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chap. 3e
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DE LA BETTERAVE.


crayeuses ni trop maigres, peuvent avantageusement être cultivées en betteraves.

La betterave parait se plaire sous des climats très-variés ; elle vient parfaitement en Allemagne, en Belgique, en Russie, dans le nord de la France ; dans les contrées humides elle prend un très-grand développement, et est aussi, de toutes les racines cultivées, celle qui souffre le moins des sécheresses et s’accommode le mieux du climat chaud du midi : on la croit, en effet, originaire des contrées méridionales de l’Europe, et notamment des côtes du Portugal et de l’Espagne. — M. Aug. de Gasparin a reconnu, par une longue expérience, que la betterave est la seule racine à laquelle on puisse, en Provence, s’adresser avec confiance pour remplacer les prairies artificielles, dont l’insuffisance et la casualité sont trop certaines sous ce climat ardent. La culture parait devoir subir dans ces contrées quelques modifications que nous allons indiquer sur-le-champ d’après cet agronome distingué. Le sol est toujours défoncé à deux traits de charrues, bien ameubli et préparé à recevoir la semence par un grand rouleau annelé qu’on promène sur le sol fraîchement labouré, et qui y dessine des ados sur le sommet desquels on place la graine ; cette graine est mise en place à la cheville, et pour obvier à l’inconvénient qui résulte des pluies battantes et des vents violens qui durcissent le sol au point de rendre presque impossible la sortie des graines hors de terre, on recouvre les graines avec de la silice pure (un semoir approprié pourrait exécuter ces deux opérations) ; les plantes ne sont espacées que d’un pied, ce qui en donne 90,000 à l’hectare, et peut porter le produit, avec une moyenne de deux livres par racine, à 1800 quintaux.

La betterave peut très-bien trouver place dans l’assolement triennal et remplacer la jachère. M. Vilmorin pense que si la betterave promet à la France d’immenses avantages comme plante saccharine, elle lui rendra peut-être encore un plus grand service en introduisant dans notre agriculture une première habitude des cultures sarclées, et préparant ainsi la voie à l’adoption des bons assolemens dont elles sont la base fondamentale. Aux cultivateurs qui tiennent à l’assolement triennal par un motif quelconque, on peut donc conseiller de mener ce qu’ils ont de fumier sur une étendue convenable de leurs chaumes d’avoine, de donner de bons labours, semer en betteraves, et, après la récolte en octobre ou novembre, ensemencer en blé pour lequel les betteraves fumées et bien cultivées auront été une excellente préparation. — Dans l’assolement quadriennal la véritable place de la betterave est marquée après l’avoine qui suit le défrichement des trèfles, des luzernes, etc.; en effet, elle ne prospère pas toutes les fois que les gazons et les racines de ces plantes ne sont pas complètement décomposés.

La betterave demande un sol abondant en principes nutritifs ; il convient donc de fumer à l’automne ou du moins avant janvier. Si on ne l’a pu absolument et qu’on ne le fasse qu’à l’hiver ou au printemps, c’est toujours alors avec du fumier consommé. Quant à la proportion de l’engrais, elle est la même que si l’on voulait immédiatement confier le froment au sol. A moins que la terre ne soit épuisée, cette fumure ne sera pas absorbée par les betteraves, et son influence, jointe au bénéfice des préparations que le sol va recevoir, donnera, l’année suivante, un blé qui sera au moins aussi beau et aussi productif, et toujours plus propre que s’il avait suivi l’engrais.

Beaucoup de fabricans de sucre veulent éviter l’emploi du fumier dans la culture des betteraves destinées à l’extraction du sucre, et sont alors en désaccord avec les cultivateurs qui ne peuvent se condamner à une récolte souvent moitié moindre, à moins que le quintal de racines ne leur soit payé le double. S’il est certain qu’une forte fumure nuit à la qualité des betteraves et qu’il est essentiel au fabricant d’éviter l’excès sous ce rapport, cependant on peut dire que le fumier ne saurait être proscrit que quand le sol est déjà dans un haut état de fertilité, cas fort rare ; ou bien, comme c’est le plus ordinaire dans le département du Nord, lorsque la betterave succède au blé qui a reçu la fumure.

On doit aussi faire une grande attention aux engrais dont on se sert ; car la composition chimique de la betterave est toujours influencée par la nature des matières solubles du sol où elle croît ; ainsi, lorsqu’on a employé beaucoup de fumier de bœufs ou de chevaux, le jus des betteraves renferme de la potasse et de l’ammoniaque combinées qui deviennent libres et jouent dans la fabrication un rôle nuisible. Les engrais les moins énergiques, et spécialement les récoltes enfouies en vert, sont donc particulièrement convenables. — M. de Dombasle est d’avis, lorsque le sol n’est pas assez riche pour que l’on puisse espérer après les betteraves une bonne récolte de céréales, d’éviter d’appliquer des engrais dont l’efficacité est très-prompte et agit sur la première récolte plus que sur la seconde, comme le fumier de bêtes à laine, surtout le parcage, les engrais liquides, la poudrette, et même le fumier de cheval décomposé, et de préférer le fumier de bêtes à cornes dans son état frais. — Dans le pays d’Altembourg (Saxe), d’après M. Moll, les cultivateurs ne craignent pas, en sus de la fumure ordinaire, d’arroser plusieurs fois avec du purin leurs betteraves, depuis l’instant du repiquage jusqu’à celui de la récolte ; on le répand après la pluie et par divers moyens appropriés. (Voyez Tome I, page 96.) — Au surplus, lorsqu’on adopte le mode de culture par repiquage, il est essentiel que le sol de la pépinière soit fumé plus fortement, afin qu’il produise du plant assez gros pour assurer la reprise.

§ III. — Culture de la betterave.

Les préparations préliminaires du sol varient en raison de la nature et de l’état dans lequel il se trouve ; mais, en général, on peut prendre pour modèle ce qui se pratique dans le département du Nord, que nous allons citer d’après MM. Baudrimont et N. Grar.