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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DES PLANTES ECONOMIQUES.


Que ce soit au blé, comme cela est le plus ordinaire dans ce pays, à l’avoine ou à toute autre culture que la betterave doive succéder, aussitôt que la récolte est fauchée, on forme les gerbes ; ou les réunit en petites meules, les épis en haut, sur des bandes de terre étroites et longitudinales, et on met la charrue dans le champ dans les trois ou quatre jours après la fauchaison ; pour ce labour on se sert du binot, espèce de charrue-cultivateur qui joue, dans l’agriculture flamande, le rôle d’extirpateur. Il résulte de celle pratique que le sol, auquel on n’a pas laissé le temps de se dessécher, n’offre pas de difficulté au labourage ; toutes les mauvaises herbes sont retournées et leurs racines ex-K osées au soleil qui les dessèche ; un coup de erse, donné quelque temps après, produit le même effet sur celles qui ont échappé ; de plus, la chaleur étant encore fort grande, les graines de ces mauvaises herbes germent très-vite, et, avant qu’elles arrivent en graines, on les détruit de nouveau par un second binotage et un second hersage. — On laboure alors avec la charrue ordinaire, et souvent le temps est encore assez doux pour que les graines de mauvaises herbes, amenées du fond, puissent germer pour être détruites au printemps. — Cette manière de préparer le terrain assure l’ameublissement parfait du sol, qui est essentiel sous tous les rapports, et spécialement utile en ce qu’il permet à la betterave de pivoter et de ne point se ramifier. — Au printemps, on donne un nouveau labour à la terre ; on la travaille encore quelquefois au binot, puis l’on herse, l’on roule et l’on ploutre : le ploutrage consiste à faire passer sur la terre la herse retournée sur le dos, et son effet est de briser toutes les mottes de terre en les saisissant entre les barres qui servent de traverses à la herse. — Tel est le mode le plus général d’arranger le sol. Dans les terres sablonneuses et blanches, on préfère binoter plusieurs fois avant l’hiver et ne labourer qu’au printemps.

Le choix de la variété de betteraves à cultiver, lorsque la pulpe doit servira l’extraction du sucre, est très-important ; car M. Payen a reconnu que ce principe est contenu, selon les différentes variétés, dans des proportions qui varient entre 0,05 et 0,09, et par cela seul qu’on aura adopté une variété de préférence à une autre, on pourra, lors de la fabrication, d’une quantité égale de betterave obtenir plus de jus, d’une quantité égale de jus plus de sirop, d’une quantité égale de sirop plus de sucre, enfin d’une même quantité de sucre un plus grand prix. — Les Betteraves cultivées dont nous allons citer les principales, ne sont que des sous-variétés de la Betterave (Betaravia) qui est une variété de la Betterave commune (Beta vulgaris), laquelle est elle-même une espèce de Bette (Beta), genre de la famille des Chénoponées, Juss.

La Betterave longue rose, ou au Palatinat, dite racine de disette, racine d’abondance, Betterave champêtre, turlips dans quelques départemens de l’Est (Beta sylvestris ; en anglais, Field-Beet ; en allemand, Mangold-würzel ; en italien, Biettola), est la variété la plus connue, avec les Betteraves panachées et rouges, qui parviennent au plus fort volume, mais sont aussi celles qui renferment le moins de sucre. Elles ne doivent être préférées aux autres, à cause de leur produit considérable en feuilles et en racines, que lorsqu’on les destine à la nourriture des bestiaux ; encore M. de Dombasle annonce-t-il avoir reconnu que 5 parties de la grosse disette ne contiennent pas plus de substance nutritive pour les animaux que 3 de la suivante.

La Betterave blanche, dite de Silésie (Beta Alba)(fig. 29),et la variété à peau rose et chair blanche, sont les espèces qui donnent le plus de jus et le plus de sucre et qui paraissent, sous tous les rapports, mériter la préférence pour la fabrication et même pour la nourriture des bestiaux ; elles résistent mieux aux sécheresses, sont moins aqueuses, plus nutritives, presque aussi productives, se conservent et résistent aux gelées beaucoup mieux.

Fig. 29.

On a beaucoup vanté, avant cette variété, la Betterave Jaune (Beta lutea major), qui vient très-grosse.

La Betterave à peau rose et à cercles concentriques roses et blancs dans la section transversale, donne des produits assez bons, mais est inférieure en racines, aux précédentes :

Enfin, on connaît encore la B. jaune blanche (à peau jaune et à chair blanche), que M. de Dombasle a trouvée la plus riche en sucre après la blanche, mais elle est très-peu répandue et donne peu de jus.

La difficulté de trouver de la graine bien pure et surtout bien choisie, et l’inconvénient qui en résulte d’avoir des racines très-mêlées ou très-petites, rabougries et sans valeur, doivent engager le cultivateur à recueillir lui-même sa semence ; à cet effet, il doit conserver un certain nombre des racines les plus belles, ni trop longues, ni trop courtes, point branchues, et annonçant une végétation vigoureuse. On leur enlève les feuilles, mais sans loucher au collet ; on les conserve placées debout dans du sable et dans un cellier sec et frais, pour les mettre en terre au printemps, dès qu’on n’a