Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/481

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAP. 11. MOYENS D'AMÉLIORATION DANS L'ESPÈCE BOVINE.

lée ; et s’il y avait beaucoup de faiblesse, on administrerait du vin chaud.

Les bons éleveurs regardent comme une fort mauvaise pratique de manier sur le dos les veaux nouvellement nés.

La vache et son veau, ayant beaucoup moins besoin d'exercice musculaire que la jument et son poulain, on peut, sans inconvénient, les laisser à l'étable, pourvu que cette habitation soit saine. Bien nourrie, la vache y produira plus de lait qu'au pâturage.

Dès le huitième jour après la-mise bas, on trait la vache nourrice. Cette époque coïncide avec celle où le colostrum a fait place au lait de la meilleure qualité. Jamais la laitière n’est si productive : on la dit fraîche vêlée. Pour tirer de cet état tout le parti possible, et afin de le prolonger, on n’abandonne au veau qu’une partie du lait maternel, ou même on l’en prive entièrement, le soumettant à un allaitement artificiel.

Le foin, la paille, les autres fourrages secs ne conviennent pas aux vaches fraiche vêlées. Ces alimens exigent trop de travail des organes digestifs affaiblis par le vêlage ; ils sont peu galactophores. Ce sont les végétaux cuits, racines, tubercules, choux, autres fourrages en soupes, en buvées, qui leur conviennent éminemment. On les distribue avec mesure néanmoins ; car en trop grande quantité, cette nourriture pousserait à l’engraissement aux dépens de la production du lait.

Comme chez elles, beaucoup plus que chez les deux autres femelles domestiques, les organes mammaires ont, par l’effet d’une traction habituelle, acquis un grand volume et une grande activité : il s’y produit, dans les premiers temps de l’allaitement, même avant la disparition du colostrum, une telle abondance de lait que le pis s’engorge et devient quelquefois douloureux. Des abcès s’y forment ; ils sont suivis d’ulcères, de fistules ; d’autres fois il s’y développe des crevasses, des pustules. Les pustules qui surviennent au pis des vaches dans les premiers temps de l’allaitement surtout peuvent être le cowpox (vaccine) ; on les reconnaît en ce qu’elles sont déprimées dans leur centre, et entourées d’une auréole inflammatoire rouge ou rose, et contenant une humeur blanche. Ces pustules, enzootiques en Irlande et en Ecosse, ont été rarement observées en France. L’humeur de ces pustules, inoculée à notre espèce, préserve de la variole. Cet effet, constaté par l’expérience, ne saurait être expliqué par aucune théorie.

Les pustules et les crevasses peuvent être causées par le fumier et les muselières composées de peau de hérisson, ou armées d’un clou, dont on affuble les veaux pour les empêcher de téter. On prévient ces accidens en trayant les vaches d’une main douce, plusieurs fois dans la journée, et jusqu’à ce qu’il ne coule plus de lait, dût-on le laisser perdre, en lavant le pis avec de l’eau émolliente, et s’abstenant des corps gras, dont l’effet est de provoquer la suppuration.

§ XIII. — Allaitement et sevrage.

Il est rare qu’on laisse le jeune veau comme le poulain constamment avec sa nourrice.

Le plus souvent on les sépare dans la même étable, ou dans les habitations différentes. Le veau ne suit pas sa nourrice au pâturage ; il lui est amené à des heures déterminées.

En certains lieux on tire, avant son arrivée, la moitié du lait ; ailleurs, on laisse d’abord téter le veau, et on le chasse assez tôt pour pouvoir traire la plus grande partie, et c’est le plus crémeux. En d’autres endroits, on laisse le veau téter d’un côté, pendant qu’on trait la mère de l’autre. Dans le Lyonnais, le veau, logé loin de sa mère, lui est amené d’abord quatre à cinq fois, puis trois fois par jour. On le laisse téter à discrétion, et on tire ensuite tout le lait qu’il a laissé dans le pis. Autant qu’on le peut, c’est toujours aux mêmes heures qu’a lieu l’allaitement journalier ; et on ne remarque pas que ni la nourrice ni son petit témoignent beaucoup d’impatience pendant leur séparation. On ne se plaint pas du surcroît de soins qu’exige cette méthode qui est confiée aux filles de basse-cour.

Lorsque la vache est nourrie au pâturage, le veau reste à l’étable, et alors il ne tète que le matin, le soir, rarement une fois la nuit.

Il faut bien se garder de soumettre à l’allaitement artificiel les veaux qui doivent devenir des taureaux améliorateurs.

Les veaux d'élève destinés à maintenir ou à relever les fortes races, à devenir de robustes travailleurs, doivent téter jusqu’à six mois : c’est ce qui se pratique en Auvergne. Ce sevrage tardif est facile ; il se fût opéré de lui-même un peu plus tard, d’autant mieux que l’allaitement avait déjà été interrompu à des intervalles successivement prolongées.

Les tendrons auvergnats sevrés ne sont pas mis sur-le-champ au régime du fourrage sec. Comme on les fait naître dans la saison de l’herbe verte, on en forme des troupeaux qu’on mène paître loin de leurs nourrices qu’ils ne reverront plus, à moins de rentrer à la vacherie en qualité de taureaux étalons.

Si la saison trop avancée, des intempéries, d’autres circonstances interdisaient le pâturage des tendrons, on leur donnerait des soupes légères, surtout d’abondantes boissons : car, encore plus que les poulains, ils sont altérés après le sevrage : c’est par gradation qu’on les habitue au fourrage sec ; on leur donne du regain de préférence, parce qu’il est d’une digestion plus facile ; qu’il exerce moins la rumination : fonction qui, venant de s’établir, a encore peu de force.

Les veaux nouvellement sevrés sont, plus que les poulains, sujets à la constipation ou à la diarrhée.

Dans le premier cas, on introduit avec précaution dans le fondement un doigt bien huilé ; on fait nn suppositoire de savon ; on donne quelques lavemens émolliens. Dans le second cas, qui est plus ordinaire, on fait prendre des jaunes d’oeufs avec du vin rouge ; on fait boire de l’eau ferrée ; on soumet quelquefois les veaux à l’usage complet des fourrages secs ; plus souvent, on est obligé de les remettre à la mamelle.

Lorsqu’on ne veut ou que l’on ne peut pas séparer de leurs nourrices les veaux nouvellement sevrés, on met à ces derniers une muserole, ou l’on enveloppe les mamelles des vaches d’une pièce de toile ou de cuir. Les