque différence dans la durée de l’opéra- tion ; par exemple, pendant les gelées, la fumée pénètre mieux que dans les temps humides. On fume quelquefois aussi en été, mais ce ne sont que de petites pièces, parce que la fumée les pénétre plus facilement, et quelles n’ont pas besoin d’être suspendues aussi longtemps ; mais alors il faut bien prendre garde que la viande ne devienne aigrelette et ne se gate. Les boudins, les langues, les andouilles et autres petites pièces sont suspendus dans la chambre supérieure, sur des bâtons, par des ficelles qu’on peut enlever en même temps que les morceaux. On les laisse ainsi plus ou moins de temps exposés à la fumée, suivant leurs diverses grosseurs ; ceux d’en- viron 4 à 5 pouces de diamètre ont besoin d’y rester 8 à 10 semaines. La fumée arrive dans cette cham- bre par le trou pratiqué au plafond de la chambre inférieure dont nous avons parlé ; elle s’échappe par 2 ou 3 ouvertures pratiquées dans le toit. Fig. 107.