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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : PLANTES TEXTILES ET FILAMENTEUSES.


rité, rouies et teillées convenablement, donnent une filasse fine, forte et blanche, propre à faire différentes sortes de toile. Des essais heureux et encourageans en ont été faits depuis longtemps, et on a lieu de s’étonner que, vu la facile multiplication de la plante, la simplicité de sa culture dans les terrains médiocres ou mauvais, elle ne soit pas cultivée pour en tirer de la filasse. Les étoffes que l’on confectionne avec ce duvet et avec les fibres corticales des tiges sont douces, chaudes, fortes et fines, prennent bien la teinture noire, se blanchissent parfaitement, et paraissent pouvoir être imprimées.

On ne parvient à filer le duvet de l’asclépiade de Syrie qu’après l’avoir cardé, parce que les fils en sont courts et droits ; il faut même le mêler avec un quart de soie, de coton ou de laine de la plus grande finesse. On garnit la carde en partie de ces matières, et on remplit de duvet les intervalles de la carde. On peut employer le duvet sans être filé et sans mélange pour des courte-pointes, des jupons piqués et autres ouvrages. C’est même un de ses principaux usages, une livre peut remplacer deux livres de coton, parce qu’elle est plus légère et s’étend davantage. Ce qu’on lui reproche principalement, c’est de ne pas être élastique et de ne pas se laisser feutrer suffisamment.

Les fleurs de cette plante sont très-recherchées des abeilles, qui y recueillent abondamment du miel. Les chimistes en tirent aussi un sucre, un peu brun à la vérité, mais d’une excellente qualité. Les jeunes pousses se mangent comme les asperges. La graine est un puissant sudorifique ; la volaille la mange avec voracité. Les feuilles sont un caustique très-actif.

L’asclépiade de Syrie n’est ni délicate, ni difficile à multiplier. Sa culture est facile et exige peu de frais. Elle croît dans toutessortes de terrains, même les plus ingrats ; mais cultivée dans une terre substantielle, plutôt légère que forte, modérément humide, bien préparée par des labours et des hersages, elle rapporte le double. On la multiplie par la voie des semis, ou par celle des drageons, ou par ses racines. On marque à cet effet des rayons parallèles, éloignés d’environ 2 pieds l’un de l’autre. Dans ces rayons on place derrière la charrue, les semences ou plants rapprochés d’un pied à peu près dans la ligne, en laissant un sillon vide entre deux qui sont plantés. Cet intervalle facilite l’emploi des instrumens à cheval pour les sarclages et hersages nécessaires. A la 2e et à la 3e année, les racines garnissent complètement les intervalles de nouvelles pousses qui, par les fibres corticales des tiges et par le duvet précieux des aigrettes, donnent des produits aussi abondans, plus soyeux et plus souples que le chanvre.

Cette plante peut ainsi fournir, pendant plusieurs années consécutives, 2 récoltes précieuses, en lui donnant des engrais de temps en temps, surtout lorsque ses racines très-multipliées ont envahi tout le sol. Un arpent de terre bien préparée peut rapporter de 350 à 400 livres de duvet à 2 f. et quelquefois à 3 f. la livre. La récolte se fait quand la gousse est mûre, ce qu’on reconnaît à ce qu’elle s’entr’ouvre. Alors on coupe les gousses et on les fait sécher au soleil. Après leur dessiccation on sépare le duvet d’avec la graine et on le met dans des sacs à labri de toute humidité. Quant aux tiges, elles sont coupées et disposées en javelles aussitôt après l’enlèvement des gousses, et on les fait rouir comme celles du chanvre. Ce n’est qu’à la fin de la seconde année que l’asclépiade de Syrie produit des gousses, et elle n’en donne en abondance qu’à la 3e année.

Pour détacher le duvet de sa graine, on en remplit un baquet ; une ou plusieurs personnes y enfoncent leurs bras nus, et tournent circulaircment. Le duvet s’attache aux bras, qu’on en débarrasse facilement pour le poser sur un drap placé auprès. La graine bien mûre reste séparée au fond du baquet ; celle qui n’est pas mûre retient du duvet ; il faut la jeter, parce qu’elle n’a pas les qualités convenables.

Apocyn-Chanvre (Apocynum cannahinum, Lin.; anglais, Hemp dogs-bane ; allemand, Ilundskohl seïdenpflauze ; italien, Apocino). Originaire de l’Amérique septentrionale, cultivée seulement dans les jardins de botanique, cette plante, vivace et rustique, s’élève à la hauteur de 3 ou 4 pieds ; ses feuilles oblongues et velues en dessous, ses fleurs verdâtres disposées en corymbes plus élevés que les feuilles, la distinguent de ses congénères. Feu le professeur Thouin trouvait que les fibres de son écorce étaient plus fortes que celles du chanvre, et conseillait de la cultiver dans les terrains médiocres, dont elle s’accommode très-bien, pour en retirer la filasse qu’elle contient en abondance. Cependant, jusqu’ici les économistes ne s’en sont pas occupés, et l’apocyn-chanvre est resté confiné dans les jardins de botanique.

L’abbé Berlése.
§ IV. — De l’Abutilon.

Fig. 21.