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tères attaquent vos yeux par des picolemens aigus et vous suffoquent, vous êtes forcé d’aller chercher à la porte l’air qui vous manque. Et l’on pourrait croire qu’un logement pareil est convenable au bien être du mouton, cet animal dont le tempérament délicat demande plus qu’aucun autre de l’air pur, doux et sec ! Ne vaudrait-il pas mieux ne leur donner aucun abri, que de les forcer à vivre dans ce cloaque empesté au milieu des miasmes putrides dont l’aspiration suffit pour ruiner leur santé. Aussi Daubenton n’a-t-il point hésité à soutenir que les étables fermées étaient le plus mauvais logement que l’on pût donner aux moutons. La vapeur qui sort de leur corps, dit-il, et celle du fumier, infectent l’air et mettent ces animaux en sueur. Ils s’affaiblissent dans ces étables trop chaudes et malsaines : ils y prennent des maladies. La laine y perd sa force. Lorsque les bêtes sortent de l’étable, l’air du dehors les saisit, arrête subitement leur sueur et les met en danger. M. Huzard père pense qu’il ne faut point attribuer à d’autres causes les rhumes et la morve dont les bêtes blanches sont souvent affectées : par suite, il recommande de faire en sorte que la température des bergeries ne diffère guère de la température extérieure. Il est évident qu’on ne peut atteindre ce but qu’avec de nombreuses fenêtres qui permettent à l’air du dehors de venir sans cesse se mélanger avec l’air intérieur. Mais ce moyen, suffisant contre l’excès de la chaleur, ne garantirait point encore complétement les moutons contre le danger qu’ils courent dans une étable fermée ; car il resterait toujours autour d’eux, dans les parties au-dessous des fenêtres, des gaz malsains dont la respiration attaque directement leurs poumons. On sait, en effet, qu’après avoir été respiré, l’air vital sort des poumons tout différent de ce qu’il était en y entrant ; la décomposition qu’il a subie lui a enlevé ses propriétés vitales : il ne peut plus servir une seconde fois à la respiration : en même temps, il est devenu plus pesant, et ne peut guère s’élever au delà d’un mètre ; l’air qui entre par les fenêtres passe au-dessus de ces gaz inférieurs sans les renouveler, de sorte que s’il n’existait point d’ouvertures plus basses que les fenêtres, les animaux se trouveraient au bout d’un certain temps comme plongés dans une atmosphère épaisse, irrespirable, et ils périraient asphyxiés par le manque d’air vital, comme périssent trop souvent les hommes qui descendent dans des puits profonds où l’air n’a point été renouvelé depuis longtemps. Il est donc nécessaire, pour entretenir un air pur dans toutes les hauteurs de la bergerie, de pratiquer, outre les fenêtres, des ouvertures au niveau du sol, afin d’établir des courans qui emportent les gaz méphitiques et qui assainissent les parties les plus infectées. C’est ce que font aujourd’hui les éleveurs instruits, bien convaincus que plus une bergerie a d’ouvertures, mieux les moutons s’y maintiennent en bonne santé, pourvu toutefois qu’ils soient à l’abri de l’humidité, de la bise et des rayons directs du soleil. On doit à Daubenton le modèle d’une bergerie où tous ces avantages se trouvent réunis, et dont la construction demande peu de frais. Ce bâtiment (fig. 292) est tout en bois

Fig. 292.

la charpente en est soutenue par des poteaux, reposant sur des dés de pierre ; les poteaux sont assemblés par des solives et des sablières qui portent un toit couvert en bardeau, ou, selon les lieux, en tuile, ardoise, paille, etc. Un petit appentis, pincé de chaque côté du bâtiment, agrandit l’espace, sans qu’il soit nécessaire d’employer des bois plus gros et plus longs. Les contrefiches, assemblées avec les poteaux et les entraits, empêchent que la charpente ne déverse. Les pignons doivent être fermés dans le haut avec du gâchis, des nattes de paille ou de roseaux, et dans le bas avec des claies servant de portes. Les principes de Daubenton sur la nécessité de la libre circulation de l’air ont été regardés, dans son temps, comme un paradoxe ridicule ; il leur a fallu bien des années pour se répandre chez les cultivateurs, et aujourd’hui même le plus grand nombre n’est pas encore persuadé qu’il est absurde de tenir en serre chaude des animaux destinés à parcourir les champs pendant une grande partie de l’année, et que la nature a du reste si bien protégés contre le froid. Néanmoins, depuis l’introduction des mérinos en France, beaucoup d’hommes habiles s’étant occupés de l’éducation des bêtes blanches ont mis ces idées en pratique de différentes manières, selon les lieux et selon la nature de leurs spéculations. On a perfectionné les détails, et les modèles ne manquent plus pour la construction des bergeries avec tous leurs accessoires. Quel doit être l’espace accordé à chaque bête dans la bergerie  ? C’est à chaque éleveur à résoudre cette question ; car l’espace doit être plus ou moins grand selon la taille des animaux et selon leur sexe ; il faut plus de place à un bélier armé de cornes qu’à un mouton sans cornes ; il en faut plus à une brebis avec son agneau qu’il n’en faut au bélier ; les grandes races en exigent plus que les petites. Les bêtes doivent pouvoir se placer au râtelier pour y manger sans être trop serrées l’une contre l’autre ; 50 à 60 cent. mètres sont en général suffisans ; mais il doit, en outre, exister un espace libre entre les rangs, afin que les animaux puissent se mouvoir et se coucher à l’aise : au total, une fois la largeur de chacune des bêtes et deux fois sa longueur sont le moindre espace que l’on