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CHAP.5e DU SUINT DES LAINES 99 seCTion iii. — Lavage des laines. Nous avons dit que le but du lavage des laines étaitdelesdébarrasserd’uneespècedegraissequi les enduit, à laquelle on a donné le nom de suint, et qui les empêche de recevoir les couleurs qu’on veut leur appliquer. Il importe, avant de décrire les procédés de lavage, de connaître la nature et les propriétés de cette graisse, afin de mieux apprécier les procédés employés pour en débarrasser la laine. § ier. — Du suint. Le suint est une substance grasse, onctueuse et odorante, dont la source ne paraît pas encore avoir été déterminée d’une manière précise par les physiologistes. Cette substance a été analysée par vauqueLin qui l’a trouvée composée : 1° d’un savon à base de potasse qui en constitue la plus grande partie ; 2° d’une petite quantité de carbonate de potasse ; 3° d’une quantité notable d’acétate de potasse ; 4° de chaux dans un état de combinaison inconnu ; 5° d’une trace de chlorure de potassium (muriate de potasse) ; 6° enfin, d’une matière odorante d’origine animale. Toutes ces matières, selon ce chimiste, sont essentielles à la nature du suint, et ne s’y trouvent pas par accident, puisqu’il les a constamment ren- contrées dans un grand nombre de laines d’Es- pagne et de France ; mais il y a aussi trouvé d’autres matières insolubles, telles que du sous-carbonate de chaux, du sable, de l’argile, des ordures de toute espèce qui y sont évidemment accidentelles. Le suint étant, comme on vient de le voir, un véritable savon à base de potasse, il semble qu’il n’y a rien de mieux à faire pour dessuinter les laines que de les laver dans l’eau courante ; mais, ajoute vauqueLin, il y a dans les laines une matière grasse qui n’est pas en combinaison avec l’alcali, et qui, restant attachée à la laine, lui conserve quelque chose de poisseux, malgré les lavages à l’eau les mieux soignés. Cette matière grasse, qui peut en grande par- tie être enlevée par des lotions savonneuses ou alcalines, n’a pas été examinée par ce chimiste ; mais M. ChevreuL, dans un travail subséquent, est parvenu, en soumettant, dans un digesteur dis- tillatoire, de la laine d’agneau mérinos dessuintée à l’eau pure, à l’action de l’alcool et de l’éther, à en débarrasser complètement cette laine. Il a ainsi séparé 17 p. % en poids de la laine dessuintée d’une matière grasse qui, elle-même, a été réduite en 2 autres substances grasses dont l’une ressemble, à la température ordinaire, à la cire par sa consistance, et l’autre est filante comme de la térébenthine. D’après ces travaux, le but du lavage à froid paraît donc être de débarrasser la laine de son suint et de l’excès de la matière grasse qui la rend pois- seuse et moins propre aux usages auxquels on la destine. Les agronomes allemands, qui ont fait une étude toute particulière de l’éducation des moutons et de la laine, ont depuis longtemps distingué le suint de la matière grasse qui nous occupe. « Le suint, dit M. B. péTri, se compose de 2 substances bien distinctes, le suint proprement dit (die schweiss), et la matièregrasse(diefette).Le1erestunesécrétiondela peau de l’animal dont on peut, dans la plupart des cas, débarrasser la laine par un lavage à froid ; la 2e, au contraire, est une excrétion du brin lui-même, et ne peut être enlevée que par l’eau chaude mêlée à du savon, à de l’urine putréfiée ou de l’eau de suint. Le 1er est une substance inorganique attachée à la laine, l’autre en est une partie organique. La mat- ière grasse se montre sous plusieurs couleurs, telles que le blanc, le jaune paille, le jaune foncé, parfois le brun et le rouge. Toutes ces nuances disparaîs- sent en grande partie par le lavage, et la laine paraît uniformément blanche après cette opéraition. On la rencontre encore sous plusieurs états ; tantôt elle est molle, gluante, poisseuse ; tantôt elle ressem- ble à du beurre et à de l’huile, tantôt enfin elle a un aspect qui la rapproche de l’un ou de l’autre de ces 2 états. À l’état poisseux, elle a le désavan- tage de ne pas pouvoir être enlevée par le lavage à l’eau froide, qu’elle rend très difficile en retenant avec force les impuretés. Il est même rare qu’avec une graisse poisseuse on trouve dans la laine une grande finesse, de la douceur, de la légèreté et du moelleux. Avec la consistance d’une huile, au con- traire, la matière grasse a l’avantage de ne pas rete- nir les impuretés au lavage, d’être en grande partie enlevée par l’eau froide, et d’annoncer et d’accom- pagner souvent dans la laine la finesse, la douceur, le moelleux et l’élasticité. » « La matière grasse, sur un même animal, est surtout abondante dans les endroits où croît la plus belle laine, tels que les côtés, le cou et le dos, tandis que dans les autres parties du corps, comme l’in- térieur des cuisses, les pieds, le jarret et la nuque, où l’on ne récolte qu’une laine de moindre valeur, elle est peu abondante. Cette graisse paraît être pro- pre à la race des mérinos, car la laine des moutons communs en est exempte. Sa quantité paraît aug- menter ou diminuer suivant l’état de santé de l’an- imal. La laine des métis ne l’acquiert que par suite du croisement des brebis indigènes avec les méri- nos. Quant à sa couleur, elle paraît être : suivant les apparences, le résultat du régime qu’on fait suivre à ces animaux, puisque en Espagne, chez les mou- tons transhumans ou voyageurs, de race léonaise, elle est généralement blanche, ce qui n’a pas lieu chez les moutons sédentaires ou estantes de la même famille. » — On remarque aussi que les moutons de la Crau et de la Camargue, qui voyagent tous les ans des plaines d’Arles aux montagnes du Dau- phiné, présentent également un suint blanc. § ii. — Opérations qui précèdent le lavage. Les laines ayant été triées avec soin, il ne reste qu’à les éplucher et à les battre avant de procéder au lavage. Pour éplucher les laines, on jette sur le plancher d’un atelier bien propre, une des qualités qui ont

100 ARTS AGRICOLES : LAVAGE DES LAINES LIV. IV. été formées au triage, puis on en prend une certaine quantité ou poignée, qu’on pose sur une claie en bois élevée sur deux tréteaux ; on l’étend, on l’ouvre et éparpille au moyen de la fourchette de fer, puis on enlève à la main les mèches vrillées ou feutrées, les pailles, le crottin et toutes les grosses impuretés. Cela fait, on procède au battage, qui a pour but de faire sortir la poussière et de séparer toutes les petites ordures que la main n’a pas détachées. Ce battage s’opère sur la claie au moyen de 2 baguettes lisses de bois, dont on frappe alternativement la laine avec les 2 mains, en ayant soin, pour dégager les baguettes