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pression de M. de Dombasle) que comme des machines dont la fonction est de donner de la valeur aux productions que l’agriculture ne pourrait plus avantageusement utiliser. Mais l’examen de ces questions appartient à l’économie rurale, elles seront résolues ailleurs. NAUDIN, du Cher, Conseiller à la Cour royale de Paris.

SECTION X. — Engraissement du mouton.

L’engraissement du mouton n’est considéré en France que comme une branche accessoire de l’économie des bêtes à laine. La production du fumier et la laine sont les objets que l’on a surtout en vue, aussi cet engraissement est encore peu avancé, malgré la protection que le gouvernement accorde aux agriculteurs en imposant sur les moutons étrangers un droit de douane de 25 p. 0/0 de leur valeur. On compte en France, d’après les statistiques officielles, de 34 à 35 millions de bêtes à laine, et malgré cela les marchés de Paris en reçoivent chaque année près de 100,000 qui viennent de la Suisse, des Pays-Bas, mais surtout de l’Allemagne. Les environs de Paris fournissent à peu près le tiers de l’approvisionnement des marchés, mais les bouchers préfèrent les moutons de la Normandie, du Berry, de la Champagne, des Ardennes et de la Flandre ; ils considèrent ceux des Deux-Sèvres comme fournissant la viande la plus exquise. (Ces moutons sont engraissés avec des grains.) Les moutons étrangers, surtout ceux de la Franconie, sont aussi très-estimés ; on met tant de soins à les élever, à les nourrir, à les entretenir dans un état constant de propreté, on prend tant de précautions pour leur éviter toutes les fatigues qui résulteraient d’une trop longue marche ou des intempéries de l’air, que leur viande en acquiert un grand degré de supériorité. Il y a une très-grande différence entre la disposition à s’engraisser et la bonté de la chair de certaines races de bêtes à laine. En Angleterre, et surtout dans le Leicester et le Lincolnshire, on a des races de brebis qui, à leur seconde année, donnent le jour à un agneau qu’elles allaitent, après quoi elles se trouvent naturellement grasses en automne ou en hiver, sans qu’on les fasse saillir de nouveau. Cependant toutes les races anglaises n’ont pas cette propriété ; il en est qui ne peuvent être engraissées avec avantage qu’à la 3e ou 4e année.

§1er. Différences qui existent entre les qualités de la chair des moutons.

Il y a, suivant les races, une grande différence dans la bonté de la chair ; la bonne viande de mouton ne doit pas être spongieuse, mais tendre, à filamens fins, et succulente. Une graisse modérée, entremêlée parmi les fibres de la chair, est très-estimée ; mais la graisse excessive qui se montre en dehors sous la forme de lard, et qui a quelquefois 4 ou 5 pouces d’épaisseur sur les côtés, ne convient qu’à la classe pauvre, qui s’en sert pour accommoder les légumes. La viande du mouton, quand elle est de bonne qualité, est généralement fort recherchée. C’est, dit-on, une viande faite, c’est-à-dire la viande d’un animal qui a acquis, par son âge, le genre de perfection dont il est susceptible ; elle est regardée comme plus saine que celle du veau et de l’agneau, et les estomacs délicats la digèrent facilement. On peut distinguer au goût la chair des moutons de quelques pays : tels sont ceux des Ardennes, de certaines parties de la Normandie, et surtout des rivages de la mer où ils paissent des herbes salées : d’où le nom de moutons de prés salés qui leur a été donné. Les moutons des départemens du midi sont estimés parce qu’ils vivent d’herbes aromatiques : comme le défaut de pâturages permet difficilement dans ces pays l’engraissement des hôtes à cornes, on remplace ces animaux par des moutons dont la viande sert à faire de bons potages. Pour que la chair d’un mouton soit aussi bonne que possible, il faut 1° qu’il n’ait que 3 ou 4 ans ; 2° qu’il ait été châtré par l’enlèvement des testicules ; 3° qu’il ait été bien nourri jusqu’au moment où on l’a mis à l’engrais ; 4° qu’il ait été engraissé ou à l’herbe fine, substantielle et salée des bords de la mer, ou de pouture avec des pois, de l’orge, de la luzerne, du trèfle, des féveroles, etc. — De ces conditions, la plus importante, c’est la castration compléte. La viande des moutons simplement bistournés conserve toujours le goût de celle des béliers. La chair des brebis est toujours inférieure à celle des moutons ; celle du bélier est dure et a une saveur sauvage. Les fermiers connaissent bien le terme où doit s’arrêter l’engraissement, ils savent que si l’on dépassait ce terme, le mouton perdrait de sa graisse et périrait. Un mouton ordinaire donne de 6 à 7 livres de suif ; les moutons de grande taille, flamands, normands, etc., en donnent jusqu’à 15 livres ; ce suif est d’autant plus estimé qu’il est plus dense. Le suif des moutons qui ont été excédés de fatigue est tout décomposé : les bouchers l’appellent suif brûlé. — A taille égale, un mouton engraissé de pouture fournit plus de suif que le mouton engraissé à l’herbe. Plusieurs agronomes considèrent la bonté de la chair et la disposition à s’engraisser comme incompatibles avec la finesse de la laine ; ils citent à l’appui de cette opinion la race mérinos qui, à nourriture égale, ne prend pas autant de chair et ne donne pas de viande aussi bonne que nos races des Ardennes et du Cotentin, par exemple : on sent cependant de quelle importance il serait d’obtenir une race qui, aux avantages d’une bonne laine, joindrait l’aptitude à l’engraissement. Si, comme tout le fait espérer, M. Yvart réussit dans ses essais d’acclimatation de la race du Leicester, ce but sera rempli, car cette belle race réunit à un haut degré les deux avantages que l’on recherche dans les bêtes à laine. Nous ne pouvons trop engager les cultivateurs qui possèdent d’abondans pâturages à se livrer, avec prudence toutefois, à la propagation de cette race, d’autant plus précieuse pour notre pays, qu’elle servirait à améliorer nos grandes races Artésiennes et Flandrines, et leur donnerait à la fois plus d’égalité et plus de luisant dans la toison et plus de facilité à l’engraissement.

§ II. — Localités favorables à l’engraissement.

Les lieux les plus favorables à l’engraissement sont ceux où se trouvent des pâturages abondans, mais un peu malsains. Les moutons y contractent la pourriture ou cachexie aqueuse, et l’on sait que la première période de cette maladie est toujours caractérisée par le développement de la graisse et l’amélioration de la chair ; mais il ne faut pas abuser de ce moyen, il faut savoir distinguer le point où l’engraissement s’arrête pour faire place aux signes apparens de la maladie, sans cela les animaux maigriraient et ne tarderaient pas à périr. On peut surtout se livrer avec avantage à l’engraissement des moutons dans les pays pourvus de terrains humides et riches, où le chaume des céréales et le regain des prairies leur fournissent une nourriture abondante, mais il faut que l’on puisse achètera bon marché des bêtes maigres et que le voisinage d’une grande ville en assure la vente à bon prix après leur engraissement.

§ III. — Règles de l’engraissement des moutons.

Il arrive souvent que, même dans des pâturages médiocres, on voit des moutons devenir gras en automne, sans qu’on ait pris d’eux aucun soin