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tité à la finesse : c’est un juste milieu qu’il est difficile d’atteindre ; mais il ne faut point en sortir quand on y est arrivé, et par conséquent toute bête qui pourrait modifier le lainage que l’on veut conserver sera éloignée de la reproduction. On ne se contentera donc point d’étudier toutes les parties de la toison d’un bélier pour s’assurer que sa laine est exempte de jarre, qu’elle est fine, nerveuse, moelleuse, égale, etc. ; mais on exigera en outre que l’ensemble de la toison soit satisfaisant sous le rapport du tassé et de la longueur, d’où résulte la quantité. La taille de l’animal est aussi à considérer, d’abord quant à la toison dont le poids augmente avec la grandeur du corps ; ensuite quant à la valeur du corps en lui-même qu’il ne faut pas dédaigner. Quoique le mouton de race fine soit avant tout une bête à laine, il n’en est pas moins une bête de boucherie ; et le troupeau le plus productif sera toujours celui qui réunira ces deux qualités au plus haut degré possible. Le bélier, à ce que l’on croit, influe plus spécialement sur la toison de l’agneau, tandis que l’influence de la brebis se fait sentir davantage sur les formes du corps, sur la taille, sur la disposition à la graisse : ce sera donc de ce côté que l’on repoussera plus sévèrement les défauts de construction, de force, de grandeur dont la transmission pourrait dégrader le troupeau et diminuer sa valeur chez le boucher. Toutefois cette considération est secondaire, et notre pensée doit être entendue dans ce sens que, de deux brebis égales quant aux qualités de la laine, la plus fortement construite sera préférée pour la monte. En se conformant rigoureusement aux règles que nous venons de tracer, on sera sûr de maintenir dans un troupeau de mérinos les qualités qui le rendent précieux ; la santé, la vigueur, la finesse et le poids de la toison, voilà ce que l’on doit trouver réuni à un haut degré dans les animaux reproducteurs, sans se préoccuper de certaines formes, de certaines apparences extérieures que la mode aurait pu consacrer, mais qui n’ont aucune valeur intrinsèque. II faut bien se garder d’imiter ces éleveurs qui veulent à toute force des fanons, des colliers, des toupets, des cornes de telle façon ou point de cornes ; ces fantaisies peuvent devenir ruineuses quand on les met au-dessus des qualités utiles. Les fanons que portent souvent les mérinos, même en Espagne, ont été prisés longtemps à un haut prix, comme ornement et comme augmentant le poids de la toison : comme ornement, nous n’en dirons rien, cela dépend des goûts ; quant au poids, cela est possible, mais non pas sûr, et si cet avantage existe, il est ordinairement compensé par une infériorité marquée dans la finesse de la laine ; de bons juges en cette matière ont observé que, dans les animaux à colliers et à fanons, la peau plissée sur le cou était plus épaisse que lorsqu’il n’existait point de fanon, et que de là dérivait nécessairement moins de finesse dans le brin de laine : l’observation est très fondée en général, et quoique le contraire se soit vu dans quelques béliers, il est prudent d’éviter les fanons plutôt que de chercher à les propager. Les cornes ont eu aussi de chauds défenseurs qui les ont prônées non-seulement comme un bel ornement, mais encore comme un signe certain de la vertu prolifique du bélier ; leurs détracteurs ont dit, au contraire, qu’elles étaient nuisibles parce qu’elles tenaient au râtelier une place inutile, parce qu’elles blessaient les autres bêtes du troupeau, et surtout parce qu’elles annonçaient une vigueur extraordinaire dans le système cutané, c’est-à-dire, une tendance à l’épaississement de la peau : assertions hasardées de part et d’autre qui ne feront pencher la balance pour ou contre que lorsqu’il sera démontré que les béliers sans cornes ont moins de vigueur, ou que ceux armés de cornes produisent une laine moins précieuse.

§ II. — De la monte.

Il semblerait, au premier aspect, que l’époque de la monte ne peut être mise en question et que la nature a pris soin de nous l’indiquer en excitant constamment le rut des brebis dans une saison déterminée ; mais les lois de la nature ne sont point une raison suffisante quand il s’agit d’animaux qui n’existent plus que d’une manière tout artificielle ; il n’est pour eux de lois obligatoires que celles de notre intérêt : la satisfaction de leurs instincts même les plus forts, doit être complètement subordonnée à cette règle suprême. Toutes les brebis d’un troupeau ne demandent pas le bélier précisément à la même époque ; si ou laissait agir la nature, il en résulterait que le part se prolongerait pendant plusieurs mois et que la troupe d’agneaux serait composée d’individus très-différens en âge et en force ; or, il est bien reconnu depuis longtemps que ce résultat présente de très graves inconvéniens pour l’élève des mérinos. Dès 1801, Pictet de Genève s’expliquait ainsi qu’il suit sur ce sujet : « J’ai fait, disait-il, sur les brebis nourrices une observation qui ne s’est jamais démentie, c’est qu’elles ne sont point jalouses de leur lait comme le sont les brebis de race commune : pourvu que leur agneau tette d’un côté, elles abandonnent l’autre au premier agneau qui veut s’emparer de la place. L’instinct des agneaux mérinos les porte à téter la brebis qui se trouve à leur portée, mais seulement pour suppléer à l’allaitement de leur mère : ils commencent toujours par celle-ci, qui ne peut point haïr fournir assez de lait, parce que les mamelles de toutes les mères du troupeau sont en commun entre tous les agneaux. On voit par là combien il importe que les agneaux soient tous à peu près de même force ; parce que les plus forts étant toujours les premiers à s’emparer d’une place vacante, et passant successivement à 3 ou 4 brebis, affament les plus faibles. Pour obtenir cette égalité de force, il faut donner le bélier à toutes les brebis dans le même temps, autant que cela est possible ; ce temps ne doit durer qu’un mois. Faire saillir toutes les brebis dans le même mois, voilà donc la première règle de la monte. Pour que l’exécution en soit possible, il est nécessaire de tenir les béliers séparés des brebis : souvent en se contente de leur mettre un tablier, qui s’oppose à la copulation ; cet obstacle est suffisant lorsque les femelles ne sont point encore en chaleur ; mais dès que