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cultivateur doit être intimement pénétré avant de se livrer à l’éducation des bêtes blanches. Ces notions préliminaires se subdivisent en trois parties : la garde, le logement, et la conduite du troupeau.

SECTION lre.

§ 1er. — De la garde des moutons.

Quand le mouton ne serait pas le plus délicat de nos animaux domestiques, le plus faible, le plus sujet à une foule de maladies, ce serait encore celui qui devrait être soumis à la plus active surveillance pour mettre les champs cultivés à l’abri de ses ravages. Dans les pays où l’agricullure est un peu soignée, les bêtes à laine sont toujours conduites par un homme raisonnable, aidé d’un, ou plusieurs chiens bien dressés : dans les pays d’une culture négligée, les troupeaux, au contraire, sont abandonnés à la négligence de jeunes enfans incapables de se conduire eux-mêmes, et les animaux n’en soutirent pas moins que les récoltes, les soins convenables n’étant accordés ni aux uns ni aux autres. Et si l’on n’avait aucun égard à la conservation des champs, la conservation même du troupeau exigerait qu’il fut dirigé par un bon berger. Sans berger point de troupeaux productifs, c’est là un principe incontestable. Un berger, pour être capable de rendre les services qu’on attend de lui, doit être doué de plusieurs qualités importantes et doit avoir quelques connaissances dans la partie qui nous occupe ; il lui faut de la patience et de la douceur, car les animaux qu’il dirige ont peu d’instinct et retombent sans cesse dans la même faute : il lui faut une vigilance soutenue qui s’étende non-seulement sur tout son troupeau en masse, mais encore sur chacune de ses bêtes en particulier ; son œil se promène sans cesse de l’une à l’autre, il voit celle qui ne mange pas d’un bon appétit et celle qui mange avec trop d’avidité, il s’en approche, les examine de plus près et leur donne des soins particuliers s’il le juge nécessaire ; il ne laisse échapper aucun de ces signes par lesquels se manifeste l’état de santé ou de maladie chez les moutons ; il étudie sans cesse les causes du bien-être ou du malaise qu’éprouvent ces animaux ; enfin, il met avant tout le soin de son troupeau, il en fait son unique occupation, son seul plaisir. L’activité, surtout dans l’hiver, lui est également indispensable pour préparer et distribuer les diverses râtions de nourriture que l’on distribue plusieurs fois chaque jour dans les bergeries bien entretenues. Le courage, pour coucher seul au milieu des champs, et la force, pour transporter le parc qui renferme ses moutons, doivent aussi être recherchés dans le berger. Voilà pour ses qualités principales. Ses connaissances doivent être d’autant plus atendues, que le troupeau qui lui est confié est plus précieux. Il est indispensable qu’il sache reconnaître l’âge des moutons et l’état de leur santé ; il doit pouvoir aider les brebis à mettre bas quand le part est difficile, et donner aux agneaux les secours que réclame leur faiblesse. Les symptômes des maladies les plus ordinaires doivent lui être familiers, ainsi que les moyens que l’on emploie pour les combattre. Si on ne lui confie que des animaux de race commune, il lui suffit d’être bien pénétré des règles générales d’hygiène que nous développerons dans les deux paragraphes suivans : mais s’il est à la téte d’une bergerie remarquable pour sa finesse ou son aptitude à l’engraissement, il ne peut ignorer les principes à l’aide desquels on maintient la perfection acquise de la toison ou des formes. Il faut qu’il soit capable de diriger l’accouplement des mâles et des femelles selon les vues de son maître, et de préjuger sainement de l’avenir des jeunes élèves, afin de conserver toujours pour la reproduction ceux qui rempliromt le mieux le but vers lequel on tend. Les opérations chirurgicales, telles que la castration, la clavelisation, la saignée, appartiennent au berger. Quand l’animal est mort, c’est encore le berger qui doit lui enlever sa dépouille et la conserver jusqu’à la vente : c’est lui aussi qui abat et dépèce les bêtes destinées à la consommation. Aucune phase de l’existence du mouton, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, n’est donc en dehors de l’influence du berger, et ce serait une haute imprévoyance de choisir à la légère celui qui doit remplir une fonction si importante. Après le choix du berger, le logement du troupeau doit occuper sérieusement l’éleveur de bêtes à laine. Dans certaines parties de l’Europe et même de la France, les moutons, lorsqu’ils ne sont point aux champs, restent enfermés dans une cour où ils trouvent de la litière pour se coucher, mais où ils ne sont abrités par aucune espèce de couverture : la plupart des cultivateurs français ne suivent point celte méthode qui présente en effet des inconvéniens assez graves. En général, l’usage des bergeries est regardé comme indispensable dans notre pays ; leur construction, leur ameublissement méritent donc d’être traités avec quelques développemens.

§ II. — De la bergerie.

La bergerie est le bâtiment destiné à protéger les bêtes ovines contre l’intempérie des saisons : elle doit être assez vaste pour contenir à l’aise les animaux que l’on veut y renfermer, assez aérée pour que la chaleur ne s’y maintienne point à un degré trop élevé, et convenablement ventilée pour que les gaz méphitiques ne puissent jamais y séjourner ; enfin, elle doit être meublée de râteliers et d’auges propres à recevoir la nourriture du troupeau dans les mauvais jours. Pour des moutons en bonne santé, la chaleur est beaucoup plus à craindre que le froid ; c’est une vérité que l’on ne doit point se lasser de redire en voyant combien est enraciné chez une foule de cultivateurs routiniers le préjugé contraire : par crainte du froid, ils entassent leurs bêtes dans des bergeries étroites dont ils bouchent hermétiquement toutes les ouvertures, et qu’ils ne curent qu’une fois l’année afin d’en augmenter la chaleur. Entrez dans ces étables, une vapeur épaisse et humide vous étouffe, les gaz délé-