Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée
chap. 3e
49
DU TABAC.


à la couche toutes les fois que la température extérieure le permet.

Quand le jeune plant est garni de 3 ou 4 feuilles, et qu’il a atteint à peu près un pouce et demi d’élévation, vers la fin d’avril, on en fait la transplantation. On choisit pour cette opération un temps couvert, immédiatement après une pluie, afin que la reprise soit plus assurée. On enlève le plant de la couche avec précaution, en conservant autour des racines une petite motte, et pour faciliter ce travail on arrose d’avance la terre de la couche si elle est trop sèche. On doit toujours y laisser du plant en dépôt pour regarnir plus tard les places où le plant aurait manqué à la reprise. Aussitôt que le plant est arraché, on le transplante comme nous l’avons indiqué, en laissant entre chaque plante une distance relative à la qualité du bol et au degré de force que la plante doit y acquérir ; car les feuilles ne doivent pas se toucher lorsqu’elles sont parvenues à leur grandeur naturelle. La transplantation a lieu à l’aide d’un plantoir. Le trou fait, on enfonce les racines des plantules jusqu’à la naissance des premières feuilles, et on affermit doucement la terre autour avec le plantoir. Quelques jours après la plantation, on a soin de regarnir les places où le plant a manqué.

Les tabacs ainsi disposés exigent d’abord d’être tenus propres de toute herbe étrangère. Quand la transplantation a été faite bien régulièrement, ce travail peut s’exécuter avec la houe à cheval ; sinon , on le fera avec des petits sarcloirs à main. On renouvellera l’opération du binage toutes les fois que les mauvaises herbes reparaîtront. On enlèvera de même tous les tabacs vicieux, rabougris, malades ou piqués des insectes.

Plus tard, il est essentiel de butter les tabacs avec la houe à cheval pour fournir un nouvel aliment aux racines, et pour leur procurer une douce fraîcheur si nécessaire à la végétation de cette plante.

Lorsque les tabacs ont atteint environ 2 pieds d’élévation, ce qui arrive un mois ou six semaines après la plantation, on coupe avant l’apparition des fleurs le sommet de chaque tige, ce qu’on appelle l’opération du pincement ; on ôte les feuilles inférieures gâtées qui sont près de terre, et on diminue ainsi leur nombre en le réduisant à 10 ou 12 sur chaque plante. Cette diminution des feuilles, en faisant refluer la sève sur celles qui restent, contribue à augmenter le rapport et à améliorer la qualité de ces dernières. Mais, comme la suppression du sommet d’une plante quelconque la détermine en général à pousser des bourgeons latéraux, et que le tabac, plus que toute autre plante, suit cette marche ordinaire de la nature, il faut de nouveau enlever ces feuilles et ces bourgeons axillaires toutes les fois qu’ils paraissent, parce que, en se nourrissant au détriment des feuilles principales, ils en détériorent la qualité. Toutes ces opérations doivent être faites avec intelligence : souvent le succès du produit des tabacs dépend de l’expérience et des soins de l’ouvrier qui les dirige.

Les plantes destinées à porter graine sont cultivées dans un endroit particulier bien abrité ; on leur donne l’exposition la plus chaude possible, afin qu’elles puissent fleurir de bonne heure. Elles reçoivent à peu près la même culture et les mêmes soins que celles cultivées en plein champ ; seulement on ne touche pas à une seule de leurs feuilles. Comme ce sont les premières capsules qui donnent la meilleure graine , il est essentiel de cultiver assez de pieds pour avoir suffisamment de leur semence. La meilleure semence est celle de la dernière récolte.

§ III. — Maladies, récolte du tabac.

Les feuilles du tabac étant d’une dimension assez considérable, les fortes pluies , la grêle, les nuits froides, les forts orages les frappent et les déchirent. Il est à peu près impossible d’empêcher ces désastres. Pour tirer un parti quelconque des tabacs battus par la grêle, on coupe tout de suite après l’accident les feuilles frappées ; celles qui repoussent, donnent un petit produit qui dédommage en partie les cultivateurs de leurs peines.

Parmi les ennemis des tabacs on rencontre une chenille qui en dévore les feuilles : il faut la chercher le matin avant le lever du soleil, et la détruire à la main. Quelques cultivateurs ont prétendu que les plantes de tabac étaient un préservatif contre les vers-blancs ; je puis certifier que ces animaux sont au contraire très-voraces des racines, et qu’il n’y a pas moyen de conserver une plante de tabac attaquée par ces larves.

L’Orobanche rameuse est aussi un redoutable ennemi pour les tabacs : cette plante parasite s’attache aux pieds, et les étouffe. Le seul moyen d’empêcher sa reproduction, est de l’arracher aussitôt qu’elle apparaît ; quelquefois même on est obligé de sacrifier le pied sur lequel il sien trouve.

Si les tabacs ont été bien soignés, et si la saison les a favorisés, six semaines après le pincement, les feuilles doivent se trouver en état de maturité parfaite. On connaît ce moment lorsque les feuilles commencent à changer de couleur, ou que leur couleur assez vive devient un peu obscure, jaunâtre ; qu’elles penchent vers la terre, qu’elles se rident, qu’elles deviennent rudes au toucher.

Si l’on a planté les tabacs vers les premiers jours de juin, le commencement de la récolte pourra avoir lieu vers la moitié de septembre. Cette récolte se fait le matin lorsque les feuilles des tabacs ne sont plus mouillées par la rosée, en coupant la tige à 2 pouces au-dessus du sol ; on les laisse sur les lieux, on les retourne deux ou trois fois dans la journée, afin que l’air et le soleil les frappent partout et qu’elles fanent également. Le soir même on les transporte sous un hangar un peu éloigné de l’habitation principale, parce que les feuilles de tabac encore fraîches exhalent une odeur irritante et un gaz délétère qui, respiré dans un lieu fermé, pourrait même asphyxier.

C’est sur le sol de ce hangar qu’on étend les feuilles les unes sur les autres : on les couvre de toiles ou de nattes, puis de planches ; on les charge de grosses pierres, et ou les laisse dans celte position trois ou quatre jours, afin qu’elles puissent ressuyer et fermenter également.

agriculture.
tome II. — 7