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lange ne leur soit beaucoup plus favorable qu’une nourriture exclusive. Toutefois, nous devons le répéter, on ne doit point se croire dispensé, avec les meilleures provisions d’hiver, de chercher à créer des prairies hivernales ou très-hâtives, telles que la pimprenelle, le trèfle blanc, le pastel, pour y conduire le troupeau dans les jours favorables de la mauvaise saison ; car le pâturage est la manière la plus naturelle de vivre pour les moutons, et notre expérience personnelle nous a démontré que les bergers ont bien raison de dire sans cesse qu’un peu de nourriture aux champs vaut mieux que beaucoup à la bergerie. Daubenton, qui a si bien étudié tout ce qui concerne les bêtes blanches, s’est étendu tout en détail sur leur régime d’hiver, dans son instruction pour les bergers. Dans les départemens où l’hiver est rude, dit-il, on commence à donner du fourrage aux moutons en octobre ou en novembre : on en distribue le matin, si la gelée blanche empêche le troupeau de sortir de bonne heure, et le soir lorsqu’il revient du pâturage sans être assez rempli. Quand les animaux sont forcés de rester renfermés plusieurs jours de suite, il faut, outre leur ration du matin et du soir, leur donner à midi de la nourriture fraîche, ce qui les empêchera de dépérir et de s’altérer outre mesure ; à défaut de verdure et de racines, quelques poignées d’avoine, un peu d’orge, des pois cassés, etc., produiront un bon effet ; le gland même, les châtaignes, la graine de genêt si abondante dans quelques contrées, seraient d’un grand secours dans une saison rigoureuse. On cesse de donner du fourrage aux moutons dans le printemps, lorsqu’ils commencent à trouver dans la campagne une suffisante quantité d’herbes pour leur entretien, et lorsqu’ils sont bien ronds, c’est-à-dire bien remplis, en rentrant le soir à la bergerie ; mais tant que l’on voit qu’ils n’ont trouvé qu’une partie de la nourriture qui leur est nécessaire, il faut y suppléer en leur donnant du fourrage au râtelier. Ce qui concerne la boisson des moutons est fort simple : de l’eau pure et en petite quantité, voilà la règle ; la mauvaise qualité et la grande abondance de la boisson amèneraient presqu’infailliblement des maladies. L’humidité, sous toutes les formes, est dangereuse pour les bêtes à laine ; le brouillard, la pluie, la rosée, le serein, les vapeurs marécageuses, les pâturages trop succulents sont à craindre pour ces animaux ; le berger évitera donc de les pousser à boire. Quand il se trouve de l’eau dans le voisinage de la ferme, le mieux est d’y conduire chaque jour le troupeau et de passer lentement sans s’arrêter, mais de façon que les moutons qui auront soif puissent se désaltérer ; les autres passeront sans boire. Si l’eau se trouve trop éloignée pour y mener les bêtes chaque jour, il sera sans danger de ne les y conduire qu’une fois en 2 ou 3 jours suivant que la nourriture et la saison sont plus ou moins altérantes. Cependant il ne faut jamais trop tarder à abreuver les moutons, non parce que la soif les rendrait malades, mais parce qu’ils boiraient en un jour autant qu’ils auraient bu en plusieurs jours, et que cette grande quantité de boisson prise toute à la fois pourrait causer des épanchemens d’eau mortels. On ne doit jamais oublier qu’un mouton en bonne santé boit peu ; c’est presque un signe de maladie de le voir courir à l’eau avec avidité. Un troupeau en pays sain, et pendant la belle saison, peut très-bien se passer de sel ; mais cet assaisonnement est fort nécessaire pendant les mois pluvieux et froids de novembre à avril ; il est indispensable dans les pays bas, humides, si contraires au tempérament du mouton ; il soutient leur appétit, fortifie leur estomac et le rend plus capable de supporter sans danger la nourriture sèche et les pâturages aqueux des terres froides. Daubenton considère le sel comme un préservatif de la pourriture : il réchauffe les moutons, dit-il, il leur donne de la vigueur, empêche les obstructions, et fait couler les eaux superflues, qui sont la cause de la plupart de leurs maladies. On le distribue dans l’auge avec quelque nourriture, ou bien on le fait fondre dans de l’eau pour en arroser le fourrage. Un kilogramme tous les huit jours est suffisant pour 40 moutons. Tel est le régime ordinaire des moutons ; il doit être modifié selon la destination et la nature spéciale du troupeau.

SECTION II. — De l’éducation d’un troupeau.

Nous avons établi les conditions qu’on doit s’imposer avant de se livrer à l’éducation des bêtes à laine ; nous avons dit comment on devait pourvoir à leur garde, à leur logement, à leur entretien : quiconque se trouvera en position de suivre les règles que nous avons tracées, doit alors rechercher sur quelle race de moutons il portera ses soins. Ce choix sera déterminé 1° par la connaissance des races, de leurs besoins, de leurs produits ; 2° par les principes d’économie rurale développés dans notre 4e volume.

§ Ier. — Des races.

Nous ne décrirons pas ici les innombrables races de moutons, elles se réduisent toutes à deux genres bien distincts : 1° moutons à laine frisée ; 2° à laine lisse. Les premiers ont une taille moyenne, une toison tassée à mèches très-ondulées, à brins très-fins ; leur hygiène exige des pâturages bien sains ; les contrées humides leur sont fatales ; ils n’utiliseraient pas convenablement de gras pâturages. Les seconds ont une toison non tassée, à mèches longues, pendantes, pointues, dont le brin, généralement grossier, peut devenir très-fin dans des variétés perfectionnées ; ils arrivent à une taille élevée ; ils sont essentiellement propres à la boucherie ; ils supportent très-bien l’humidité constante de certains climats et ne peuvent prospérer sans une nourriture très-abondanle. Ces deux types existaient et existent encore dans notre patrie ; on les rencontre aux deux extrémités du territoire, en Roussillon et en Flandre. Le territoire intermédiaire est peuplé d’une foule de variétés qui réunissent plus ou moins les qualités de la race de montagne ou de la race de plaine. Le tableau suivant résume d’une manière suffisante ce qu’il est utile de savoir sur nos moutons indigènes, et nous évite d’en donner une description détaillée.