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nit ceux-ci d’un lit du meilleur sel de l’épaisseur d’un doigt ; puis on y place la viande le plus régulièrement pos- sible, en répandant de ce sel entre chaque couche ainsi qu’entre les pièces. On observe un ordre régulier dans l’embaril- lage : les morceaux de qualité inférieure occupent le fond, les médiocres viennent ensuite, les meilleurs se placent en haut et les flancs couvrent le tout. En un mot, l’embarillage a lieu dans l’ordre suivant : le chignon, la croupe, le collier, le jarret de derrière, le filet d’aloyau, l’aloyau, le bas de l’épaule, l’épaule, les côtes, la poitrine, le flanchet, les flancs. Quand la viande est placée dans cet ordre, et en laissant le moins possible d’interstice, on la com- prime avec un poids de 50 livres jusqu’au moment où l’on ferme le tonneau. À cette époque, on la presse fortement de nouveau pendant quelques minutes, pression qui est fort essentielle, et on clôt immédiatement après. On fait ensuite un trou à l’un des fonds, et, au moyen d’un tube de verre passé dans un bouchon, on souffle pour s’assurer que le tonneau ne fuit pas ; s’il ne s’en dégage pas d’air, il est jugé en bon état et propre à bien tenir la saumure. On ferme alors le trou avec un bouchon de liège bien sain et passé au feu. Si, au contraire, le tonneau laisse échapper l’air, on cherche la fente et on la bouche avec du jonc, de l’étoupe goudronnée, etc. On ouvre alors la bonde, qu’on a jusque là tenue soigneusement fer- mée, et on remplit le tonneau de saumure. On peut se servir de celle qui provient des premières prépa- rations, à moins qu’elle ne soit gâtée, cas auquel on enfaitdenouvelle.Onversedansletonneauautant de saumure qu’il peut en contenir ; mais moins il en entre, plus la salaison a été bien faite, plus la viande est bien imprégnée de sel, pressée convenablement, et de bonne conservation. En Irlande, on ne fait pas cuire la saumure, mais dans quelques autres pays on lui fait subir cette opération avant de la verser dans les tonneaux. Pour cela, on recueille toute celle qui provient de l’embarillage provisoire, et on la met dans un grand chaudron de cuivre. Comme elle contient une quan- tité assez notable de sang et de sérum, l’ébullition fait monter en écume ces substances à la surface, où on les enlève avec une cuillère de fer. On ajoute un peu d’eau pure, et on continue à faire bouillir et à écumer ainsi, jusqu’à ce que la saumure soit bien pure et transparente. On la laisse alors refroidir pour s’en servir comme nous avons dit ci-dessus, et en y ajoutant un peu de sel si elle n’était pas assez forte. On juge de sa force en y jetant un œuf frais ou un morceau de viande salée, qui doivent surnager si elle a le degré de densité convenable. Si l’on est obligé d’augmenter la dose du sel, il faut le faire avec précaution, parce qu’une saumure trop salée a pour inconvénient de durcir la viande. Après avoir introduit la saumure dans le ton- neau, on le retourne à plusieurs reprises sur ses deux fonds, pour faire pénétrer le liquide ; on y verse encore de la saumure s’il peut en recevoir davantage, puis on le bondonne. On laisse les ton- neaux en cet état pendant 15 jours ; après ce temps, on les examine de nouveau : l’on y verse de la sau- mure s’ils en ont besoin ; enfin on souffle dedans une dernière fois pour s’assurer que l’air n’a aucune issue, cas dans lequel on y remédie avec soin ; puis on les expédie. Pour la salaison du cochon, on donne la préférence, en Irlande, aux porcs qui ont été nourris avec des vesces, des pois, des haricots, de l’avoine, etc., parce que le lard et la chair en sont plus fermes et d’une conservation plus facile. On tue ordinairement les porcs depuis le mois de décembre jusqu’en avril. Leur dépècement ne diffère guère de celui du bœuf que par la grosseur des morceaux, qui, propor- tion gardée, ne sont que de moitié. On place 112 morceaux dans un baril pour la marine royale. Le nombre des morceaux, pour les cargaisons des navires de commerce, n’est pas fixe. Les sels sont les mêmes que pour le bœuf, et le mélange s’en fait dans la même proportion. La manière de saler ne diffère qu’en ce qu’on frotte un peu moins le lard. § ii. — Salaison des viandes en Angleterre. Le travail des ateliers de salaison pour la marine, en Angleterre, diffère en quelques points de celui qui se fait en Irlande, et M. FouLLioy a donné sur le premier des détails intéressants que nous repro- duirons en partie. En Angleterre, de même qu’en Irlande, les salai- sons ne s’apprêtent qu’en hiver, entre les mois de novembre et de mars, et lorsque le temps est froid. Lesbœufssontchoisisgrands,épais,grasetexempts de maladie. On donne la préférence à ceux qui ont vécu en liberté dans les pâturages. La chair en est plus ferme, la graisse mieux répartie, et d’ailleurs ces animaux sont plus sains et mieux portants que ceux nourris à l’étable et qui sont privés d’air et d’exercice. Lorsqu’un bœuf a été abattu, que les vaisseaux jugulaires ont été ouverts et qu’on a favorisé l’écoulement complet du sang, le muffle est écorché et la tête emportée. On ne souffle pas l’animal, mais on a soin de lier l’œsophage, afin de préve- nir l’écoulement des matières qui souilleraient la viande. La bête étant tournée sur le dos, le ventre est ouvert et vidé avec précaution et les membres sont convenablement dégagés. L’animal est ensuite

112 ARTS AGRICOLES : CONSERVATION DES VIANDES LIV. IV. suspendu, et les bouchers achèvent ainsi commodé- ment de l’écorcher au moyen de crochets. Ils div- isent la poitrine ou sternum, détachent tous les organes contenus dans cette cavité, fendent ensuite la colonne vertébrale par derrière, et séparent le bœuf en 2 moitiés qu’on laisse suspendues pendant un jour pour en faire écouler l’eau et les mucosités. On extrait alors les os longs des membres, et les chairs sont ensuite livrées aux hommes chargés de les saler. Tout est disposé dans un vaste atelier, pour que les diverses parties de l’opération se succèdent sans interruption et avec rapidité. La comptabilité se règle en même temps avec autant de facilité que d’exactitude dans un établissement de ce genre, où Fig. 106. peu d’hommes