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duits d’un suint fort abondant, raremeut jarreuses : elle réunit toutes les qualités énumérées au chapitre des laines, tom. III. Dans l’état actuel de l’agriculture française, le mérinos peut être considéré comme l’espèce la plus productive des bêtes à laine ; il demande aussi plus de soins, sa direction exige plus d’habileté : nous l’étudierons dans toutes les phases de son existence ; nous comparerons les deux systèmes suivis en France pour son perfectionnement (le système de Rambouillet et le système de Naz) ; nous examinerons comment ou peut utiliser ses qualités actuelles par la reproduction de la race pure ou par le métissage : nous chercherons enfin à évaluer ses produits et à reconnaître dans quelles circonstances son éducation est plus ou moins avantageuse que réducation d’une autre race.

SECTION. — De la reproduction.

§ Ier — Choix des animaux reproducteurs.

Plus est grand le degré de perfection atteint par une race, plus notre attention doit être sévère pour éloigner les causes nombreuses qui tendent sans cesse à faire redescendre cette race dans l’état de nature ; entre toutes ces causes, la reproduction libre, abandonnée au seul instinct des animaux, suffirait pour détruire en peu d’années nos travaux de plusieurs siècles. Les bêtes à laine n’ayant acquis les qualités qui nous les rendent précieuses que par les soins de l’homme, ne les conservant que sous notre surveillance, ne peuvent non plus les perpétuer et les transmettre à leur progéniture que par notre intervention directe. Un propriétaire de merinos doit donc se regarder comme obligé de surveiller lui-même attentivement la reproduction de son troupeau, sous peine de le voir dégénérer avec rapidité et retomber promptement au rang des bêtes communes. Chaque animal mâle ou femelle sera soumis à un examen scrupuleux et ne devra être admis à l’accouplement que s’il réunit les conditions d’âge, de santé, de conformation et de lainage jugées nécessaires. L’âge auquel on livre les brebis et les béliers à la reproduction influe beaucoup sur eux-mêmes et sur leurs extraits : sur eux, en usant leurs forces et en abrégeant leur vie ; sur leurs extraits, en ce que les forces de la mère n’étant point suffisamment développées ou se trouvant épuisées par la vieillesse, ils ne reçoivent point d’elle une nourriture suffisante avant ou après leur naissance et restent chétifs tout le temps de leur existence. Quand les mérinos étaient encore très-rares en France, certains éleveurs qui trouvaient un énorme profit dans la vente des agneaux, faisaient saillir leurs bêtes à tout âge et s’inquiétaient peu de l’abâtardissement qui en résultait ; d’autres, dans un but plus louable, retardaient au contraire la première monte afin d’obtenir des agneaux plus forts et plus beaux : ces deux extrêmes nuiraient aujourd’hui au producteur ; le terme moyen est le plus convenable. A dix-huit mois, la brebis, qui a toujours été bien nourrie, est capable de concevoir un agneau vigoureux et de l’allaiter suffisamment au moment de sa naissance : il serait peu sage de la forcer à attendre le mâle un an de plus, car on perdrait ainsi tout au moins les intérêts d’un an sur la valeur des agneaux. Il n’en est pas ainsi du bélier, on fera bien d’attendre qu’il ait pris tout son développement avant de l’employer ; 3 à 4 ans paraissent l’âge convenable pour le livrer à la lutte de la manière la plus profitable. Quoique la race merinos supporte facilement un âge plus avancé que nos variétés communes et conserve plus longtemps ses facultés reproductives, il est avantageux de ne point leur laisser atteindre la vieillesse pour les réformer et de les mettre à profit comme bêtes de boucherie avant que leur chair ait perdu sa valeur. A moins donc qu’un animal n’offre des qualités extraordinaires et ne soit d’un très-grand prix pour la reproduclion, nous ferons bien de ne plus l’admettre à la lutte quand il aura terminé sa 6e année. La santé nécessaire chez tous les animaux domestiques destinés à la propagation de leur espèce, doit être plus rigoureusement examinée quand il s’agit de bêtes aussi délicates que les moutons. Le bélier en bonne santé marche la tête haute, mange avec appétit, a l’œil vif et montre de l’ardeur quand les brebis sont en rut ; méfiez vous de ses qualités, s’il ne s’avance point à la tête du troupeau, s’il reste couché à votre approche et ne secoue pas vigoureusement la cuisse pour échapper à la main qui le retient ; la valeur prolifique de ce bélier doit être mise en doute, sa santé n’est pas même bien certaine. Pour s’en assurer, quand le berger a saisi l’animal par la patte, il le prend entre ses jambes comme s’il voulait le monter, lui passe une main sous la ganache et soulève ses paupières de façon à découvrir le globe de l’œil pour l’examiner attentivement : dans les bêtes malades, les veines de l’œil, les caroncules lacrymales et la surface intérieure des paupières sont d’un rouge pâle et presque décolorées ; dans les bêtes bien portantes, au contraire, les mêmes parties sont d’un rouge vif sans être enflammées, et l’œil entier est brillant et animé au lieu d’être terne et languissant ; la bouche indique aussi la santé ou la maladie selon que les lèvres sont pâles ou colorées ; l’odeur de l’haleine quand elle est mauvaise ; les naseaux quand ils sont remplis de mucosités ; la laine quand elle se détache sans effort, sont également des symptômes d’un état maladif. La brebis, comme le bélier, devra réunir tous les traits caractéristiques d’une aptitude certaine à la reproduction : de gros testicules pour le mâle ; un vaste bassin pour la femelle, une poitrine large, des reins solides, etc., tous caractères dont la valeur a été suffisamment démontrée dans les chapitres précédens. Le lainage, étant la source principale des produits du mérinos, mérite la plus sérieuse attention, principalement en ce qui concerne le bélier. Nous ne reviendrons point ici sur ce qui a été dit de la laine et des toisons fines dans le chapitre v, tom. III, de cet ouvrage : nous insisterons seulement sur ce point, que le mâle à préférer sera celui qui unira la plus grande finesse à la plus grande quantité de laine. Si l’on ne doit point sacrifier la qualité à la quantité, on ne doit pas non plus sacrifier la quan-