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de leur extrémité supérieure, pour former des groupes réguliers ou des touffes auxquels on a donné le nom de mèches. C’est l’ensemble des brins ou des mèches qui con- stitue la toison de l’animal. Tous les brins de la laine, telle qu’on la recue- ille par la tonte sur le dos des moutons, sont revê- tus d’un enduit gras naturel auquel on a donné le nom de suint. Cet enduit masquant la blancheur de la laine, ainsi que son eclat, et formant, dans les opérations de la teinture, un obstacle à l’applica- tion des mordants et des matières colorantes, il est nécessaire de l’en débarrasser pour approprier cette substance filamenteuse à nos besoins ; ce sont les manipulations que l’on fait subir à la laine pour la débarrasser de son suint, qu’on désigné sous le nom de lavage des laines. Les lavages que reçoit la laine ayant d’être cardée ou peignée, puis filée et tissée, sont de 2 sortes. Les 1ers lui sont donnés par les éleveurs ou propriétaires de troupeaux, ou par les laveurs de laine, et les 2e plus connus sous le nom de dégraissage, par les fabri- cants, avant de la mettre en œuvre. Cette dernière manipulation, n’étant pas du ressort de l’agricul- ture, ne doit pas nous occuper ici ; quant à l’au- tre, nous entrerons à son égard dans tous les détails nécessaires pour la faire bien comprendre aux cul- tivateurs. Depuis un petit nombre d’années il s’est formé, dans diverses localités de la France où le commerce des laines a quelque activité des établissements con- nus sous le nom de lavoirs de laines, qui achètent pour leur propre compte la laine aux éleveurs, l’assortis- sent, la trient, la lavent et la revendent aux fabri- cants. D’autres établissements, sous le nom de lavoirs àfaçon,sesontaussiélevésdanslebutderecevoiren dépôt la laine récoltée par les cultivateurs, de l’as- sortir, de la trier selon ses qualités et de la laver, puis de la vendre aux manufacturiers. au profit des entreposants, moyennant une légère indemnité. Ces derniers établissements ont rencontré dans leur marche des difficultés qui les ont empêchés de s’étendre, malgré les avantages qu’ils semblaient promettre. En France, ses laines communes et fines indigènes sont, la plupart du temps, lavées avec ou sans triage avant la vente ; il n’en est pas de même des laines des races perfectionnées qui sont toutes vendues en suint. Cependant, en livrant ses toisons en cet état, le propriétaire ignore la qualité de sa laine, la proportion des diverses sortes qu’elle con- tient, ainsi que son rendement au lavage. Il manque ainsi des connaissances nécessaires pour classer son troupeau, pour déterminer quels sont les animaux qui donnent des profits et ceux dont l’entretien offre de la perte. Il n’a plus de guide pour se diriger dans la voie des améliorations, ou pour suivre les changements que réclament les goûts ou les besoins du public. Quand la laine est triée et lavée, les propriétaires, au contraire, connaissent avec exactitude son ren- dement au lavage, soit, en 1re, 2e ou 3e qualités, ainsi que le mérite absolu de leurs récoltes. À l’aide des indications qu’ils obtiennent ainsi, ils peuvent classer les bêtes qui composent leurs troupeaux, n’admettre à reproduction que celles dont la finesse leur est bien connue, ou dont les toisons jouissent des qualités qu’on recherche dans le commerce. D’ailleurs, les laines superflues perdant en général jusqu’à 75 p. % au lavage, les frais de transport, qui en définitive retombent toujours à la charge du pro- ducteur, sont beaucoup moindres pour les laines lavées préalablement. Enfin, connaissant mieux sa laine, le nourrisseur sait ce qu’il vend, et ne peut plus être dupe du marchand, qu’une longue hab- itude et des achats journaliers rendent fort expert dans la connaissance de ces produits. En Allemagne les laines sont toujours soumises à un lavages à dos, et en Espagne à un triage con- sciencieux et à un bon lavage en toison, qui ont con- tribué à faire rechercher les produits de ces pays par les peuples étrangers. Le parti le plus sage, pour les propriétaires de troupeaux, serait donc d’avoir recours aux lavoirs à façon, quand ces élablissements lui offriront les sécurités désirables, ou bien de procéder eux- mêmes au lavage de la laine qu’ils récoltent dans leurs domaines. Le lavage des laines sur le dos des animaux n’of- fre pas de difficulté, et est souvent suffisant, sur- tout pour les laines communes, pour procurer à l’éleveur les avantages dont nous venons de par- ler ; mais quand on veut laver les laines en toison pour fixer d’une manière plus précise leur vérita- blevaleurcommerciale,dèslorsilfautlessoume- ttre aux opérations d’assortiment, de triage et de lavage, qui exigent qu’on joigne à beaucoup de pratique une longue expérience, puisque la con- naissance des laines ne s’acquiert qu’en se livrant avec sagacité et pendant longtemps à ce travail. Cependant, comme un éleveur, à moins qu’il ne soit propriétaire d’immenses troupeaux, comme en Espagne, n’aurait ainsi par an qu’une quantité trop petite de laine pour apprendre et faire avantageuse- ment le classement et le lavage lui-même, nous pen- sons qu’il serait peut-être plus utile pour tous les propriétaires de troupeaux d’une commune, d’un canton ou d’un arrondissement, de former à frais communs un lavoir banal, d’après les principes des fruitières suisses (Voy. t. III, p. 57), où l’on s’occupe- rait du classement, du triage et du lavage de leurs laines, pour leur propre compte, et où les march- ands et fabricants, comme dans un dépôt central, trouveraient réunies des laines de toute finesse et de qualités diverses. C’est afin de mettre les éleveurs

CHAP.5e QUALITÉS ET DÉFAUTS DE LA LAINE 91 et les propriétaires à même d’assortir, de trier et de laver à frais communs leurs laines, et de former de pareils lavoirs, ou seulement pour leur apprendre quels sont le but et les détails de ces opérations, que nous allons entrer dans les développements néces- saires pour éclaircir ce sujet. Pour exercer avantageusement cette branche intéressante de l’industrie agricole il faut appren- dre : 1° à connaître les qualités et les défauts de la laine ; 2° à l’assortir et à la trier ; 3° les divers procédés de lavage. seCTion ire. — Qualités et défauts de la laine. Nous ferons ici connaître les qualités qu’on doit surtout rechercher dans les laines fines ou de 1er choix, parce que ces sortes de laines