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enlever tous les immondices qui la souillent ; laver tout l’ameublement à grande eau, blanchir les murailles intérieures à la chaux, et enfin détruire les gaz méphitiques par l’action des chlorures. Les chlorures, surtout le chlorure de chaux, sont d’un emploi très-facile, le prix d’achat est peu de chose, on en trouve chez tous les pharmaciens ; voici comme on l’emploie : les moutons étant aux champs, et le fumier étant enlevé, on fait fondre une livre ou deux de chlorure de chaux dans un baquet rempli d’eau ; quand la dissolution est complète, on trempe un balai ou un bouchon de paille dans le liquide, et l’on badigeonne le bas des murailles, portes, poteaux, etc., à un mètre de hauteur ; on en répand légèrement partout où le besoin s’en fait sentir : et si une maladie contagieuse a attaqué le troupeau, on purifie également les crèches et râteliers avec le chlore ; puis on répand de nouvelle litière, et quelques heures après, quand l’odeur du chlorure s’est un peu dissipée, on fait rentrer les moutons. Mais cette purification n’est que momentanée, elle détruit le mal que l’on a longtemps laissé croître et ne l’empêcherait point de renaître après peu de temps : bientôt la bergerie deviendrait infecte de nouveau si l’on négligeait les moyens que nous avons développés et sur lesquels nous ne nous reprocherons point d’avoir insisté longuement, pourvu que nos lecteurs adoptent cette idée que la bergerie est un lieu de refuge où les bêtes ovines doivent retrouver l’air pur, sec et doux, nécessaire à leur tempérament délicat. Quoique nous soyons convaincus de la nécessité d’abriter les bêtes à laine et de les protéger par un toit contre l’intempérie des saisons si variables sur la majeure partie du territoire français, nous devons cependant dire quelques mots de la méthode de les loger en plein air toute l’année. Cette méthode est fort ordinaire en Angleterre, quoique l’atmosphère y soit constamment imprégnée d’humidité ; à la vérité, la température est moins variable dans les îles Britanniques que dans notre pays ; les excès de chaleur et du froid y sont moins grands ; les vents piquans y sont fort rares, et enfin les races ont été façonnées de longue main à cette manière de vivre. Ces avantages naturels pouvant se rencontrer dans quelques parties de la France, nous engagerons ceux qui sout en position d’en profiter, à ne point négliger l’économie importante qui résulte d’un mode aussi simple. En admettant donc ces conditions de température, on peut sans inconvénient loger les moutons dans tout enclos assez bien fermé pour qu’aucun animal dangereux ne puisse y pénétrer ; les cours des fermes seraient, surtout, très-propres à former ce parc permanent ou parc domestique, comme l’appelait Daubenton, pourvu toutefois qu’elles fussent bien nivelées et que les eaux de fumier n’y formassent point des mares pestilentielles, comme cela a lieu trop souvent. Car la première nécessité du parc domestique est d’être assis sur un terrain ferme, s’égoultant facilement et promptement quand la pluie l’a mouillé. Là, bien plus encore que dans les bergeries, la litière doit être abondante et très-souvent renouvelée. Des râteliers y sont indispensables pour éviter le gaspillage de la nourriture ; et de petits appentis doivent pouvoir y être disposés lors du part pour recevoir pendant quelques jours les brebis qui agnellent.

§ III. — Régime ordinaire des moutons.

Le pâturage est indubitablement le régime le plus convenable à la santé des bétes ovines : le propriétaire d’un troupeau trouvera presque toujours du bénéfice à procurer à ses moutons un parcours abondant pendant toutes les saisons de l’année ; pour atteindre ce but, on doit employer tous les moyens indiqués par la science agricole : il faut créer des prairies qui se succèdent sans interruption, qui bravent les froids de l’hiver et les chaleurs du solstice d’été. C’est une entreprise difficile, mais non impossible, et qui sera très-profitable pour quiconque possède une bergerie de quelque importance. Le parcours des terres vagues, des landes, des bruyères, des chemins et des bois, est d’une grande ressource dans certains pays pauvres où l’agriculture n’a pris aucun développement ; tant que dure la belle saison, ou peut y entretenir, à peu de frais, des moutons communs qui y prospèrent et qui sont recherchés par la boucherie. Dans les contrées mieux cultivées, mais encore soumises à la jachère triennale, les fermiers parviennent quelquefois à nourrir leurs bêtes avec ce qu’elles trouvent sur la sole de jachère et sur les chaumes. Toutefois, il faut reconnaître qu’un pareil pâturage ne peut suffire qu’à des races très-rustiques, petites et de peu de produit : les moutons du Berry sont peut-être les seuls capables de supporter ce dur régime qui les réduit presque à la famine par les grandes sécheresses, et qui ne leur fournit une nourriture abondante que dans les temps humides, temps où le parcours est si dangereux pour toute autre race. Si, au contraire, on veut entretenir des troupeaux plus précieux, des moutons à laine fine, dont le tempérament délicat exige une nourriture toujours saine et en quantité toujours égale, ou des moutons de grande taille pour la boucherie, auxquels l’abondance est indispensable, il faut préparer des moyens de subsistance choisis et nombreux : compter sur la vaine pâture serait une folie ; il faut leur consacrer des prairies spéciales, naturelles ou artificielles, et faner pour eux des fourrages qui leur seront distribués à la bergerie les jours où on ne pourra les faire sortir. Entrons dans quelques détails sur ce sujet important. Ou sait qu’un mouton de taille moyenne mange par jour environ 4 kilogrammes d’herbe fraîche de prairie naturelle ; cette herbe, quand elle est fanée, se réduit à un kilogramme de foin dont se contente également le même mouton nourri au sec. En prenant ce fait pour base de nos calculs, nous reconaîtrons qu’il faudrait consacrer 10 hectares de prairies à l’entretien d’un troupeau de 100 moutons pendant une année : un tiers environ étant fauché et fané pour affourrager dans les mauvais jours, les deux autres tiers étant mangés sur place. Peut-être aucun assolement ne se prêterait-il